Fil d'Ariane
Deux groupes armés, le Corps des volontaires russes et la Légion "Liberté de la Russie", se disant russes ont revendiqué l'attaque lundi 21 mai depuis l'Ukraine sur la région russe de Belgorod, la plus grave incursion depuis le début de la guerre. Qui sont ces groupes ?
"Caesar", 50 ans, combattant de la légion "Liberté de Russie", lors d'un appel vidéo posté sur les réseaux sociaux, lundi 22 mai 2023. Image de propagande.
Le Corps des volontaires russes (RDK) est sorti du bois en mars 2023. Il alors revendiqué une première incursion en Russie dans la région frontalière de Briansk.
Il est dirigé par Denis Nikitine (Kapoustine, de son vrai nom), figure connue du milieu hooligan et d'extrême droite en Russie. Il organisait en Ukraine des combats de MMA et avait une marque de vêtement. La Russie l'a qualifié de "terroriste".
Créée au printemps 2022, la Légion "Liberté de la Russie", dont l'emblème est un poing fermé, est classée "terroriste" par la Russie.
Son chef politique est l'ancien député russe Ilia Ponomariov, le seul à avoir voté contre l'annexion de la Crimée par Moscou en 2014 et qui s'est ensuite installé en Ukraine.
La couverture par les médias ukrainiens de l'incursion de Belgorod a mis en avant un représentant de la Légion répondant au pseudonyme de "Caesar". L'AFP l'avait rencontré en décembre 2022 sur le front est de l'Ukraine, affirmant dans un entretien se battre "contre le régime de (Vladimir) Poutine" et se définissant comme un patriote russe et un "nationaliste de droite".
Il assure être un kinésithérapeute originaire de Saint-Pétersbourg. Le média d'investigation russe Agentstvo l'a identifié comme un membre actif de longue date de la nébuleuse impérialiste et nationaliste de l'extrême droite russe.
Les deux groupes, qui disent avoir des centaines d'hommes, affirment vouloir la chute du président Poutine. Le RDK dit mener des actions de reconnaissance et de sabotage en territoire russe.
"Leur ambition est de mettre fin à la Russie multi-ethnique de Poutine. Il faut faire de la Russie, un État slave blanc. Ils ne comprennent pas l'invasion de la Russie de l'Ukraine. Il faut mettre fin à ce conflit fraticide entre la Russie et l'Ukraine", explique à TV5MONDE le chercheur Adrien Nonjon, spécialiste des mouvements d'extrême droite et nationalistes en Ukraine. "Ce sont des groupes très minoritaires. On parle de quelques centaines d'hommes armés", ajoute le chercheur.
Un de ses combattants, répondant au pseudonyme de Fortune, avait indiqué à l'AFP en mars que le Corps coordonnait son action avec l'armée ukrainienne lorsqu'il était en territoire ukrainien, mais qu'il menait seul ses opérations en Russie.
Dans un entretien au média russe indépendant Sota en avril, un représentant du RDK, Vladimir "Cardinal" disait vouloir la création "d'un Etat national russe sur le territoire de régions majoritairement peuplées de Russes ethniques". La Légion se définit comme un groupe de "partisans" dont le but est de construire "une nouvelle Russie libre".
Son site indique que le groupe orchestre des attaques contre l'infrastructure militaire et ferroviaire russe."Caesar" a indiqué à la télévision ukrainienne après l'attaque à Belgorod que l'ampleur des opérations menées par les deux organisations "allait augmenter avec le temps".
Aucun des deux groupes ne dit comment et par qui ils sont financés, et l'Ukraine n'a rien dit de ses liens avec ces groupes, les qualifiant de problème "interne" à la Russie.
Mais Ilia Ponomariov a déclaré à la radio britannique LBC cette semaine que les Ukrainiens "nous aident pour former nos forces et nous fournissent l'équipement nécessaire". La Légion a indiqué sur Twitter disposer de mortiers français RT61.
Lors de l'attaque dans la région de Belgorod, les autorités russes ont indiqué avoir fait face notamment à des tirs de mortiers, d'artillerie et des attaques de drones.Le Corps a lui diffusé des vidéos à bord d'un transport de troupes blindés qu'il disait avoir pris au service de sécurité russe, le FSB qui chapeaute également les gardes-frontières.
Le Kremlin a martelé faire face à des combattants ukrainiens et non à des insurgés russes, accusant Kiev d'avoir planifié l'opération pour "détourner l'attention" de Bakhmout, épicentre des combats dans l'est de l'Ukraine que la Russie affirme depuis samedi avoir conquise.
Après l'attaque de Belgorod, le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, pas avare de critiques envers l'armée, a dénoncé un échec de l'Etat russe. "Il n'y a pas de gouvernance, pas de volonté et pas d'individus prêts à défendre leur pays", a-t-il lâché, fustigeant ceux qui "font les idiots" et "siphonnent de l'argent" au lieu "d'assurer la sécurité de l'Etat".
"Un succès militaire retentissant !", a raillé l'ancien responsable séparatiste Igor Strelkov. "Mes félicitations à l'état-major", a-t-il encore tancé sur Telegram.
La chaîne Telegram Rybar, qui commente les événements liés au conflit, suivie par près de 1,1 million d'abonnés, a elle estimé que Kiev voulait "semer la panique" en Russie.