Il y a un an, le 12 mars 2011, la première vague des indignés déferlait sur le Portugal : près de 500 000 personnes défilaient dans les rues de Porto et Lisbonne pour dénoncer la précarité. Du jamais vu depuis la révolution des Œillets. Depuis, le mouvement que l’on nomme celui du 12 Mars (M12M), s’est structuré et a ancré sa lutte dans la réalité politique. Une proposition de loi citoyenne a été déposée à l’assemblée.
Manifestants le 12 mars 2011 dans les rues de Lisbonne.
Contre toute attente, après avoir lancé un appel sur Facebook, une poignée de jeunes Portugais réussissent, le 12 mars 2011, à mobiliser près de 500 000 personnes pour dénoncer la précarité qui frappe le pays en crise. C'est ainsi que naît le Mouvement du 12 Mars (M12M), première vague des indignés en Europe. Depuis, rien n’est résolu au Portugal. Malgré le prêt de 78 milliards d'euros octroyé par la zone euro et le Fonds monétaire international, les agences de notation Standard & Poor's et Fitch Rating ont abaissé la note de la dette publique du pays. Le PIB a reculé de 1,6% en 2011 et risque encore de fléchir de 3,3% en 2012. L'investissement s'est écroulé et l'inflation reste toujours au-dessus de l'objectif officiel du gouvernement de 3,3 %. Quant au taux de chômage, il a atteint le niveau record de 14%. Résultat, les grèves générales se succèdent. Dans les rues de Lisbonne et Porto, les jeunes du M12M sont toujours au rendez-vous mais misent désormais sur une nouvelle stratégie : l’initiative citoyenne. Comme le permet l'article 167 de la Constitution portugaise, les plus motivés d’entre eux ont élaboré avec l'aide de deux avocats une proposition de loi contre la précarité et sont parvenus, à force d'arpenter les places, les marchés et les concerts, à recueillir les 35 000 signatures nécessaires pour déposer le texte devant l'assemblée. « Ce que nous avons fait le 12 janvier dernier », indique Paula Gil, précaire de 28 ans, à la tête du mouvement (qui gagne 700 euros par mois pour un travail à temps plein de secrétariat)
Paula Gil, jeune précaire qui a déposé la proposition de loi citoyenne devant l'assemblée.
CONVAINCRE Le premier cap est donc franchi mais le plus dur reste à faire : convaincre les parlementaires de voter ce projet pour en faire une véritable loi citoyenne. Sans surprises, les jeunes militants ont obtenu l'appui de l'opposition. « Les socialistes, les communistes et les verts soutiennent notre démarche et partagent nos objectifs », explique Paula Gil. En revanche, les sociaux-démocrates et les élus du parti populaire qui détiennent la majorité au Parlement depuis les élections législatives de juin dernier ont refusé de se prononcer. Gagner leur vote est indispensable mais la mission s'avère quasi impossible. CONTRE LES DERIVES Réaffirmant les principes fondamentaux du code du travail, la proposition citoyenne qu'ont élaboré les jeunes du 12 mars, introduit de nouveaux mécanismes juridiques visant à mettre fin aux principales dérives qui alimentent la précarité : emploi abusif des « reçus verts » qui permettent à un employeur de payer ses employés comme des prestataires de services et de les licencier du jour en lendemain sans indemnité chômage, reconduction perpétuelle de contrats à durée déterminée sur un même poste, et développement endémique du travail temporaire. Comment des parlementaires de centre droit, qui ont voté une série de réformes servant à assouplir le marché du travail et sont soumis aux règles de la Troïka (Fonds monétaire international, Union européenne et Banque centrale européenne), pourront-ils approuver un tel projet, du moins à moyen terme ? OPTIMISTE Portée par un déterminisme sans faille, Paula Gil refuse de baisser les bras. Elle mise sur la pression sociale et le poids du mouvement : « On a quand même réuni 35 000 signatures. En comparaison, pour qu'un citoyen puisse se présenter à l'élection présidentielle, il doit recueillir 7 500 signatures. Nous, nous en avons cinq fois plus. Les parlementaires ne peuvent pas laisser les gens dans la crise sans protection. D'ailleurs, aucun parti ne s'est prononcé pour la précarité, tous disent lutter contre ! Je reste optimiste. » Pour l'heure, le texte doit être encore validé par une commission indépendante chargée de vérifier sa "légalité" avant d'être soumis au vote et faire l'objet de vifs débats entre parlementaires. Si la démarche aboutit, ce sera la deuxième loi citoyenne de l'histoire portugaise.