Une première mondiale, Le Salvador interdit l'exploitation minière des métaux

Le Salvador devient officiellement le premier pays à interdire les mines de métaux sur son territoire. La raison : "Il s'agit d'une activité nuisible pour l'environnement et la santé publique", selon le gouvernement. Si l'initiative est applaudie, des experts en questions environnementales mettent en garde ce dernier contre un possible recul.
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Photos mines El Salvador
Pour soutenir le vote au Parlement, des centaines de citoyen ont défilé dans les rues de San Salvador, la capital, au cri de "Non aux mines, oui à la vie". 
©AP Photo/Luis Romero
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Une page se tourne dans le plus petit pays d’Amérique centrale. Aucune institution, norme, acte administratif ou résolution ne pourra désormais autoriser la prospection, l’exploration, l’extraction ou le traitement de produits métalliques au Salvador.

Soutenue par 70% de la population et promulguée il y a quelques jours au Parlement salvadorien, cette nouvelle législation s’applique aux exploitations de mines à ciel ouvert ou souterraines. L’utilisation de produits chimiques et toxiques, comme le cyanure ou le mercure, est également interdite.

Une reconversion pour les petits exploitants miniers


Les mines en activité auront un délai de deux ans pour fermer, écrit El Espectador. Même chose pour les mineurs artisanaux qui auront 24 mois pour abandonner cette branche et se tourner vers un métier plus « vert avec le soutien du gouvernement ». Reste à savoir le nombre de personnes qui vont effectivement se reconvertir puisque les députés n’ont pas interdit la fabrication artisanale de bijoux ou de métaux précieux.

Une initiative symbolique ?  Selon le Centre d’études du Guatemala (CEG) qui a enquêté sur l’apport de ce secteur à l’économie des pays de l’Amérique centrale, l’activité minière ne représente que 0,3% de la production annuelle du Salvador. Sandino Asturias, directeur de l’étude, indique que l’extraction de charbon de pierre, de lignite (une roche composée de restes fossiles de plantes), de pétrole, de gaz naturel et de certains métaux ne créent pas assez d'emplois pour peser sur la balance économique.

La Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) abonde dans ce sens : les activités commerciales et le bâtiment sont celles qui génèrent le  plus d’emplois dans le pays, suivies par l’industrie manufacturière (transformation de biens) et les services. L’activité minière arrive troisième, loin derrière.
 
Photo mines manif
Cette nouvelle loi est soutenue par 70% de la population d'autant que les conséquences économiques de l'arrêt de cette activité sont négligeables. 
©Capture d'écran d'une vidéo tournée par des amateurs.

Des dégâts colossaux

Les mauvaises langues pourraient conclure que le gouvernement du président de gauche Salvador Sanchez Cerén se paie un coup de pub à moindre frais. Mais cette interdiction aura « un vrai impact sur l’environnement et la santé publique », indique le Parlement soutenu par l'Eglise catholique, des associations de défense des droits de l'homme et de l'environnement. Parmi ces dernières, l'organisation MiningWatch Canada qui parle de "fait historique".

Même réaction du côté du parti vert qui estime cette loi "innovante" est "surtout nécessaire face à une industrie qui n'apporte aucun bénéfice aux communautés mais plutôt une grave pollution". Le Collectif national contre l'industrie des mines métallifères a également déclaré qu'il s'agit "d'une ferme avancée pour protéger nos rivières"

Sur un territoire de 20 000 m2 les dégâts de l’industrie minière sont inversement proportionnels à la taille du pays. Les autorités sanitaires estiment que 90% des eaux superficielles y sont polluées par les produits chimiques utilisés dans les mines, les métaux lourds qui en proviennent et de déchets. Ce nouveau texte prévoit un plan pour assainir les cours d’eau.

Un combat de longue date 

Si l’Assemblée nationale a enfin pu faire passer cette loi après plus d’une décennie de tentatives infructueuses, c’est grâce à l’affaire OcéanaGold, du nom d'une entreprise minière canadienne. Le 15 juin 2009, celle-ci porte plainte contre El Salvador devant un Tribunal d’arbitrage international de la Banque mondiale.

La multinationale accuse cet Etat de lui avoir potentiellement fait perdre des millions de dollars, quand les autorités du pays ont refusé de lui accorder les autorisations pour développer un projet situé dans un des départements les plus pauvres du pays. De son côté, le gouvernement a dépensé des millions pour se défendre et cinq défenseurs de l’environnement ont perdu la vie. En octobre 2016, un arbitrage international finit par donner raison à l’Etat du Salvador. Cette entreprise doit désormais lui allouer 8 millions de dollars pour couvrir les frais de justice. 

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Les compagnies minières en embuscade

Même s'ils sont enthousiasmés par cette loi historique, de nombreux observateurs de la question comme Saúl Baños mettent en garde les pouvoirs publiques contre tout recul possible. "La connivence entre certains hommes politiques et les compagnies minières sont redoutables", fait-il savoir en faisant référence au parti Arena au pouvoir entre 1989 et 2009, désormais dans l'opposition, qui a accordé des permis d'exploitation minière sans tenir compte des normes environnementales. 

Dagoberto Gutierrez, quant à lui, estime que le pays devra rester attentif "à ce qu'à l'avenir, les hommes politiques ne cherchent pas à déroger à cette norme pour répondre aux intérêts des voraces entreprises minières" qui ne s'avouent pas vaincues.

Les méthodes de ces dernières sont bien connues. Les populations -souvent les plus pauvres- concernées par les projets miniers n'échappent ni aux menaces ni aux violences. Les défenseurs de l'environnement, quant à eux, "doivent payer le prix fort", regrette Luis González, membre de l'ONG Unité écologique salvadorienne. Reste que cette nouvelle loi est un message d'espoir pour tous les opposants à l'extraction minière dans le continent et ailleurs. 

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