
Fil d'Ariane
La contestation a encore pris de l’ampleur, samedi 22 mars en Turquie, pour la quatrième nuit de manifestation en soutien au maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu. Arrêté pour "corruption" et "terrorisme", l'élu d'opposition dénonce des accusations "immorales et sans fondement".
Des feux d'artifice lancés par des manifestants explosent au-dessus de la police anti-émeute lors d'une manifestation contre l'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, à Istanbul, en Turquie, le samedi 22 mars 2025.
Les partisans du maire d'Istanbul, arrêté pour "corruption" et "terrorisme", ont déferlé samedi 22 mars par dizaines de milliers devant l'hôtel de ville pour le quatrième soir consécutif afin de soutenir l'élu d'opposition, qui a dénoncé des accusations "immorales et sans fondement".
Pour la quatrième nuit de mobilisation, la foule est apparue encore plus dense et plus nombreuse, prenant d'assaut les rames de métro et les abords de l'hôtel de Ville, congestionnés, en agitant des drapeaux et des pancartes exprimant sa colère : "Les dictateurs sont des lâches !", "L'AKP (le parti au pouvoir, ndlr) ne nous fera pas taire".
Le maire a été amené en début de soirée avec 90 de ses co-accusés dans un palais de justice en état de siège, protégé par des dizaines de fourgons anti-émeutes et un solide cordon de policiers, pour y être présenté à un procureur.
Les gens ne sont pas là uniquement pour Imamoglu, mais pour défendre leurs droits.
Elif Cakir, un étudiant de 18 ans
Selon ses avocats, son audition dans le volet "terrorisme" de l'accusation est terminée et l'autre, sur la "corruption" devait suivre, en plein milieu de la nuit.
Malgré les restrictions d'accès, plus d'un millier de personnes, selon l'AFP, se sont pressées aux abords du tribunal de Caglayan, protégé par un très important dispositif policier.
Un manifestant lance un feu d'artifice lors d'une manifestation contre l'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, à Istanbul, en Turquie, le samedi 22 mars 2025.
"Les gens ne sont pas là uniquement pour Imamoglu, mais pour défendre leurs droits", justifiait Elif Cakir, un étudiant de 18 ans. "La Constitution nous accorde le droit de manifester et de nous réunir, mais on nous l'interdit". "Nous ne sommes pas les ennemis de l'État mais ce qui se passe est illégal", soulignait également Aykut Cenk, 30 ans, en agitant un drapeau turc.
Les accusations de "soutien au terrorisme" portées contre l'édile de 53 ans, principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan, pourraient lui valoir une incarcération et son remplacement par un administrateur nommé par l'État.
M. Imamoglu a promis de "porter plainte" contre les instigateurs de cette procédure, dans une déclaration aux enquêteurs transmise à l'AFP par la municipalité d'Istanbul.
Ekrem Imamoglu, alors candidat à la mairie d'Istanbul du Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d'opposition, s'adresse à ses partisans lors d'un rassemblement à Istanbul, vendredi 29 mars 2019, avant les élections locales prévues pour le 31 mars 2019. En arrière-plan, on voit une affiche électorale du président turc Recep Tayyip Erdogan, sur laquelle on peut lire en turc : « Istanbul est une histoire d'amour pour nous ».
S'adressant à la foule massée devant l'hôtel de ville, le président du parti CHP - dont est issu M. Imamoglu - a assuré qu'ils étaient "plus d'un demi-million" et encore autant au loin qui ne pouvaient s'approcher. Özgür Özel a juré de "défendre Saraçhane (la mairie), de défendre le président Ekrem et de marcher sur (le tribunal) si nécessaire".
"Ce soir, l'Histoire s'écrira ici, à Istanbul. Ne vous y opposez pas", a-t-il lancé aux policiers déployés en nombre.
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Les forces de l'ordre ont néanmoins donné la charge peu après minuit (21 heures GMT), usant de gaz lacrymogènes en grandes quantités, obligeant ceux qui le pouvaient à se réfugier dans l'hôtel de ville.
Selon des journalistes de l'AFP, de nombreuses personnes ont été arrêtées, mais aucune donnée officielle n'a été immédiatement disponible.
À Ankara, la capitale, les manifestants ont également été repoussés par des spray de gaz poivré et les canons à eau et à Izmir, troisième ville du pays, la police a bloqué des étudiants qui tentaient de marcher sur les locaux du parti AKP au pouvoir.
Le président Erdogan, prenant la parole devant des membres de son parti, a accusé samedi soir l'opposition de faire "depuis quatre jours tout son possible pour perturber la paix de la nation et diviser notre peuple".
Un manifestant tient un drapeau turc alors que la police anti-émeute monte la garde lors d'une manifestation contre l'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, devant le palais de justice de Caglayan, à Istanbul, en Turquie, le dimanche 23 mars 2025.
Le gouvernorat d'Istanbul a prolongé jusqu'au 26 mars l'interdiction de rassemblement en vigueur depuis mercredi et imposé de nouvelles restrictions d'entrée en ville aux personnes "susceptibles" de participer à des rassemblements, sans préciser comment il les mettrait en œuvre.
Depuis mercredi, la contestation s'est répandue à travers la Turquie et des manifestations étaient annoncées dans de nombreuses villes, d'ouest en est. Des rassemblements ont eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte effectué samedi par l'AFP.
La police a procédé à 343 arrestations vendredi soir et samedi matin dans neuf villes du pays dont Istanbul, Izmir, Ankara, Edirne et Çanakkale dans le nord-ouest et Adana et Antalya dans le sud, selon le ministre de l'Intérieur, Ali Yerlikaya.
"Ceux qui cherchent le chaos et la provocation ne seront pas tolérés", a-t-il mis en garde sur X.
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"Si les gens ne lâchent rien, ça débouchera peut-être sur quelque chose de positif", a déclaré à l'AFP Ara Yildirim, un étudiant en médecine d'Istanbul âgé de 20 ans, mobilisé comme beaucoup d'autres jeunes du pays.
Ekrem Imamoglu est devenu la bête noire de M. Erdogan, qui fut lui-même maire d'Istanbul dans les années 90, quand il a ravi en 2019 la capitale économique de la Turquie au parti AKP du chef de l'État.
L'édile, triomphalement réélu l'an passé, devait être désigné, dimanche, candidat de son parti à la présidentielle, prévue pour 2028.
Le CHP a décidé de maintenir l'organisation de cette primaire et appelé tous les Turcs, même non-inscrits au parti, à y prendre part dès 8 heures dimanche (5 heures GMT).