Ce 1er janvier 2015, la Lettonie prend le relais de l'Italie à la présidence tournante de l'Union européenne. Ce même jour, la Lituanie défie ses craintes face aux maux de la zone euro et à la hausse des prix en adoptant la monnaie unique. Pour ces ex-républiques soviétiques, l'enjeu est considérable.
Sortis d’un demi-siècle d’occupation soviétique au début des années 1990, les pays baltes ont rejoint l’Union européenne et l’OTAN en 2004, en même temps que la Pologne. Aujourd’hui, ils observent avec inquiétude la politique du Kremlin en Ukraine et l'activité accrue des forces armées russes à proximité de leurs frontières. La Lituanie dans la zone euro Pas question de prendre ouvertement le contrepied de la Russie, mais après l’Estonie en 2011 et la Lettonie en 2014, c'est aujourd'hui au tour de la Lituanie d'adopter l'euro - la Lituanie qui avait été la première république soviétique à déclarer son indépendance, en 1990. Désormais, environ 337 millions d’Européens de 19 pays partagent la même monnaie. La présidente lituanienne, Dalia Grybauskaite, considère l'euro comme "le symbole d’une plus grande intégration économique et politique avec l’Occident. Cela marque symboliquement l’étape finale de notre intégration dans l’Union européenne, et représente notre sécurité, non seulement économique, mais aussi politique". Selon un sondage publié en novembre par la Banque centrale, sur trois millions de Lituaniens, quelque 53 % soutiennent le passage à l’euro et 39 % sont contre - et malgré l’annonce de législatives anticipées en Grèce, qui font craindre un nouveau départ de la crise de la dette. "Rester enfermé et garder le litas, ce serait du patriotisme. Mieux vaut s'ouvrir à la mondialisation," déclarait un habitant de Vilnius aux douze coups de minuit, en ce 1er janvier 2015. Le fait est que le choix de la Lituanie est autant politique qu'économique. Analyse de l'économiste Roland Gillet dans le 64' de TV5MONDE :
01.01.2015Interview d'Estelle Martin
La Lettonie à la présidence de l'Union européenne L'intégration de la Lituanie à la zone euro coïncide avec l'accession de la Lettonie à la présidence de l’Union européenne pour six mois. Une prise de responsabilité dont seulement 72 % des Lettons sont au courant. Les médias, eux, s'interrogent sur le bilan financier : certes, la Lettonie peut compter sur 64,5 millions d'euros de recettes supplémentaires, grâce aux activités hôtelières accrues et aux recettes fiscales, mais à quel prix ? Riga devrait dépenser environ 70 millions d'euros pour les différentes réunions, tandis que l'entrée principale de la Bibliothèque Nationale, qui doit accueillir la plupart des conférences européennes, est désormais interdite au commun des mortels. "C'est un peu humiliant de devoir entrer dans notre propre bibliothèque par la porte de derrière", confie un habitant de la capitale lettone De fait, la présidence de l'Union européenne n'est pas un simple rôle de composition pour la Lettonie, ce petit pays balte de deux millions d'habitants, membre de l'UE depuis dix ans seulement. C'est un travail de fourmi qui requiert des forces vives et des compétences. Aussi les Lettons ont-ils recruté à l'extérieur pour les assister et ne pas se laisser déborder. "Les petits pays manquent parfois de bras, mais ils s'impliquent davantage et au final, leur présidence est souvent réussie", relèvent plusieurs sources bruxelloises.
Rencontre avec Edgars Rinkevics, ministre letton des Affaires étrangères
22.01.2015Reportage de nos envoyés spéciaux à Riga : J.-L. Eyguesier et G. Breistroff
Un agenda chargé Danger islamiste, rechute de la Grèce, sécurité énergétique, relance du dialogue avec les Etats-Unis sur le traité transatlantique de libre-échange, accès des Européens au marché du travail britannique... A la tête de l'Union européenne, la Lettonie se retrouve en première ligne pour traiter plusieurs dossiers lourds de risques et d'incertitudes, à commencer par la politique de Vladimir Poutine. Et pourtant, c'est l'annexion, en mars, de la Crimée par la Russie et son intervention en Ukraine qui ravivent le spectre de l'impérialisme soviétique et inquiètent le plus les pays baltes. Et cela malgré les réassurances de l'Otan et la présence de chasseurs occidentaux qui interceptent les avions russes volant à proximité de leurs frontières. Avec la Russie : dialogue et fermeté Forte d'une importante minorité russophone, la Lettonie affirme que sa présidence ne sera pas "antirusse". Mais à l'approche du sommet du Partenariat oriental, avec le Bélarus, l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, qui aspirent à se rapprocher de l'Union européenne, la position de la Lettonie promet d'être délicate. Edgars Rinkevics espère pouvoir envoyer à cette occasion "un signal fort sur la libéralisation du régime de visas" pour l'UE. La diplomatie lettonne peut compter à Bruxelles sur un interlocuteur bien au courant du dossier russo-ukrainien, l'ancien Premier ministre polonais Donald Tusk président du Conseil européen, qui affirmait à l'issue de son premier sommet européen que l'Ukraine était "victime d'une sorte d'invasion" et que les Européens devaient "aller au-delà d'une réponse réactive et défensive". Edgars Rinkevics, lui, dit vouloir "faire son possible pour soutenir l'action diplomatique et le dialogue politique", mais refuse fermement de reconnaître l'annexion de la Crimée. Il pourrait prudemment tendre la main au Bélarus, allié de la Russie, mais dont le président Loukachenko a suscité l'ire de Moscou en se rendant le 21 décembre à Kiev. Pour chaque pays membre de l'UE, la présidence tournante est aussi l'occasion de prouver sa volonté d'intégration et de pousser ses propres intérêts auprès des institutions bruxelloises. Pour les Lettons, ce sera un moyen de se faire connaître, au moment où la Lituanie intègre la zone euro et où l'ancien Premier ministre polonais préside le Conseil européen : en 2015, place aux jeunes au sein de l'Union européenne !