Ukraine, Italie, Guatemala... Pourquoi les humoristes réussissent-ils en politique ?

Le parti du président ukrainien Volodymyr Zelensky remporte les élections législatives anticipées de ce 21 juillet 2019, avec 42% selon les résultats officiels partiels. Comme cet ex-humoriste et novice en politique, les artistes sont nombreux à avoir tenté le pari, parfois jusqu’au mélange des genres, de passer du monde de la comédie et de l’humour, à la politique. Retour sur ce phénomène avec Marie Duret-Pujol, maîtresse de conférence d'études théâtrales et auteure du livre Coluche président, histoire de la candidature d'un con.

 
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Collage humour/politique
De gauche à droite, Volodymyr Zelensky, Beppe Grillo et Coluche.
©AP images / wikicommons
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Loin d’être un phénomène nouveau, on peut se demander si le fait de passer de comédien/humoriste à acteur politique n'est pas en plein essor. En effet, que ce soit en Italie avec Beppe Grillo, Jimmy Morales au Guatemala, Arnold Schwarzenegger et Ronald Reagan aux Etats-Unis, ou encore Coluche en France en 1981, nombreux sont les artistes qui ont tenté d'entrer ou se sont lancés en politique. C'est le cas plus récemment en Ukraine de Volodymyr Zelensky. A 41 ans, ce comédien sans aucune expérience politique est davantage connu pour ses spectacles d'humour et son rôle de président dans une série. 

TV5Monde : Comment passe-t-on d’humoriste/comédien à potentiel chef d’Etat ?

Marie Duret-Pujol : C’est une question qui dépend du contexte des différents pays concernés. Les humoristes sont des citoyens comme les autres, alors rien ne les empêche, a priori, de postuler à un tel poste. Pour parler de la France, la possibilité existe à partir du moment où l'humoriste transforme son message et son capital artistique, le faisant passer en capital politique. Dès lors, ses traits d'humour et ses références à la politique deviennent porteurs d’un message de vérité.  
 

Le procédé n’est pas nouveau, mais est-ce plus courant ces dernières années ?

Il est difficile de répondre sur le plan purement factuel. Néanmoins, jusqu’aux années 1980 et la candidature de Coluche, en France, l’humour n’était pas intégré au discours politique alors qu’aujourd’hui la "punchline" entre dans la rhétorique des professionnels de la politique. User de ce procédé est devenu classique et devient même incontournable dans le message politique.
L'essor des réseaux sociaux y est pour beaucoup. Avec l'apparition de ces médias différents du papier, il est plus aisé de faire circuler des phrases fortes et donc, des traits d'humour. Les politiques préfèrent d'ailleurs utiliser leurs réseaux sociaux plutôt que les "médias traditionnels". Ils ont leur site, leur chaîne youtube, etc.
Mais l'humour n'est pas propre à ces plateformes, on constate son omniprésence à la télévision, dans la publicité, au cinéma, dans l’art… Difficile d’y échapper.

Est-ce que l'on peut donc parler de mélange des genres ?

Oui car en empruntant leurs codes aux humoristes/comédiens, les politiques leur ouvrent aussi un espace de potentialités plus important. Leur univers devient donc plus propice à l'insertion puis au développement de personnalités de ce genre, dans l'espace politique.

 

Coluche aurait-il eu plus de chances d’être président de la République française aujourd’hui ?

C’est une question sur laquelle je ne peux pas apporter de réponse. Cependant, on peut voir que sa figure est souvent reprise lors de rassemblements populaires, comme nous pouvons le voir ces derniers mois avec le mouvement des Gilets jaunes.