Fil d'Ariane
Alors que les discussions sur un traité contre la pollution plastique sont sur le point de s’achever à Busan, en Corée du Sud, les pays favorables à un accord ambitieux accusent un groupe d’États de bloquer les négociations, dimanche 1er décembre.
Des délégués assistent à une conférence de presse lors de la cinquième session du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique à Busan, en Corée du Sud, le dimanche 1er décembre 2024.
Le ton monte, dimanche 1er décembre matin à Busan en Corée du Sud : les pays favorables à un traité ambitieux contre la pollution plastique ont accusé un petit groupe d'États de bloquer les négociations, à quelques heures de l'échéance.
"Nous sommes inquiets de l'obstruction continue" de certains pays producteurs de pétrole, a déclaré lors d'une conférence de presse la ministre française de l'Énergie Olga Givernet.
"Une petite minorité" de pays "bloquent le processus", a accusé le délégué des Fidji, Sivendra Michael, au cours de cette conférence de presse qui a réuni aussi les représentants du Mexique, du Rwanda et de l'Union européenne. "Si vous ne nous rejoignez pas pour obtenir un traité ambitieux (...) alors partez!", a-t-il lancé à l'adresse de cette minorité.
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"Si nous n'obtenons pas un traité ambitieux à Busan, ce sera une trahison mondiale (...) L'histoire ne nous le pardonnera pas. C'est le moment d'agir, ou de partir", a lancé le chef de la délégation du Panama, Juan Carlos Monterrey.
Cette conférence de presse des pays dits "aux hautes ambitions" a eu lieu à quelques heures de la date butoir pour trouver un accord sur un texte contraignant à Busan, dimanche soir ou tôt lundi matin, après deux ans de négociations.
Ni les États-Unis, ni la Chine, les deux premiers producteurs de plastique dans le monde, n'y ont participé.
"J'espère qu'ils nous rejoindront", a déclaré à l'AFP la cheffe de la délégation mexicaine Camila Zepeda, soulignant que la coalition des pays ambitieux était "une invitation ouverte".
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"Tant la Chine que les États-Unis veulent un traité et s'impliquent dans les négociations de façon constructive", a souligné à l'AFP le délégué allemand Sebastian Unger, confirmant les récits d'un grand nombre d'autres diplomates.
La frustration s'est accrue tout au long de la semaine au sein de la "Coalition des hautes ambitions", forte d'une soixantaine de pays favorables à un traité fort s'attaquant à l'ensemble du "cycle de vie" du plastique, de la production aux déchets.
Cette coalition s'oppose à un petit groupe de pays, surtout des producteurs de pétrole menés par la Russie, l'Arabie saoudite et l'Iran, qui estiment que le futur traité doit uniquement concerner la gestion des déchets et le recyclage.
Une possibilité dont la majorité ne veut pas entendre parler. "Il est temps de trouver un terrain d'entente mais le Rwanda ne peut accepter un traité édenté", a affirmé la déléguée rwandaise Juliet Kabera.
Sollicitées par l'AFP, les délégations russe et saoudienne se sont refusées à tout commentaire. Celle d'Iran n'a jamais donné suite à une demande d'entretien.
Un traité sans les producteurs de produits pétrochimiques, sans les industries ne sera pas aussi efficace que nous le souhaitons.
La déléguée portugaise Maria João Teixeira
Plus de cent pays se sont joints à une proposition du Panama pour graver dans le marbre le principe d'une réduction de la production de plastique, demandé par les pays les plus exigeants, tout en renvoyant à plus tard la question des objectifs chiffrés.
Certains, comme le Panama ou les Fidji, voudraient chasser des négociations les pays qui s'opposent à toute réduction de la production. D'autres évoquent la possibilité de soumettre au vote un traité comportant cette disposition, au lieu d'une adoption par consensus comme c'est généralement la règle pour ce type de grand accord onusien.
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"Je pense que si nous devons procéder à un vote, nous n'aurons pas de problèmes. Nous sommes majoritaires", a déclaré à l'AFP la déléguée portugaise Maria João Teixeira. "Mais un traité sans les producteurs de produits pétrochimiques, sans les industries ne sera pas aussi efficace que nous le souhaitons."
Alors que la journée avance dimanche, la diffusion d'un avant-projet de texte, un "non-papier" dans le jargon diplomatique, initialement promis pour la veille au soir par le diplomate qui préside les négociations, Luis Vayas Valdivieso, se fait toujours attendre.
Le processus multilatéral est lent, mais il est possible d'atteindre une masse critique pour aller de l'avant.
La cheffe de la délégation mexicaine Camila Zepeda
Certains diplomates évoquent la possibilité que la conférence s'achève sans traité. Le palais des Congrès de Busan, où se déroulent les réunions, est loué pour un autre événement à partir de lundi, 1 heure.
"Je pense que certains d'entre nous ont déjà en tête" une nouvelle réunion après Busan pour continuer à négocier, a déclaré Mme Teixeira.
"Nous espérons un consensus. Le processus multilatéral est lent, mais il est possible d'atteindre une masse critique pour aller de l'avant", a estimé Mme Zepeda, la déléguée mexicaine.
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Elle non plus n'a pas exclu l'organisation d'un sixième cycle de négociations après Busan. Busan "n'est pas un échec, parce que nous avons une coalition d'une grande majorité de pays qui sont prêts à aller de l'avant", a-t-elle dit.
"Conclure un traité en deux ans est très ambitieux", a estimé Mme Zepeda. "Peut-être que nous aurons besoin d'une nouvelle édition plus tard", a-t-elle poursuivi, "mais pour le moment ce n'est pas fini (...) Nous croyons qu'il y a encore du temps".