Turquie : coup d'Etat avorté, test pour la démocratie

Dans la nuit du 15 au 16 juillet, le gouvernement turc a été victime d’une tentative de coup d’Etat, finalement avorté. Bilan : 265 morts, près de 1 500 blessés et plus de 2 800 militaires arrêtés.  Si la situation est désormais « sous contrôle », cette tentative de putsch est une « tache » sur la démocratie turque, selon le Premier ministre. 
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Des civils turcs et des policiers se tiennent debout sur un char de l'armée turque, samedi 16 juillet 2016 après la tentative de coup d'Etat avorté. 
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« Ces lâches écoperont de la peine qu’ils méritent », a déclaré le Premier ministre turc Binali Yildrim, ce samedi en fin de matinée, concernant les putschistes qui ont tenté de prendre le pouvoir dans la nuit du 15 au 16 juillet. Un peu plus tôt, dans la nuit, le
Turquie
Le Premier ministre turc Binali Yildirim s'adresse aux médias durant une conférence de presse Ankara, samedi 16 juillet après la tentative de coup d'Etat. 
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président Recep Tayyip Erdogan avait déclaré que cette tentative était un « acte de trahison » et que les responsables devraient « payer le prix fort ». Face à ces menaces, huit d’entre eux ont d’ailleurs tenté de fuir en Grèce mais ont été arrêtés par les autorités grecques et la Turquie a demandé leur extradition. Au total, 2 800 militaires auraient été arrêtés selon le Premier ministre. 
La situation est désormais « entièrement sous contrôle » selon Binali Yildrim qui a tout de même qualifié cette tentative de putsch de « tache » sur la démocratie turque.  Lors des affrontements qui ont opposés les militaires rebelles et l’armée accompagnée de la population, 265 personnes sont mortes et près de 1 500 ont été blessées. Samedi dans la journée, le consulat français appelait ses ressortissants à Istanbul à « rester chez eux » en prévision de « mouvements de foule ce soir ».

Le rappel des faits 

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Réactions internationales

Les réactions internationales ne se sont pas faites attendre. Dès vendredi soir, plusieurs milliers de personnes de la communauté turque d’Allemagne ont manifesté pacifiquement contre le coup d’Etat, dans plusieurs villes du pays. En Autriche, où la communauté turque est estimée à environ 300 000 personnes, quelques 4000 manifestants se sont rassemblés devant l’ambassade de Turquie puis dans le centre ville. 
 
Samedi, tôt dans la matinée, Boris Johnson, ancien maire de Londres et nouveau ministre des Affaires étrangères britannique s’est entretenu avec son homologue turc et lui a assuré le « soutien du Royaume-Uni au gouvernement et aux institutions démocratiquement élus ». 
 
Le Qatar, plus proche allié de la Turquie dans le Golfe, Israël et l'Union européenne ont félicité le président Erdogan pour avoir mis en échec cette tentative de putsch. 
 
Jean-Marc Ayrault, le ministre français des Affaires étrangères, de son côté, « espère que la démocratie turque sortira renforcée » de cette tentative de putsch. Il a également ajouté que « la population turque a montré sa grande maturité et son courage, en s’engageant pour le respect de ses institutions. Elle en a payé le prix avec de très nombreuses victimes ». 
 
En effet, peu après l’annonce de la tentative de coup d’Etat, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue en brandissant des drapeaux turcs et ont bravé les militaires rebelles. Les affrontements avec des avions de chasse et des chars ont donné lieu a des scènes violentes inédites à Ankara et Istanbul. Elles ont fait des dizaines de morts. Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN a également salué « le fort soutien » du peuple et des partis turcs à la démocratie. De son côté, Moscou considère que cette tentative de putsch accroît « les risques pour la stabilité régionale et internationale ». 
 

Fethullah Gülen, la bête noire d’Erdogan

Si les principaux acteurs de ce putsch raté n’ont pas encore été identifiés, le
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Fethullah Gülen, l'ennemi juré du président Erdogan sur une photo de mars 2015. Il est exilé depuis des années aux Etats-Unis (AP Photo/Selahattin Sevi)
Président Erdogan et son Premier ministre n'ont aucun doute. Ils accusent le prédicateur exilé aux Etats-Unis Fethullah Gülen, 75 ans, d’être derrière cette initiative militaire. M. Gülen est à la tête d'un mouvement puissant en Turquie, qui compte un gigantesque réseau d'école, d'ONG et d'entreprises sous le nom d'Hizmet. Il est également très influent dans les médias, la police et la magistrature. Ex-allié d'Erdogan, le prédicateur est devenu l'ennemi juré du président après un scandale de corruption, fin 2013, qui a touché le cercle intime du chef de l'Etat. 

Le gouvernement turc est persuadé que Fetullah Gülen dirige une « organisation terroriste ». Ankara avait d’ailleurs demandé à Washington de l’expulser, ce que les Américains ont toujours refusé. Les Etats-Unis ont par ailleurs demandé à la Turquie d'apporter des preuves contre l'opposant Gülen et ont promis de l'assister dans l'enquête sur la tentative de putsch.

De son coté, Fetullah Gülen a tout démenti dans un communiqué. « Je réfute catégoriquement ces accusations (...) J’ai souffert de plusieurs coups d’Etat militaires au cours des 50 dernières années et trouve donc particulièrement insultant d’être accusé d’avoir un quelconque lien avec cette tentative ».