Fil d'Ariane
Les Etats membres et le Parlement européen vont prochainement entamer des négociations qui s'annoncent ardues sur une réforme du système d'asile dans l'UE, après un accord emporté de haute lutte jeudi 8 juin entre les ministres de l'Intérieur à Luxembourg. Quels sont les principaux points de cet accord ? Etat des lieux.
Des membres d'une unité navale italienne sauvent des migrants en Méditerranée, le 3 mai 2015. @Marine italienne via AP
L'accord oblige les pays membres à mettre en place des centres aux frontières extérieures de l'Union européenne (aux frontières terrestres, ou aux aéroports, notamment) pour les migrants ayant peu de chances statistiquement d'obtenir l'asile. Le but étant qu'ils n'entrent pas sur le territoire de l'UE. Leurs demandes d'asile y feraient l'objet d'un examen accéléré, afin de faciliter leur renvoi vers leur pays d'origine ou de transit. La procédure totale (examen + renvoi) devrait durer six mois maximum.
Le Parlement européen prévoit de son côté que cette procédure ne soit pas obligatoire.
Les procédures aux frontières extérieures s'appliqueront aux migrants en provenance de pays pour lequel le taux de reconnaissance du statut de réfugié, en moyenne dans l'UE, est inférieur à 20%. Cela concerne par exemple les ressortissants de Turquie, d'Inde, de Tunisie, de Serbie ou d'Albanie.
La majorité des demandeurs d'asile - par exemple de Syrie, d'Afghanistan ou du Soudan - auront droit à une procédure ordinaire. En 2022, environ 966.000 demandes d'asile ont été déposées dans l'UE.
Selon l'accord trouvé entre Etats membres, 30.000 places devraient être créées dans toute l'UE dans le cadre de cette procédure, afin d'accueillir à terme jusqu'à 120.000 migrants par an. Des structures de ce type existent déjà dans un certain nombre de pays.
Oxfam dénonce la volonté de l'UE d'enfermer des demandeurs d'asile, "notamment des enfants, dans des sortes de prisons aux confins de l'Europe". Mais la Commission européenne souligne qu'une procédure rapide est "plus humaine", en évitant que des migrants ne se retrouvent dans des situations d'incertitude prolongée.
Les mineurs non accompagnés ne seront pas concernés par la procédure frontalière, sauf cas particuliers. En revanche l'Allemagne n'a pas réussi à imposer sa demande d'exceptions pour les familles avec enfants. Ce sera un point de discussion avec le Parlement, qui prévoyait que les familles avec enfants de moins de douze ans passent par une procédure classique.
L'Italie, la Grèce et l'Autriche souhaitaient que les migrants dont la demande d'asile est jugée irrecevable puissent être renvoyés vers des pays tiers qu'ils considèrent comme "sûrs", comme la Tunisie ou l'Albanie, même en l'absence de liens particuliers (famille, travail...) entre le migrant et ce pays. Une idée qui rencontrait l'hostilité de l'Allemagne, ainsi que de la France. Le compromis trouvé prévoit qu'il revient à chaque Etat membre d'apprécier si le simple transit par un pays constitue un lien suffisant.
Les Etats membres n'ont jusqu'à présent pas réussi à se mettre d'accord sur une liste commune de "pays tiers sûrs".
La proposition agréée par les Vingt-Sept consacre une solidarité obligatoire mais flexible entre les Etats membres dans la prise en charge des demandeurs d'asile.
Les Etats membres seraient tenus d'accueillir chacun un certain nombre de ces demandeurs arrivés dans un pays de l'UE soumis à une pression migratoire (en fonction de leur population et de leur PIB/habitant), ou à défaut d'apporter une contribution financière.
L'accord prévoit au moins 30.000 relocalisations par an de demandeurs d'asile (depuis des pays sous pression migratoire vers d'autres pays de l'UE). La compensation financière prévue est de 20.000 euros pour chaque demandeur d'asile non relocalisé. Ces sommes seraient versées sur un fonds géré par la Commission et destiné à financer des projets liés à la gestion de la migration.
La Pologne et la Hongrie, qui avaient refusé de prendre des quotas de demandeurs d'asile au moment de la crise de 2015, ont voté contre l'accord jeudi soir. Le Premier ministre hongrois, le nationaliste Viktor Orban, l'a jugé "inacceptable".
Les Verts et The Left (gauche radicale) au Parlement européen accusent de leur côté les Etats membres d'avoir "cédé à l'extrême droite".
Ce ne sont pas des décisions faciles pour tous ceux qui sont autour de la table, mais ce sont des décisions historiques.
Nancy Faeser, ministre allemande de l'Intérieur
La commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson s'est réjouie d'une "étape très importante" pour le Pacte sur l'asile et la migration, présenté en septembre 2020.
La commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, arrive pour une réunion des ministres de l'intérieur de l'UE au Conseil européen de Bruxelles le 9 mars 2023. @AP Photo/Virginie Mayo.
La question de la réforme du système d'asile est revenue en haut de l'agenda des 27, avec une hausse des arrivées de migrants dans l'Union depuis la fin de la pandémie et alors que quelque quatre millions d'Ukrainiens sont réfugiés dans l'UE. La tendance est à une politique migratoire de plus en plus restrictive, dans un contexte où l'extrême droite a engrangé récemment des succès électoraux dans plusieurs pays membres.