Une nuit d'octobre en rase campagne, entre Turquie et Bulgarie, non loin d'Elhovo et Svilengrad. Côté européen, une simple patrouille pour surveiller les mouvements de réfugiés - chaque jour, une cinquantaine de migrants, majoritairement syriens, franchissent la frontière illégalement pour demander asile en Europe. Ni barrière ni points de contrôle, mais des caméras infrarouges probablement, installées avec l'aide de l'
agence Frontex, pour détecter les mouvements humains.
En mission en Bulgarie pour étudier la contrebande de cigarettes, mais aussi les infrastructures pour les réfugiés, Ingebord Graessle a voulu voir. Les yeux rivés sur l'écran, à plusieurs kilomètres de la caméra, elle distingue trois ombres qui avancent furtivement sous les yeux des gardes-frontières turcs. Et puis d'un geste de la main, les hommes en uniforme indiquent aux clandestins la direction de l'Europe, l'invisible ligne de démarcation à franchir pour passer de Turquie en Bulgarie. Et puis les trois silhouettes s'égayent et disparaissent dans la nature.
Selon l'accord signé le 16 décembre 2013, cette scène, d'ici 2016, appartiendra définitivement au passé. Les gardes-frontières turcs n'encourageront plus les migrants illégaux à franchir cette frontière de 259 km, puisque la Turquie s'est engagée à "réadmettre" les clandestins qui ont transité sur son territoire si leur demande d'asile est refusée. Or dans une zone de 20 km au-delà de la frontière, la procédure d'asile sera simplifiée : les candidats à l'immigration auront 3 jours pour déposer une demande d'asile et 5 pour rebrousser chemin en cas de refus.