Les ministres européens des Affaires étrangères se retrouvent pour une réunion de deux jours, mardi 30 et mercredi 31 août, à Prague, en République Tchèque. Parmi les sujets qui seront débattus, celui de la possible interdiction des visas accordés aux touristes russes. Une éventualité qui ne fait pas consensus.
Interdire l'Europe aux touristes russes ou en limiter drastiquement l'accès pour les punir de la guerre en Ukraine. L'Union européenne (UE) se montre divisée sur cette sanction réclamée par Kiev.
Le sujet sera au menu des discussions de la réunion des ministres européens des Affaires étrangères qui s'ouvre, mardi 30 août, à Prague.
Les nations les plus offensives, à savoir les pays baltes, la Pologne et la Finlande, poussent pour une position commune des Vingt-Sept sur cette mesure. Le cas échéant, elle serait inédite dans l'histoire de l'UE.
Depuis le début de l’invasion russe, elle a suspendu partiellement les facilités de délivrance de visas de court séjour dans le cadre d'un accord UE-Russie, en interdisant l'accès à certaines catégories liées au régime (délégations officielles, détenteurs de passeport diplomatique, chefs d'entreprise...). L’Europe a en outre déclaré
persona non grata 1.214 responsables.
(Re)voir : Zelensky appelle le G7 à intensifier les sanctions contre Moscou
"Laissons les touristes russes profiter de la Russie"Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a appelé les Occidentaux à fermer leurs frontières aux Russes qui doivent "
vivre dans leur propre monde jusqu'à ce qu'ils changent de philosophie".
"
Les Russes soutiennent massivement la guerre, applaudissent les frappes de missiles sur les villes ukrainiennes et les meurtres d'Ukrainiens. Laissons donc les touristes russes profiter de la Russie", a renchéri son chef de la diplomatie, Dmytro Kouleba.
La Finlande sévit dès le 1er septembre
Frontalière de la Russie, la Finlande traite quelque 1.000 demandes de visas par jour. Elle a décidé de réduire à 10% de ce volume le nombre de documents délivrés aux touristes russes à compter du 1
er septembre.
Depuis la fermeture de l'espace aérien européen à la Russie, les Russes sont toujours plus nombreux à transiter par la Finlande frontalière, munis de visas Schengen de court séjour (90 jours par période de 180 jours).
Pour la première ministre finlandaise, Sanna Marin, "
il n'est pas juste que les citoyens russes puissent entrer en Europe, dans l'espace Schengen, faire du tourisme (...)
pendant que la Russie tue des gens en Ukraine."
(Re)voir : Que signifie l'arrivée de la Suède et de la Finlande dans l'OTAN ?
Les Russes, les plus demandeurs de visas européens
Au total, les 26 pays de l'espace Schengen ont reçu, en 2021, trois millions de demandes de visas de court séjour toutes catégories confondues (tourisme, études, voyages d'affaires...). Avec 536.000 demandes, les Russes étaient les plus nombreux.
Depuis le début de l’invasion en février, à l'instar de la République Tchèque, les pays baltes et la Pologne ont durci leur régime de visas pour les Russes à des degrés divers (arrêt total ou pour les seuls touristes), avec des exceptions (études, raisons familiales, humanitaires, médias d'opposition...).
L'Estonie estime, pour sa part, que "
visiter l'Europe est un privilège, pas un droit humain."
"
Il ne peut être question de tourisme comme à l'ordinaire pour les citoyens russes", a appuyé le ministre des Affaires étrangères tchèque, Jan Lipavsky, dont le pays occupe la présidence tournante de l'UE.
En l'absence d'unanimité entre les Vingt-Sept, requise pour des sanctions, la Lituanie a évoqué "
une solution régionale" qui associerait les Etats Baltes, la Pologne et la Finlande.
(Re)voir : Ukraine : l'Union européenne impose de nouvelles sanctions à la Russie
"Une mauvaise idée" pour Josep Borell
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, affiche une position plus nuancée. Selon lui, une limitation des visas touristiques pénaliserait "
tous les gens qui fuient la Russie parce qu'ils sont en désaccord avec le régime russe".
Le chef de la diplomatie de l'Union, Josep Borrell, est du même avis. "
Interdire à tous les Russes d'entrer en Europe n'est pas une bonne idée", s’est-il prononcé.
Quant à la Commission européenne, elle insiste sur la nécessité de protéger, pour des raisons humanitaires, les dissidents, les journalistes et les familles. Elle signale que les demandes doivent être examinées au cas par cas.
Une mesure "contraire à la liberté de mouvement"
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L'UE se contredirait. Cette mesure est contraire à la liberté de mouvement et à la politique de sanctions qu'elle a suivie jusqu'à présent en affirmant qu'elle n'est pas contre le peuple russe mais contre le régime", souligne Cyrille Bret de l'Institut Jacques Delors.
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Moins de 30% des Russes détiennent un passeport et leurs premières destinations de voyage sont la Turquie, l'Egypte et les Emirats arabes unis", rappelle Marie Dumoulin, experte du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR). Cette dernière pointe "
une dangereuse erreur d'analyse."
Elle ajoute qu’une "
une interdiction aura exactement l'effet inverse de celui recherché : en stigmatisant l'ensemble des Russes, on alimente la propagande du Kremlin qui depuis des années, et en particulier depuis l'offensive en Ukraine, dénonce la russophobie supposée des Occidentaux.
L'UE doit conserver des relais avec la société civile et ne pas l'isoler dans un bocal entièrement contrôlé par le régime."
(Re)voir : Ukraine : les sanctions européennes contre la Russie sont-elles un leurre ?