Ukraine : tensions politiques en Crimée

Ce jeudi 27 février, des hommes armés occupent le siège du parlement et du gouvernement en Crimée, péninsule russophone au sud de l'Ukraine. Cette assaut fait ressurgir la menace de partition du pays entre les pro-Europe et pro-Russie, après la mise en place des nouvelles autorités à Kiev et le renversement, la semaine dernière, du président Viktor Ianoukovitch, proche de Poutine et qui serait actuellement en Russie.

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Ukraine : tensions politiques en Crimée
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Plusieurs dizaines d'hommes armés se sont emparés jeudi du siège du parlement et du gouvernement en Crimée, péninsule russophone du sud de l'Ukraine (voir la carte), sur lesquels flotte le drapeau russe, alors qu'à Kiev, le Parlement devait confirmer le nouveau gouvernement. Une cinquantaine d'hommes, équipés d'"armes modernes", sont arrivés au cours de la nuit et empêchaient jeudi les employés d'entrer dans les bâtiments, a déclaré le Premier ministre de Crimée, Anatoli Mohilyov.
 
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Les autorités locales s'apprêtent à "prendre des mesures", a-t-il ajouté sans autre précision, en appelant ses concitoyens au calme. Mohilyov a indiqué avoir tenté en vain de négocier avec les assaillants, qui ont refusé, déclarant de ne pas disposer de l'autorité nécessaire.
 
Le ministre ukrainien de l'Intérieur par intérim, Arsen Avakov, a pour sa part annoncé la mise en alerte de l'ensemble de la police, dont les forces spéciales. Cette mesure, avec l'encerclement du quartier du parlement à Simféropol par les forces de l'ordre, est destinée à éviter "un bain de sang parmi la population civile" et "l'évolution de la situation en affrontements armés", a indiqué Avakov sur sa page Facebook. "Les provocateurs sont en marche", a-t-il ajouté. Il faut garder "la tête froide".
 
Sur place, une vingtaine de policiers non armés faisait reculer la foule de curieux, surtout des pro-russes, qui se massaient devant les deux bâtiments du parlement et du gouvernement, distant d'environ 300 m. L'esplanade devant les locaux est complètement déserte, le périmètre de sécurité s'étendant sur près de 500 m.

La Crimée : un enjeu politique ?

La Crimée, peuplée majoritairement de russophones, est la région d'Ukraine la plus susceptible de s'opposer aux nouvelles autorités en place à Kiev après le renversement de Viktor Ianoukovitch la semaine dernière. Des rumeurs non confirmées officiellement faisaient état de l'arrivée vers Simféropol d'un grand nombre de véhicules depuis la ville voisine de Sébastopol, où est basée la flotte russe de la mer Noire.
 
Ces événements marquent une nouvelle escalade dans les tensions qui opposent le nouveau pouvoir pro-occidental en place à Kiev et les éléments pro-russes en Ukraine. "Je m'adresse aux dirigeants militaires de la flotte de Mer Noire en disant que tous les militaires doivent rester sur le territoire prévu par les accords. Tout mouvement de troupe armé sera considéré comme une agression militaire", a déclaré le président ukrainien par intérim, Olexandre Tourtchinov.
 
La Russie avait annoncé mercredi 26 février avoir "mis en alerte" certaines de ses troupes, dont celles le long de sa frontière commune avec l'Ukraine. Le secrétaire d’État américain, John Kerry, de son côté a prévenu Moscou que toute intervention militaire "serait une grave erreur".
La Russie a décidé de renforcer la protection de sa flotte de la mer Noire -basée en Crimée- et a ordonné une inspection surprise des troupes des districts militaires de l'Ouest, non loin de l'Ukraine, et du Centre, pour vérifier leur aptitude au combat.
 
L'opération, qui mobilisera 150 000 hommes, durera jusqu'au 3 mars. Dans une allusion claire à ces manœuvres russes, les États-Unis ont appelé les "acteurs extérieurs" à s'abstenir de toute "provocation". "Toute intervention militaire qui violerait la souveraineté, l'intégrité territoriale de l'Ukraine, serait une grave erreur", a averti John Kerry. Une Ukraine "souveraine, indépendante et stable" et "fermement engagée en faveur de la démocratie" constitue un "élément clé" de la sécurité dans la zone euro-atlantique, ont de leur côté affirmé mercredi les ministres de la Défense de l'Otan réunis à Bruxelles.
 

