Ukraine : pas de pénurie de gaz pour l’Europe ?

La dette gazière ukrainienne de 4,5 milliards de dollars (environ 3,3 milliards d’euros) est arrivée à échéance lundi 16 juin 2014. En conséquence, la Russie a coupé les vannes de gaz. Le ministre ukrainien de l’Energie, Iouri Prodan, a assuré les pays européens que cela n’empêcherait pas le gaz russe, qui leur est destiné, de transiter sur le territoire ukrainien.
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Ukraine : pas de pénurie de gaz pour l’Europe ?
15% du gaz consommé en France passe par l'Ukraine ©AFP
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Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation arrive. La Russie a déjà coupé l’approvisionnement en gaz de l’Ukraine en 2006 et en 2009. « Cette fois-ci la situation est différente. En 2009, la coupure avait eu lieu en plein hiver, elle a duré trois semaines et a eu des effets sur de nombreux pays européens », rappelle Marie-Claire Aoun, directrice du Centre énergie de l’Ifri (Institut français des relations internationales). Environ 15% du gaz consommé en France est acheminé par l’Ukraine. Bruxelles craint une pénurie cet hiver. Mais pour la chercheuse de l’Ifri, la situation reste moins inquiétante, à court terme, qu’en  2009. Depuis cette crise, plusieurs mesures ont été adoptées par l’Union européenne pour améliorer la sécurité d’approvisionnement, notamment celles qui consistent à adapter les réseaux de gazoducs pour renforcer la circulation du gaz dans les deux sens, de l’ouest à l’est de l’Europe. De plus, les stockages de nombreux pays européens sont remplis et peuvent leur permettre de faire face à une rupture temporaire des approvisionnements ukrainiens. Marie-Claire Aoun ajoute qu’« aujourd’hui, nous avons le Nord Stream. Ce gazoduc achemine du gaz de la Russie vers l’Allemagne depuis 2012. Il a permis aux pays européens de réduire la part du gaz russe transitant via l’Ukraine de 80 à 50% ».  

Eclairage de notre éditorialiste Slimane Zeghidour

17.06.2014Interviewé par Mohamed Kaci
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Pour Jacques Sapir, économiste et directeur d’étude à l’EHESS, l’Ukraine va forcément utiliser le stock européen : « Pendant une semaine, ils ne toucheront pas au gaz destiné à l’Europe puis ils se serviront. Les Ukrainiens disent qu’ils peuvent tenir un mois avec leurs réserves mais les experts parlent plutôt d’une semaine. » Techniquement, l’Ukraine pourrait donc se servir dans les stocks de gaz présents sur son territoire. 
Ukraine : pas de pénurie de gaz pour l’Europe ?
C'est sans doute l'UE qui paiera la dette de l'Ukraine de plus de trois milliards d'euros ©AFP
« Obligé de garantir le transit vers l’Europe » Gazprom a prévenu l’Union européenne que de « possibles perturbations » pouvaient survenir. Le géant du gaz russe a néanmoins rappelé que Naftogaz, le groupe gazier ukrainien, est « obligé de garantir le transit » de gaz vers l’Europe. « L’Ukraine ne peut pas payer sa dette […] Le pays vit au-dessus de ses moyens depuis sa création en 1991 », avance Jacques Sapir. Pour lui, c’est l’Union européenne ou le FMI (Fonds monétaire international) qui seront sollicités pour payer la dette ukrainienne. « L’Europe ne manquera pas de gaz cet hiver […] L’Union européenne va dégager 13-14 milliards d’euros cette année et l’année prochaine », considère l’économiste.
Ukraine : pas de pénurie de gaz pour l’Europe ?
L'Ukraine a l'obligation de garantir le transit du gaz russe à destination de l'Europe ©AFP
Voisins européens Autre solution : l’Ukraine pourrait acheter du gaz à ces voisins européens. Mais celui-ci provenant majoritairement de Russie, son prix serait plus élevé. « Les tarifs faits aux Ukrainiens sont plus faibles que ceux des Slovaques par exemple », prévient le chercheur de l’EHESS. Jacques Sapir ajoute que si le pays ne respectait pas l’obligation de garantir à l’Europe le transit du gaz russe, il risquerait des sanctions internationales telles que la saisie de tous ses avoirs. « Le pays serait alors totalement paralysé », affirme-t-il. Si l’Ukraine ne veut pas se mettre ses voisins à dos ou bloquer toute son économie, elle devrait peut-être se préparer à se voir appliquer un plan de redressement économique de la part de l’Union européenne.