Fin 2013 éclate un vaste scandale impliquant plusieurs ministres d’Erdogan, et même son fils, dans des affaires de pots de vin, de malversations et de trafic d’or. Dans le même temps, avec les
purges engagées au sein de la police et de la justice, il entre en guerre ouverte avec les ex-alliés de la
confrérie de l'imam Fethullah Gülen, dont il fait voter la fermeture des écoles coraniques. Et puis en février dernier, l’affaire des
écoutes téléphoniques mettant directement en cause le Premier ministre dans une affaire de corruption débouche sur une série de lois décriées au sein même de l'AKP, visant à renforcer le contrôle de l'État sur Internet. D'autres lois restrictives concernant la nomination des juges et procureurs viennent d'être
rejetées par la Cour constitutionnelle. Enfin le
blocage, à la veille des élections municipales, de Twitter et de YouTube a valu au Premier ministre une avalanche de critiques, en Turquie comme à l'étranger.
Et pourtant, "tant que règnent croissance et stabilité, les Turcs semblent s’accommoder d’un gouvernement corrompu", souligne le
chercheur Bayram Balci au Figaro. De fait, L’AKP doit beaucoup à son bilan économique. D’après Dorothée Schmidt, seules les
prémices d'une crise économique pourraient faire perdre des voix importantes à Erdogan. Si la
livre turque continue de dévisser et les capitaux de se retirer, les conséquences sur les futurs scrutins pourraient se faire sentir.
Pourtant, les municipales du 30 mars ont démontré, une fois de plus, qu’il n’existe pas d’opposition politique face à l'AKP et à celui qui l'incarne, Erdogan : "Il n’y a personne en face pour le remplacer", explique Dorothée Schmid. L’opposition a été incapable de capitaliser sur l’énorme
mobilisation de Taksim - près de trois millions de Turcs étaient descendus dans la rue pour réclamer la démission d’Erdogan. Car aujourd'hui, la véritable opposition provient davantage des mouvements issus de la société civile que de la scène politique. Les jeunes, notamment, ne décolèrent pas, sans pour autant former d'opposition structurée.
L’opposition se trouve par ailleurs chez les partisans de Fethullah Gülen, infiltrés dans l’Etat et politiquement très organisés. Une guerre intestine qui ne fait que commencer, alors que chaque jour,
le ton monte un peu plus.