Union européenne : les lanceurs d'alerte désormais protégés

Les lanceurs d'alerte seront désormais protégés en Europe. Après plusieurs mois de négociations, le Parlement, la Commission et le Conseil européens ont conclu ce 11 mars 2019 un accord dans ce sens. Une victoire pour la transparence... et pour les écologistes européens. 
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Commission européenne
(Photo : AP Photo/Francisco Seco)
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C'est une victoire passée quasi-inaperçue, mais une victoire quand-même pour les lanceurs d'alerte. Grâce à un accord politique conclu le 12 mars 2019 entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil européens, ils seront désormais protégés. 

Cette nouvelle législation qui pourrait être adoptée avant les élections européennes
est le résultat de plusieurs mois de négociations à la suite d'un projet de directive déposée dès 2016 par les députés écologistes européens regroupés sous la bannière Les Verts / Alliance Libre Européenne (ALE).  Laquelle avait pour objectif de protéger les "dénonciateurs" dans toute l'Union européenne via un instrument juridique spécifique. 

C'est désormais chose faite. La directive adoptée offrira enfin de véritables garanties juridiques et une protection aux personnes qui souhaitent s’exprimer lorsqu’elles sont confrontées à des actes illicites ou contraires à l’intérêt général dans le cadre de leurs activités professionnelles.

Elle obligera également tous les pays de l’Union européenne à adopter des mesures pour protéger efficacement les lanceurs d’alerte telles que le choix le plus opportun des canaux de signalement, la confidentialité, la protection juridique et les sanctions pour ceux qui tentent d'exercer des représailles contre les "dénonciateurs". 

L'enjeu du signalement

L'encadrement du signalement a été l'objet des discussions les plus âpres. Plusieurs gouvernements voulaient rendre ce processus aussi strict que possible afin que les lanceurs d’alerte ne soient protégés que s'ils présentent d'abord un signalement en interne, dans leur structure, entreprise ou organisation.

Une disposition qui pouvait faire échouer toute tentative de mise en lumière d'un fait délictueux ou d'un abus de droit. Après une longue bataille entre le Parlement européen et les gouvernements de l'Union, la directive prévoit désormais que les lanceurs d’alerte soient protégés quel que soit le type de signalement, qu'il soit "en externe" ou directement auprès des régulateurs et des autorités compétentes, ou bien "en interne".

Le Parlement européen a donc obtenu une certaine flexibilité sur ce point. Quant aux  entreprises de plus de 50 employés et organismes publics, ils seront tenus de mettre en place des canaux et des procédures pour que les lanceurs d’alerte puissent se présenter en toute sécurité. 

Charge de la preuve inversée 

Non seulement les lanceurs d’alerte seront protégés des représailles (interdites), mais ils bénéficieront aussi d'un "renversement de la charge de la preuve". 

Ce qui signifie que la personne qui tentera d'exercer des représailles sur un "dénonciateur" devra apporter la preuve que le préjudice infligé n'a pas de rapport avec le signalement. 

Enfin, les États membres prendront des mesures nécessaires pour garantir la réparation et l'indemnisation intégrale des dommages subis par les "dénonciateurs", conformément au droit national.

Cette directive européenne sera donc un contrepoids à la controversée directive "Secret des affaires" de 2016 ( 2016/943/UE ), qui a conduit au procès la même année d'Antoine Deltour et d'Edouard Perrin, respectivement lanceur d'alerte et journaliste, dans l'affaire Luxleaks. Un procès qui ne pourrait sans doute plus avoir lieu tel quel après l'adoption de la nouvelle législation. 

► pour aller plus loin  : Le secret des affaires, un enjeu central dans le procès Luxleaks

Réactions

Parmi les réactions à cet accord, Eva Joly, la vice-présidente de la Commission TAX3 (sur la criminalité financière) a été l'une des premières à s'exprimer : 
 

Réaction enthousiaste aussi de l'eurodéputée des Radicaux de gauche, Virginie Rozière : 
 

Maintenant que l'accord politique entre les trois institutions de l'Union européenne a été conclu, les gouvernements de l'UE et les membres du Parlement européen devraient l'approuver dans les prochaines semaines, pour une adoption en avril. 

Ce texte ambitieux qui fixera des normes minimales pour la protection des lanceurs d’alerte dans l'Union européenne permettra ainsi aux prochains "dénonciateurs" de s'exprimer sans crainte de représailles.

Ce qui pourrait d'ailleurs conduire - après l'affaire des écoutes de la NSA, du Swissleaks, du LuxLeaks, des PanamaPapers ou encore des abus sexuels commis en Centrafrique par des militaires français - à la révélation de nouveaux scandales dans l'Union européenne. Qui sait ?