Turquie : après le séisme, l’économie à la peine

Le séisme du 6 février a fait des dizaines de milliers de morts en Turquie, a rasé des dizaines de villes et laissé des millions de personnes sans abri ni emploi. Les conséquences de cette catastrophe naturelle seront forcément très lourdes pour l'économie turque. L'incertitude plane autour de l'organisation de la présidentielle en mai prochain.

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erdogan turquie séisme
Le président turc Recep Tayyip Erdogan se rend dans le centre-ville de Kahramanmaras dans le sud de la Turquie après le séisme du 6 février 2023.
AP/Présidence de la Turquie
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Déjà fragilisée par une inflation record, l’économie turque va devoir consacrer des milliards de dollars à la reconstruction des onze provinces du sud et du sud-est ravagées par la pire catastrophe de son histoire contemporaine.

Le président Recep Tayyip Erdogan a promis des millions de livres turques aux populations affectées à l'approche des élections présidentielle et législatives - toujours prévues à ce stade pour le 14 mai. En prévision des élections, Erdogan a déjà promis de fournir de nouveaux logements d'ici un an aux millions de personnes touchées.

Dans le détail, Recep Tayyip Erdogan doit désormais réparer quelque 78,9 milliards d'euros de dégâts, selon l'estimation d'un groupe de chefs d'entreprises de premier plan. Les estimations d'autres experts sont plus basses, proches de 9,4 milliards de dollars. S'il trouve l'argent grâce à de nouveaux versements de donateurs étrangers, le chef de l'État devra en allouer une grande partie au secteur du bâtiment pour reconstruire des pans entiers du pays réduits à néant. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken annonce l'octroi de 100 millions de dollars d'aide supplémentaire aux sinistrés du séisme, lors de sa visite en Turquie.
 
séisme en turquie antioche en ruine
La ville d'Antioche au sud de la Turquie a été complètement détruite suite au séisme du 6 février. 
ASSOCIATED PRESS

Des travaux titanesques 

Tout cet argent pourrait stimuler la consommation et la production industrielle, deux indicateurs clés de la croissance économique. Mais la Turquie est à court de fonds. Les réserves de la banque centrale, pratiquement réduites à néant, ont pu être reconstituées grâce à l'aide de la Russie et des États pétroliers du Golfe.

Mais pour les économistes, cet argent sera tout juste suffisant pour maintenir les finances de la Turquie à flots et empêcher la livre turque en difficulté de s'effondrer - jusqu'aux élections de mai si elles sont confirmées.

"Les travaux de reconstruction pourraient largement compenser l'impact négatif (du séisme) sur l'activité économique", a estimé la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Le président a toujours compté sur ce secteur aujourd'hui montré du doigt et désigné responsable des effondrements massifs d'immeubles résidentiels pour avoir triché avec les normes anti-sismiques. Il a ainsi pu moderniser une grande partie du pays, ouvrir des aéroports, des routes, des hôpitaux.
 
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Une livre déjà fragilisée 

Quand la catastrophe s'est produite, la Turquie venait d'annoncer un taux officiel d'inflation de 58%, contre plus de 85% fin 2022. Avant le séisme, la région affectée contribuait à l'économie turque à hauteur du 9% du produit intérieur brut (PIB), notamment par le biais d'importantes zones industrielles à Gaziantep et le port d'Iskenderun par lequel les produits de la région sont acheminés vers le monde.

Il est clair qu'il y aura un besoin de devises étrangères.
Baki Demirel, professeur agrégé d'économie à l'Université de Yalova
Heureusement la dette souveraine du pays est relativement faible, ce qui laisse une certaine latitude au gouvernement. D'un autre côté, les investisseurs étrangers boudent le pays en raison de la politique très peu orthodoxe de M. Erdogan qui a fait flamber l'inflation en abaissant régulièrement les taux d'intérêt.

"Il est clair qu'il y aura un besoin de devises étrangères", insiste à ce propos Baki Demirel, professeur agrégé d'économie à l'Université de Yalova qui relève que la Turquie devra importer davantage.
 

Tous les secteurs touchés 

La production agricole va aussi encaisser le choc: selon Unay Tamgac, professeure agrégée d'économie à l'Université TOBB-ETU d'Ankara, la région assure 14,3% de la production agricole turque, pêche et foresterie comprises. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a mis en garde contre les perturbations de la production alimentaire de base en Turquie et en Syrie. 

Le séisme a aussi affecté les infrastructures de l'énergie, du transport, les canaux d'irrigation, poursuit Mme Tamgac. Certains regardent en arrière pour essayer de trouver un modèle à suivre.
 
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Mieux qu'en 1999

Mahmoud Mohieldin, directeur exécutif du Fonds monétaire international (FMI), a pourtant estimé que ce tremblement de terre, d'une magnitude de 7,8, serait moins dommageable à l'économie que celui de 1999 (7,6) qui avait fait 17.000 morts - le FMI s'est empressé de préciser que ce responsable ne s'exprimait qu'en son nom propre.

L'économie turque avait perdu de 0,5 à 1,0% du PIB en 1999, mais le séisme avait alors touché le cœur industriel du pays, y compris sa capitale économique, Istanbul. Elle avait toutefois rapidement rebondi et engrangé une croissance de 1,5% du PIB l'année suivante grâce aux efforts de reconstruction, selon la BERD.
 Le tourisme, "devenu l'une des principales sources de devises de la Turquie", devrait être relativement épargné, la région frappée par le séisme n'étant pas la première destination des touristes étrangers, selon une note partagée par Wolfango Piccoli, analyste au cabinet de conseil Teneo.