Fil d'Ariane
Les violences ne connaissaient pas de répit dans l'est séparatiste prorusse de l'Ukraine avec au moins quinze militaires et civils tués ces dernières 24 heures, ce qui alimente la méfiance des Occidentaux envers les nouveaux accords de paix signés la veille à Minsk.
La trêve est certes censée entrer en vigueur à partir de dimanche 15 février à minuit, mais le texte, dit Minsk 2, arraché au terme de seize heures de négociations entre les dirigeants russe, ukrainien, français et allemand, a fait naître "une lueur d'espoir" pour l'arrêt des violences qui ont atteint des niveaux critiques ces dernières semaines, portant le bilan des morts à près de 5 500 en 10 mois.
Angela Merkel et François Hollande qui ont participé au sommet de Minsk ont dès jeudi 12 février laissé entendre qu'il y aurait des difficultés dans la mise en oeuvre de Minsk 2 et ont mis en garde la Russie contre de nouvelles sanctions.
Les Etats-Unis ont laissé le couple franco-allemand seul sur la scène diplomatique pour arracher un accord sur l'Ukraine avec la Russie, mais Washington a soutenu en coulisses ses alliés européens et maintient la pression sur Moscou en cas d'échec du cessez-le-feu.
Sur le terrain, "l'Ukraine a perdu huit militaires dans des bombardements et des combats et 34 ont été blessés", a indiqué vendredi 13 février au matin un porte-parole militaire ukrainien, Vladislav Seleznev, au cours d'un point de presse.
Il a souligné que la situation "la plus difficile" était autour de Debaltseve, noeud ferroviaire stratégique à mi-chemin entre les capitales séparatistes de Donetsk et de Lougansk où les troupes ukrainiennes sont quasiment encerclées par les rebelles.
La veille, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que les séparatistes voulaient que les forces ukrainiennes qui s'y trouvent déposent les armes, estimant qu'entre 6 000 et 8 000 soldats ukrainiens y étaient encerclés.
Plusieurs analystes estiment que les séparatistes, soutenus par les forces russes, vont tenter de reprendre Debaltseve d'ici l'entrée en vigueur du nouveau cessez-le-feu.
Une source ukrainienne proche des négociations de Minsk a indiqué à l'AFP que l'instauration de la trêve dimanche était "un compromis car les Russes voulaient une semaine".
Mais le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a affirmé vendredi 13 février que la Russie voulait établir un cessez-le-feu "immédiat" en Ukraine et non pas le 15 février, date qui a été retenue, selon lui, sous pression des séparatistes lors du sommet de Minsk.
Les bombardements ont aussi repris à Lougansk, l'une des capitales régionales et bastion des séparatistes, tuant trois civils, selon la mairie de la ville.
Deux autres civils ont été tués dans la région de Lougansk et deux encore dans celle de Donetsk, d'après les autorités.
A Donetsk, fief des rebelles, la nuit a été un peu moins agitée que d’habitude mais les tirs ont repris tôt vendredi 13 février au matin, vers 06H00 locales, avec plusieurs salves de lance-roquettes multiples Grad et des dizaines de tirs d’artillerie en provenance apparemment des deux côtés, selon un journaliste de l'AFP.
De l'avis général, l'accord de Minsk n'est qu'un semblant de paix qui ne prévoit pas de mécanismes concrets pour résoudre les questions litigieuses, en particulier le contrôle de la frontière par laquelle l'Ukraine et les Occidentaux accusent la Russie de faire transiter armes, combattants et troupes régulières.
La reprise du contrôle par Kiev n'est envisagée que d'ici fin 2015 après des élections locales sur les territoires séparatistes et "un règlement politique global" de la crise.
Le chef de la diplomatie ukrainienne Pavlo Klimkine a par ailleurs reconnu vendredi devant les députés qu'il n'y avait "malheureusement pas de date" fixée pour le retrait des forces étrangères du territoire de l'Ukraine.
"L'accord Minsk 2 a toutes les chances d'échouer dans les mois à venir et il faut s'attendre à une escalade des violences et au durcissement des sanctions cette année", écrit Eurasia group dans une note d'analyse.
"L'accord contient plein de trous et pose beaucoup de questions sur sa mise en oeuvre, sur le calendrier de certains aspects", renchérit Eugene Rumer, directeur du programme sur la Russie pour le groupe Carnegie Endowment for International Peace.