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Ils ne réclament qu'une chose : retrouver leur travail, celui de professeur de littérature comparée pour Nuriye Gülmen, 35 ans, et d'instituteur pour Semih Ozakça, 28 ans. Et tous deux sont prêts à se sacrifier pour ce droit.
Leur vie bascule avec les décrets gouvernementaux relatifs à l'état d'urgence proclamé après le coup d'Etat militaire manqué contre le président Erdogan. Sans aucune forme de procédure, ils sont limogés et bannis de la fonction publique. Une vie sociale anéantie, pour 150 000 fonctionnaires évincés.
Nurieh et Semih décident de se battre : en novembre 2016, ils organisent régulièrement un sit-in dans la capitale mais sont molestés et arrêtés à plusieurs reprises. Le 9 mars, ils entament une grève de la faim.
Insupportable pour les autorités turques qui, le 23 mai, les jettent en prison au motif de lien avec le Front du Parti Révolutionnaire de Libération du Peuple (DHKP-C), une organisation marxiste considérée comme terroriste par Ankara. Leur procès est prévu le 14 septembre. Ils encourent jusqu'à 20 ans de prison.
Nuriye et Semih deviennent des symboles de la lutte contre les purges. Les autorités turques veulent à tout prix faire taire ces voix de résistance.
Lors des manifestations de soutien, violemment réprimés, les militants arrêtés crient toujours le même slogan: Nurye et Semih ne sont pas seuls !
C'est aussi le message envoyé par 111 personnalités turques du monde de la culture et de la justice qui signent une pétition en leur faveur.
Des déclarations de soutien émanent du monde entier, notamment dans les réseaux académiques, syndicalistes et militants des droits humains.
Le gouverneur de la capitale Ankara emploie lui les grands moyens : par exemple, il interdit après le coucher du soleil de "chanter à haute voix et de façon dérangeante". Le 2 août, il va jusqu'à interdire toute réunion publique durant tout le mois : plus de manifestations, sit-in, ni de fêtes et concert... Malgré les interdictions, la mobilisation prend des formes détournées, à l'instar de ces opposants qui manifestent à Ankara tous les soirs à 22 heures... avec l'interrupteur de leur appartement.
#NuriyeVeSemiheIşıkOl#NuriyeveSemihYalnızDeğildir !! pic.twitter.com/NxpB7BkDqZ
— Bilge Yılmaz (@bilge_yilmaz8) 30 juillet 2017
En Turquie, les grèves de la faim constituent un recours ultime souvent pratiqué en milieu carcéral par des membres de la gauche révolutionnaire. Des actions qui se terminent parfois par des décès. Le 28 juillet, Nuriye et Semih ont été transférés de force dans l'hôpital de la prison de Sincan.
Les autorités turques redoutent la médiatisation autour de Nuriye et Semih. Ces derniers ont demandé à la Cour européenne des droits de l'homme leur libération pour raison de santé. Leurs examens médicaux concluent qu'ils sont en danger et qu'ils ne peuvent plus vivre sans assistance. Mais le 3 août, c'est la désillusion : la Cour européenne rejette leur demande. Elle confie le sort de Nuriye et Semih aux soin des médecins de l'hôpital de la prison de Sincan à Ankara. Une décision qui provoque la colère des militants et organisations de la société civile en Turquie.