La position russe

De notre correspondant en Russie : Alban Mikoczy

 
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Reconstruction politique

Ces événements accroissent aussi fortement la pression sur le nouveau gouvernement ukrainien qui doit entrer en fonctions jeudi 27 février à Kiev sous la houlette du pro-européen Arseni Iatseniouk, une fois qu'il aura reçu le feu vert du Parlement, prévu en matinée. À 39 ans, Arseni Iatseniouk va prendre la tête du gouvernement d'union nationale appelé à diriger le pays, avant l'élection présidentielle anticipée prévue le 25 mai prochain.
 
Membre du parti de l'égérie de la Révolution orange Ioulia Timochenko, il a déjà été ministre de l'Économie et des Affaires étrangères. La composition du gouvernement, qui comprend plusieurs personnalités issues du mouvement de contestation, avait été solennellement dévoilée mercredi 26 février au soir par le conseil du Maïdan - composé des leaders politiques de la contestation ukrainienne, de la société civile et des groupes radicaux- devant une place de l'Indépendance noire de monde.
 
L'exécutif va affronter la tâche herculéenne d'empêcher l'Ukraine de sombrer dans la banqueroute et de contrer les tendances séparatistes à l’œuvre dans le sud et l'est du pays, où une grande partie de la population se sent plus proche de Moscou que de Kiev.
 
Pour épauler les nouvelles autorités ukrainiennes, les États-Unis offrent leur garantie à hauteur d'un milliard de dollars dans le cadre d'un possible prêt des institutions financières internationales pour ce pays. "Nous sommes en train de formuler une garantie sur un prêt d'un milliard de dollars", a dit John Kerry, ajoutant que "les Européens réfléchissaient à 1,5 milliard de dollars" de garantie, au lendemain de l'annonce par les Russes qu'ils n'avaient pas "d'obligations légales" de verser le solde de leur prêt de 15 milliards de dollars, dont l'Ukraine n'a reçu pour l'instant qu'un cinquième.
 
L'Ukraine, en pleine crise économique et politique, a besoin d'une aide de 35 milliards de dollars dans les deux années à venir. Signe de défiance, la hryvnia, la monnaie ukrainienne, a perdu environ 18% de sa valeur depuis le début de l'année. Le président ukrainien destitué Viktor Ianoukovitch est toujours "recherché sur le plan international", selon la justice ukrainienne, qui a réclamé contre lui un mandat d'arrêt international pour "meurtres de masse". Prenant les devants, l'ex-champion du monde de boxe, Vitali Klitschko, candidat à la présidentielle anticipée, a mis en garde Moscou contre l'idée d'accorder l'asile à Ianoukovitch. Mais selon le porte-parole de Vladimir Poutine, rien ne permet d'affirmer qu'il est en Russie.
 

L'ancien président ukrainien Ianoukovitch en Russie

En direct de Moscou, notre correspondant Alban Mokoczy

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Les échos dans la presse ukrainienne et russe

Les échos dans la presse ukrainienne et russe
La Une de Nezavissimaïa Gazeta, "Le Journal indépendant" russe, (à droite ci-dessous) ayant pour titre : "Les anti-Maïdan se regroupent dans la péninsule. La Crimée se replie sur soi." Et la Une du quotidien Den, "Le Jour" ukrainien, (à gauche ci-dessous) avec le titre : "Le noeud de la Crimée".
Ukraine : tensions politiques en Crimée
La Komsomolskaya Pravda "la vérité du Komsomol", quotidien russe à grand tirage, titre : "A Sébastopol, ils brandissent le drapeau russe".

Le témoignage de Raphaël Glucksmann

Raphaël Glucksmann est cinéaste et travaille actuellement à la création du Centre culturel français à Tbilissi mais il est actuellement en Ukraine où il collabore avec des membres de l'opposition. Il raconte sur le plateau du 64' la vie à Kiev en ce moment.
Ukraine : tensions politiques en Crimée

Ukraine : Crimée et châtiment ?

Évincés du pouvoir à Kiev, les Ukrainiens pro-Russes et les Russes de la Crimée, une république autonome au sein de l'Ukraine, menacent d'entrer en sécession sinon de proclamer leur rattachement pur et simple à la Russie. Qu'en est-il donc de cette presqu'île qui abrite une base stratégique majeure de la marine russe et où les Tatars (300 000 sur les 2 millions d'habitants de la province) de retour depuis peu dans leur patrie ancestrale après leur déportation par Staline en Asie centrale, se démarquent des partisans de Moscou et affichent leur soutien total aux nouvelles autorités de Kiev ?