Fil d'Ariane
La réunion d'Ostende où se retrouveront notamment le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz et le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, vise à développer champs d'éoliennes, infrastructures de connexion, chaînes industrielles, projets d'hydrogène vert... Plus que de partenariats précis, il s'agit de coordonner les politiques nationales, explique devant la presse la semaine dernière le Premier ministre belge Alexander De Croo, à l'initiative du "sommet mer du Nord".
"L'essentiel n'est tant pas d'énoncer des objectifs ambitieux que la rapidité d'exécution", indique-t-il. Il appelle à renforcer "la normalisation" technologique pour construire plus vite et à "mieux aligner les appels d'offres" pour ne pas saturer les chaînes d'approvisionnement. Les dirigeants de sept pays de l'Union européenne (France, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Irlande, Danemark et Luxembourg - grand financeur de projets), de la Norvège et du Royaume-Uni seront présents.
"Ensemble, l'ambition est d'environ 300 gigawatts (GW) d'ici 2050", affirme Alexander De Croo. C'est dix fois plus que les capacités actuellement installées. La prévision pour 2030 est d'au moins quadrupler le parc actuel, a-t-il ajouté. Si le Royaume-Uni compte 14 GW d'éolien en mer et l'Allemagne 8 GW, les capacités du Danemark, de la Belgique et des Pays-Bas s'établissent entre 2 et 3 GW, et celles en France et Norvège à environ 0,5.
"Les ordres de grandeur sont gigantesques (...) Chez nous comme chez nos voisins, l'éolien en mer sera vraisemblablement entre 2030 et 2050 la principale source de production d'énergie renouvelable, loin devant le solaire et l'éolien terrestre", observe-t-on à l'Elysée. En mer du Nord, peu profonde, des éoliennes "peuvent être installées en nombre important" pas trop loin des côtes, "dans des conditions de vent permettant de produire beaucoup d'énergie" verte à un coût "particulièrement compétitif", ajoute la même source. La France vise 40 gigawatts d'éolien offshore en service en 2050 sur l'ensemble des côtes.
Après une première réunion de quatre pays en mai 2022, ce second "sommet mer du Nord" s'inscrit dans les objectifs climatiques de l'Europe comme dans la volonté de sabrer sa dépendance aux énergies fossiles importées suite à la guerre en Ukraine.
L'UE s'est récemment entendue pour doubler, à 42,5%, la part des renouvelables dans sa consommation énergétique d'ici 2030, notamment en accélérant les procédures d'autorisation des infrastructures. Bruxelles a également proposé mi-mars des allègements réglementaires pour les industries vertes. Les objectifs d'Ostende sont réalisables "car l'Europe a un leadership technologique et industriel sur l'éolien offshore", mais "il manque une mobilisation des financements" pour soutenir la montée en puissance des chaînes de production, prévient Pierre Tardieu de la fédération industrielle WindEurope.
L'industrie européenne devrait ainsi fabriquer d'ici cinq ans l'équivalent de 20 GW d'éoliennes offshore par an, contre une capacité d'environ 7 actuellement... au risque d'usines saturées et de goulots d'étranglement sur les composants. Nacelles, pales, câbles... "On ne produit pas assez de certains éléments cruciaux aujourd'hui. Pas mal de financements vont à l'innovation, mais l'enjeu est d'investir dans des structures de production existantes dont il faut doubler, tripler la capacité", explique Pierre Tardieu.
"Les turbiniers fonctionnent actuellement à perte, frappés durement par les dérèglements logistiques suite au Covid, il faut un soutien public ponctuel", insiste-t-il. Il note aussi les besoins massifs de formation et recrutement : l'éolien en mer nécessitera 250 000 emplois en 2030, contre 80 000 aujourd'hui.
Autre difficulté : la dépendance européenne aux importations de composants critiques (terres rares...), notamment de Chine. Le coût total s'annonce colossal : fin 2020, Bruxelles chiffrait à 800 milliards d'euros les besoins d'investissements si l'UE seule visait 300 GW d'éolien offshore d'ici 2050.
Les ONG environnementales appellent, elles, à ne pas précipiter les études d'impact sur la biodiversité marine, et WindEurope pointe les contraintes liées à la pêche et au transport. "Mais pour réaliser ces objectifs d'éoliennes, on n'a besoin que d'entre 7% à 10% du bassin maritime", insiste Pierre Tardieu.