Fil d'Ariane
S'agissait-il d'un malentendu ? En France, l'ancien président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand tente d'éteindre la polémique après ses propos du dimanche 18 juin laissant penser qu'il milite pour un troisième mandat d'Emmanuel Macron.
Le président français Emmanuel Macron lors d'une rencontre à Paris avec le président polonais Andrzej Duda et le chancelier allemand Olaf Scholz, le 12 juin 2023.
"On ne change pas les règles en cours de match". L’ancien président de l’Assemblée nationale tente d’éteindre l’incendie allumé ce week-end dans les colonnes du journal conservateur Le Figaro.
Interrogé par le quotidien pour savoir s'il regrettait qu'Emmanuel Macron ne puisse pas se représenter en 2027, Richard Ferrand, l’un des très proches du chef de l'Etat, avait répondu : "Notre Constitution en dispose ainsi. Cependant, à titre personnel, je regrette tout ce qui bride la libre expression de la souveraineté populaire (...). Changeons tout cela en préservant le bicamérisme et le Conseil constitutionnel".
Ces propos ont suscité une vague de critiques à gauche comme à droite. "Et pourquoi pas restaurer l’Empire avec Macron 1er ? Richard Ferrand, le visage de la dérive autocratique de la Macronie", a réagi la cheffe de file des députés LFI (La France Insoumise) Mathilde Panot.
"Pour certains la VIème République ressemble plutôt à la restauration ou l'empire", a abondé le Premier secrétaire du PS Olivier Faure.
"Modifier la Constitution pour se permettre de rester au pouvoir… les deux derniers à l’avoir fait s’appellent Xi Jinping et Vladimir Poutine… voilà donc le plan +démocratique+ d’Emmanuel Macron ?", s'est demandé le sénateur LR (droite) Alain Houpert.
La limitation du nombre de mandats remonte à 2008. Cette année-là, le président Sarkozy décide de modifier la Constitution pour imposer cette limitation qui, jusqu’alors, n’existait pas. La principale modification en la matière remontait à l’année 2000 avec le passage du septennat au quinquennat, du mandat de sept ans au mandat de cinq ans.
En limitant le nombre de mandats à deux, Nicolas Sarkozy avait souhaité “faire respirer” la vie démocratique française.
Ironie, quinze ans plus tard, Richard Ferrand brandit le même argument pour défendre la suppression de cette limitation, estimant que “tout cela corsète notre vie publique dans des règles qui limitent le libre choix des citoyens. Ça affaiblit notre vie politique en qualité et en densité, et la rend moins attractive".
Mais cette modification constitutionnelle doit-elle s’appliquer à Emmanuel Macron ? “Non”, répond l’ancien député breton en espérant mettre fin à la polémique.
Dans un tweet rageur, il juge "consternant de voir s’agiter réseaux sociaux et médias paresseux sur une proposition stupide que je ne fais pas dans un entretien au Figaro : modifier la constitution pour la présidentielle de 2027. Panurgisme imbécile".
Le président Macron et son gouvernement ont été fréquemment accusés de s’asseoir sur un certain nombre de principes démocratiques ces derniers mois. En cause, notamment, l’utilisation répétée de l’article 49.3 de la Constitution qui a permis de faire adopter un certain nombre de réformes, dont celle des retraites, en contournant le vote des députés.
Sur Twitter, l'humoriste Mamane, qui officie notamment sur RFI, raille l'interview de Richard Ferrand en faisant référence à son personnage-clé, "Président-fondateur".
Si le député conservateur Alain Houpert, cité plus haut, évoque la Chine et la Russie pour épingler le président français, la question du troisième mandat a surtout concerné toute une série de pays africains au cours des dernières années.
À l’issue de “tripatouillages” constitutionnels –selon l’expression consacrée-, plusieurs chefs d’État ont forcé le destin, prétextant des chantiers inaboutis ou une nécessaire stabilité. Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, Alpha Condé en Guinée, Yoweri Museveni en Ouganda, Faure Gnassingbe au Togo ou Joseph Kabila en RDC s’y sont essayés avec plus ou moins de réussite, emboîtant le pas au burundais Pierre Nkurunziza, réélu pour un troisième mandat très contesté en 2015 avant de mourir soudainement en juin 2020.
À l’heure actuelle, deux présidents africains affichent plus ou moins explicitement leur volonté de ne pas quitter la scène à l’issue de leur second et théoriquement dernier mandat. Fin mai, en République centrafricaine, Faustin Archange Touadéra a annoncé la tenue d’un référendum constitutionnel sur le sujet le 30 juillet prochain. Quant au Sénégalais Macky Sall, il est, pour l’heure, simplement soupçonné par son opposition de vouloir briguer un troisième mandat en 2024. Mais les débats font rage dans le pays et la mise au ban de son principal adversaire, le maire de Ziguinchor Ousmane Sonko a donné lieu à de violentes manifestations ces dernières semaines.