Fil d'Ariane
Au 28e jour de l'invasion russe, la progression des forces de Moscou parait enlisée en Ukraine. Si la ville de Marioupol est tombée aux mains des soldats du Kremlin, l’entreprise de « dénazification » de Vladimir Poutine fait face à de lourds revers, notamment en raison de la résistance ukrainienne militaire et civile.
Il est difficile de chiffrer le nombre précis de victimes en Ukraine, tant en raison de la situation de chaos que de l’information retenue par les autorités des deux côtés. La volonté d’apporter des preuves des ennemis qui tombent face à une armée victorieuse anime la propagande de chaque côté de la frontière. Le 2 mars, le Kremlin présentait son premier bilan, de 498 morts. Le conflit ayant débuté le 24 février, il s'agirait tout de même de plus de 100 morts par jour, des pertes quotidiennes supérieures à celles des soviétiques en Afghanistan entre 1979 et 1988.
"On sait aussi qu'il y a cinq ou six généraux ruuses qui ont été tués. Un général a sous sa tuelle presque 1000 hommes, c'est donc considérable pour ce type de conflit."
Emmanuel Dupuy, président de l'Institut propective et sécurité en Europe
Le média russe Komsomolskaya Pravda connu pour être proche du Kremlin relayait cependant le 20 mars, les chiffres de 9861 morts et 16 153 blessés russes sur leur site, loin des chiffres officiels. L’information n’est toutefois pas restée plus de 30 minutes en ligne. Si le chiffre est avéré, de tels pertes n’auraient pas été vues depuis la seconde guerre mondiale. Le journal américain New York Times rapportait, lui, le 16 mars un bilan de 7000 morts « en moins de 3 semaines de conflit. »
"On sait aussi qu'il y a cinq ou six généraux qui ont été tués. Un général a sous sa tuelle presque 1000 hommes, c'est donc considérable pour ce type de conflit."affirme Emmanuel Dupuy, président de l'Institut propective et sécurité en Europe. "Les troupes russes perdent non seulement beaucoup d'hommes mais aussi beaucoup de blessés. Pour chaque mort, il faut compter un équivalent de trois ou quatre blessés."
Côté ukrainien, les données tout aussi difficile d’accès, les dernières étant celles qui ont été relayées par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lui même, d’ « environ 1 300 militaires » tués.
La ville de Kherson reste la seule ville majeure conquise entièrement par les forces de Moscou. Kharkiv, au nord-est, la deuxième ville du pays, est entourée par les forces russes sur plusieurs côtés et les grands axes, mais n'est pas encerclée, contrairement à la ville de Soumy à la frontière.
Marioupol, stratégiquement située entre la Crimée et le territoire séparatiste de Donetsk, est sous une pluie de bombes russes depuis des semaines. Si des chars russes ont pénétré dans la ville, certains quartiers de la ville résistent et restent sous contrôle ukrainien. Mykolaïv, dans le sud-ouest ukrainien, est le dernier verrou stratégique avant le port d’Odessa et continue à être pilonné.
Kiev, la capitale, est partiellement encerclée. Le Sud reste accessible. Les zones d'Irpine et de Liutij, villes au nord de Kiev, étaient toutes deux le théâtre d'intenses échanges d’artillerie. Cependant, l’avancée des troupes russes semble figée. Aucune offensive majeure n'a été constatée depuis plusieurs jours autour de Kiev.
Le contingent des forces ukrainiennes est difficile à estimer. Au début du conflit, l’armée ukrainienne disposait d’un contingent de 190 000 hommes. L'OTAN continue d'acheminer des cargaisons d'armement parmi lesquels des missiles anti-chars, des mitrailleuses lourdes ou encore des fusils d'assaut.
Le président ukrainien a par ailleurs décrété la mobilisation générale, interdisant tous les hommes âgés de 18 à 60 ans à quitter le territoire. Par ailleurs, une armée provisoire a été constituée d’hommes et de femmes volontaires et qui, pour beaucoup, ne savent pas manier une arme.
L’armée russe dispose de 700 000 hommes dans sa capacité active, en comptant un à deux millions de réservistes.
Emmanuel Dupuy, président de l'Institut propective et sécurité en Europe
Avant que l’offensive soit lancée, la Russie avait disposé entre 200 000 et 220 000 hommes autour de l’Ukraine. Composée au tiers de conscrits, l’armée russe a été rejoint par un millier de soldats tchétchènes. « L’armée russe dispose de 700 000 hommes dans sa capacité active, en comptant un à deux millions de réservistes. » précise Emmanuel Dupuy. « Ces 220 000 hommes représentent la moitié du dispositif terrestre dont dispose l’armée russe. Il y a donc une faible capacité de renouvellement de ses troupes. »
Depuis le 19 mars, Moscou affirme utiliser des missiles hypersonique, des missiles pouvant se déplacer et à maintenir des vitesses supérieures à Mach 5, c’est à dire cinq fois la vitesse du son.
Les alliés de l’Ukraine tels que les États-Unis, la France, l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni, affichent sans réserve leur soutien au chef d’État ukrainien, que ce soit sur le plan politique ou militaire (avec la livraison d’armements). Joe Biden qui qualifie Vladimir Poutine de "criminel de guerre" a confirmé peu après une aide militaire supplémentaire à Kiev de 800 millions de dollars.
Emmanuel Macron a quant à lui dénoncé "la responsabilité funeste" de Vladimir Poutine car la guerre en Ukraine contre "un peuple frère" laissera "des traces pour des décennies ».
Les alliés russes, eux, se font plus rares, depuis l’invasion que beaucoup qualifie de violation du droit international. La Syrie, la Corée du Nord et la Biélorussie ont affiché leur soutien à la Russie lors d’un vote à l’ONU condamnant la guerre en Ukraine. La Chine soutient diplomatiquement la Russie tout en appelant à une résolution rapide du conflit.
La progression des forces russes est considérablement ralentie depuis plusieurs jours en raison d'une résistance ukrainienne que les Russes ne pensaient pas "aussi acharnée" selon Emmanuel Dupuy. "Il ne s'attendaient pas surtout à ce que les Ukrainiens russophones, autour de la Crimée et dans le Donbass, résistent", renchérit-il.
Le Kremlin reste muet quant à ses objectifs ou les résultats de son offensive. Après avoir été l’objet de fortes sanctions économiques de la part de l’Union européenne, la Russie semble des plus isolée sur la scène internationale, et ce d’autant plus après sa coupure avec toute connexion aux réseaux sociaux et médias occidentaux.
Volodymyr Zelensky qui, durant sa dernière intervention devant des journalistes, a estimé qu’il « se sentait bien », continue à exhorter de l’aide de ses alliés afin de pouvoir continuer à combattre face aux forces russes.