Réguler ou innover ?
La puissance de feu des entreprises 2.0 — californiennes pour la plupart — est basée sur l’innovation, alliée à une politique commerciale que certains qualifient de “rouleau compresseur”. Leur capacité à s’emparer de marchés entiers, en tant qu’intermédiaires via des services en ligne, est sans commune mesure. Amazon, plateforme de vente sur Internet et de livraison à domicile est un exemple caractéristique de cette nouvelle économie 2.0 qui s’interpose entre les clients et les professionnels, accusé de dévorer des parts de marchés partout où elle s’implante. Souvent à pertes.
Ce déploiement massif de services en ligne qui impose des commissions très élevées, une baisse des prix, des pressions commerciales sur les fournisseurs, acteurs des filières, modifie la donne économique — mais aussi sociale — des pays où s’implantent les géants californiens. Leurs innovations en tant que telles ne sont pas inutiles, le plébiscite massif ces clients-internautes le démontre très bien, mais la nécessité de les réguler commence à se faire sentir dans les instances politiques.
L’Europe se réveille, un peu effarée de ne pas avoir d’entreprises numériques en mesure de proposer des services équivalents, inquiète de voir que ce sont ceux qui offrent des moyens numériques d’accéder aux services ou aux produits — plutôt que ceux qui les offre directement ou les fabriquent — qui remportent la mise, et font leur loi. L’économie européenne semble en grand danger face aux géants californiens, selon les spécialistes du secteur, ses réponses pourraient être de plusieurs ordres. Ainsi, au delà de la régulation, c’est peut-être la capacité du vieux continent à créer ses propres champions numériques qui serait en jeu. Pour proposer, comme
Bernard Stiegler le souhaite, un Internet 3.0 ? Fabrice Epelboin, plus pessimiste, n'y croit pas : "Les géants s'adaptent, et malgré des régulations à la marge, ceux qui ont gain de cause ce sont le client finaux qui veulent toujours des prix plus bas et qui poussent via ces plateformes. Quant à des champions sur le continent européen, en mesure de se positionner face aux startups californiennes, il faut bien voir la différence qu'il y a lorsque l'on veut créer et développer une entreprise en Europe continentale, avec les pays anglo-saxons : ça n'a rien à voir…"
Régulation, innovation, visiblement la voie n'est pas trouvée en Europe pour contrer les géants californiens qui chamboulent les services numériques en ligne et qui, peut-être, inventent aujourd'hui un capitalisme de plateforme.