Umberto Eco, "l'écrivain qui a changé la culture italienne", est mort

Le romancier, essayiste et philosophe Umberto Eco est décédé vendredi 19 février 2016 à l'âge de 84 ans. Retour sur l'œuvre d'un très grand érudit qui "s'amusait à écrire des romans", tous stupéfiants de profondeur et d'intelligence.
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Umberto Eco
Umberto Eco en 2011 à la fête du livre à Jérusalem, lors de la parution de son avant dernier roman, "Le cimetière de Pragues".
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Publier son premier roman à 48 ans et le voir se vendre à 17 millions d'exemplaires, traduit en 26 langues, n'est pas courant. Surtout quand ce dernier est un thriller moyenâgeux mettant en scène des moines copistes du XIVème siècle enfermés dans une immense abbaye bénédictine perdue dans les Alpes.

C'est pourtant ce qui survint avec la parution du "Nom de la rose" d'Umberto Eco en 1980. Umberto Eco n'est pas un auteur comme les autres, et il fut et restera certainement longtemps une sorte d'anomalie au sein des romanciers contemporains. Un penseur, parmi les plus pointus de son époque est mort, doublé d'un romancier qui s'amusait (selon ses termes) à écrire de la fiction historique.


Romans, mais pas seulement

Les lectures du "Nom de la rose" (traduit en français en 1982 et adapté au cinéma en 1986 par Jean-Jacques Annaud) ou du "Pendule de Foucault" (1988) ne sont pas ordinaires. Comme toutes les fictions d'Umberto Eco. La raison est simple : ces romans, s'ils sont en surface des romans policiers, ou d'aventures, sont en profondeur, des puits d'érudition historique et philosophique. Chez Eco, rien n'est particulièrement ardu dans le style, mais les informations, les détails et les réflexions que l'auteur amène par petites touches et souvent par énigmes interposées, saisissent le lecteur et l'emportent au delà des apparences. Dans une réflexion sur le sens de l'histoire, de l'existence, des secrets et des mystère du monde. Sauf qu'à l'inverse d'autres auteurs spécialisés dans les conspirations historiques et l'occultisme, Eco était un véritable puits de sciences qui distillait ses connaissances avec un brio incomparable, sans jamais tenter de convaincre ses lecteurs de croire à des théories occultes, bien au contraire.

Une œuvre romanesque réduite mais dense

"L'île du jour d'avant" (1994), son troisième roman, se situe au XVIIème siècle, et comme toujours avec Eco, la réflexion sur la science et la recherche du sens est au cœur de l'ouvrage, pourtant basé… sur une aventure maritime. Viendront ensuite Baudolino (2000), La Mystérieuse Flamme de la reine Loana, Le Cimetière de Prague (2010), puis son dernier roman : Numéro zéro (2015), fiction chargée de thèmes propres à notre époque, dont aux premier rangs la problématique de la presse, des attentats, des complots et des stratégies de la manipulation. Là encore, Umberto Eco utilise ses connaissances de l'Histoire et ses obscures coulisses pour pousser le lecteur à se questionner, et questionner… le monde qui l'entoure.

Essais, articles, et engagement politique

Umberto Eco a publié de nombreux essais, plus d'une quarantaine en 50 ans. Chercheur en sémiotique (étude des signes et du sens), reconnu mondialement, "Il Profesore" comme le surnommait la presse italienne, était diplômé de philosophie, enseignait la sémiologie et la théorie du langage, donnait des conférence sur la narration littéraire, et chroniquait dans des journaux. Engagé à gauche, Eco écrivait souvent pour l'hebdomadaire l'Espresso. Le quotidien "Le Corriere della Sera", classé au centre-droit ne lui en tient pas rigueur, saluant dans son édition d'aujourd'hui "l’écrivain qui a changé la culture italienne" :

Corrierre
Avec la mort d'Umberto Eco, ce n'est pas seulement un romancier et un essayiste qui disparaît, mais aussi un penseur, un grand érudit, et comme l'écrit le quotidien italien La Repubblica : "Un regard sur le monde, qui nous manquera".