Ukraine : un dimanche de référendum indépendantiste
Des milliers d'Ukrainiens de l'Est se sont rendus aux urnes dimanche pour un référendum séparatiste qui pourrait déboucher de facto sur une nouvelle partition du pays. Les insurgés armés pro-russes qui contrôlent les principales villes du bassin du Donbass, frontalier de la Russie, ont convoqué la population pour valider leur projet d'"indépendance" des "républiques populaires" autoproclamées de Donetsk et de Lougansk.
Référendum en Ukraine de l'Est : les premiers résultats pourraient être connus dans la nuit de dimanche à lundi. AFP/Alexander KHUDOTEPLY
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A Kiev, le ministère des Affaires étrangères a qualifié dimanche la consultation de "farce criminelle" financée par la Russie. "Le référendum (...) est juridiquement nul et n'aura aucune conséquence juridique pour l'intégrité territoriale de l'Ukraine". Le référendum a démarré dans le calme dimanche matin à 05H00 TU et semblait avoir attiré une foule conséquente à la mi-journée.La participation à midi était "au-delà de nos attentes", a affirmé Kiril Roudenko, le porte-parole adjoint de la République de Donetsk. Il a évoqué un taux de 30% de votants pour Donetsk, la principale ville de cette région minière du Donbass. Selon lui, "aucun incident majeur n'a été signalé depuis le matin". Des centaines de personnes faisaient la queue dimanche matin devant un bureau de vote en périphérie de Marioupol (sud-est), ville où de violents affrontements entre forces ukrainiennes et pro-russes se sont produits cette semaine. Sur les bulletins, imprimés à la hâte par les rebelles, figure la question: "Approuvez-vous l'indépendance de la République populaire de Donetsk ?" ou "Approuvez-vous l'indépendance de la République populaire de Lougansk ?". Les résultats sont attendus dans la nuit. "Je veux être indépendant de tout le monde", a expliqué à l'AFP Nikolaï Tcherepine, un ancien ouvrier d'usine. "La Yougoslavie a éclaté et les gens vivent bien aujourd'hui", estime-t-il. A Slaviansk, où le maire autoproclamé Viatcheslav Ponomarev avait promis samedi une "participation de 100%", une foule dense se pressait dimanche matin dans deux bureaux de vote du centre. A Donetsk, la plus grande ville de la zone contrôlée par les pro-russes, une femme, Victoria Petrovna, vote en expliquant que le jour est "important". "On nous dit de venir voter donc il est essentiel de le faire", souligne-t-elle. Irina, elle, n'ira pas voter: "Tout cela me met très mal à l'aise. Ce n'est pas un vote normal (...) les gens vont voter au milieu d'hommes qui portent des armes. Nous avons une région magnifique et nous allons la faire couler", a-t-elle dit à l'AFP alors qu'elle se promenait à Donetsk.
Le président français parle de “vraies-fausses consultations“
- Scénario similaire à la Crimée - La crainte de Kiev et des Occidentaux face à ce scrutin est de voir se reproduire dans l'est de l'Ukraine un scénario similaire à celui qui a abouti en mars au rattachement de la Crimée à la Russie, plongeant l'Occident et la Russie dans leur pire crise depuis la fin de la Guerre froide. Pour les États-Unis, ces référendums sont "illégaux" et constituent "une tentative pour créer des divisions et des troubles". Les Occidentaux ont déjà adopté des sanctions ces dernières semaines contre la Russie, accusée de piloter les troubles dans l'Est, et menacent de les étendre si la présidentielle n'a pas lieu. "Un échec de la tenue des élections présidentielles internationalement reconnues déstabiliserait encore plus le pays", ont souligné samedi la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande. Dimanche arrivant en visite à Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan, le président français a condamné le référendum. Ces "vraies-fausses consultations", ce "faux-semblant", n'a "aucun sens" et est "nul et non avenu", a t-il déclaré, ajoutant que "la seule élection qui vaudra" sera l'élection présidentielle du 25 mai en Ukraine. "Je ne veux pas les appeler référendum", a insisté François Hollande, relevant qu'il n'y avait "pas d'urnes, pas de bureaux de vote (et) de listes électorales" et assurant que "cette consultation n'avait pas d'existence, de légitimité, de légalité". "A partir de là il y a aucune leçon à (en) tirer". Toujours au chapitre des réactions internationales, Carl Bildt, le chef de la diplomatie suédoise, a twitté: "Les troubles menés par les séparatistes et les bandes armées pro-russes risquent de faire s'effondrer complètement la région du Donbass. Une tragédie arrive". Le président Vladimir Poutine avait défié les Occidentaux en assistant vendredi à une parade militaire en Crimée où il a affirmé que son rattachement à la Russie constituait un acte de "fidélité à la vérité historique". Son ami de longue date, l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, a estimé que l'Union européenne était la principale responsable de la crise ukrainienne, obligeant Kiev à choisir entre l'UE et la Russie. "Le rattachement de la Crimée est contesté sur le plan du droit international, mais c'est maintenant une réalité. La Crimée a décidé par référendum qu'elle voulait être une région russe. Et cela a été appliqué", a-t-il jugé.
- Tirs à Slaviansk - La situation militaire reste tendue dans l'est de l'Ukraine, après la reprise des combats dans la nuit de samedi à dimanche près de Slaviansk. L'armée ukrainienne a lancé le 2 mai une opération destinée à reprendre le contrôle de cette zone et encercle la ville depuis plusieurs jours. De nombreuses et très fortes détonations ont retenti dimanche en début de matinée, avant de s'apaiser. Les affrontements armés dans l'est et le sud de l'Ukraine ont fait des dizaines de morts ces deux dernières semaines. Selon le journal allemand Bild am Sonntag, environ 400 mercenaires de l'entreprise américaine Academi (ex-Blackwater) opèrent en Ukraine aux côtés des soldats et de la police ukrainienne, où ils coordonnent des opérations de guérilla contre les séparatistes pro-russes autour de l'enclave de Slaviansk.