Israël - Gaza

UNRWA : à quoi sert l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens et que lui reproche-t-on ?

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unrwa au liban

Des enfants palestiniens photographiés dans la cour d'une école de l'UNRWA. Sidon, Liban, mardi 12 septembre 2023. 

AP/Mohammed Zaatari
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Vendredi 26 janvier, l’UNRWA, l'organisation onusienne pour les réfugiés palestiniens, a annoncé se séparer de plusieurs de ses employés. Ils sont accusés d'être impliqués dans l'attaque du Hamas perpétrée en Israël le 7 octobre. Suite à ces révélations, l'État juif a promis des représailles et plusieurs pays donateurs ont décidé de suspendre leur financement. 

C’est une organisation au coeur de la distribution de l'aide aux civils de la bande de Gaza. Vendredi, l'UNRWA a indiqué que "plus de 2 millions de personnes à Gaza dépendent d'une aide vitale que l'agence a fournie depuis que la guerre a commencé". 

Mais depuis le vendredi 26 janvier, l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) est touché par un scandale. Plusieurs de ses employés sont accusés d’être impliqués dans les attaques perpétrées par le Hamas en Israël, le 7 octobre 2023. Selon les États-Unis, sur la base d'informations des autorités israéliennes, douze employés sont visés par ces accusations. Les faits reprochés n'ont pas été précisés.

"Les autorités israéliennes ont fourni à l'UNRWA des informations sur l'implication supposée de plusieurs de ses employés" dans l'attaque, indique un communiqué daté du 26 janvier 2024 du chef de l'agence, Philippe Lazzarini. "Pour protéger les capacités de l'agence à délivrer de l'aide humanitaire, j'ai décidé de résilier immédiatement les contrats de ces membres du personnel et d'ouvrir une enquête", a-t-il aussi indiqué. "Tout employé qui a été impliqué dans des actes de terrorisme devra en répondre, y compris à travers des poursuites judiciaires."

Le chef de l'ONU appelle à garantir la poursuite des opérations de l'UNRWA

Le secréataire général des Nations unies Antoniuo Guterres a appelé dimanche à garantir la poursuite des opérations de l'agence pour les réfugiés palestiniens (Unrwa). M. Guterres a confirmé que 12 employés de l'Unrwa étaient concernés par ces "accusations extrêmement graves" qui font l'objet d'une enquête interne de l'ONU. L'agence s'est séparée de neuf d'entre eux, un est "confirmé mort", et les identités de deux autres sont "en train d'être clarifiées", a-t-il précisé.

"Les présumés actes abjects de ces employés doivent avoir des conséquences" mais ne devraient pas pénaliser "les dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui travaillent" pour l'agence, a-t-il souligné.

A New York, Antonio Guterres a appelé les pays donateurs ayant suspendu leur financement à l'Unrwa à "au moins garantir" la poursuite de ses opérations, essentielles dans le petit territoire assiégé et surpeuplé. "Deux millions de civils à Gaza dépendent de l'aide critique de l'Unrwa pour leur survie au quotidien mais le financement actuel de l'Unrwa ne lui permettra pas de répondre à tous les besoins en février", a-t-il insisté.

Colère d’Israël et défense palestinienne

Face à cette polémique, Israël a promis d'en finir avec l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Samedi 27 janvier, Israël Katz, le chef de la diplomatie israélienne a déclaré que l'UNRWA n'avait plus d'avenir dans la bande de Gaza”. Le gouvernement israélien veut également s'assurer qu'elle "ne fera pas partie" de la solution après la guerre, a indiqué Israël Katz, espérant "faire cesser" toutes les activités de l'agence. Le ministère israélien des Affaires étrangères a exigé un "examen interne profond des activités du Hamas et d'autres organisations terroristes" au sein de l'UNRWA.

Le Hamas a pour sa part demandé dans un communiqué "aux Nations unies et organisations internationales de ne pas céder aux menaces et au chantage", accusant Israël de vouloir "couper les fonds et priver" les Gazaouis de toute aide internationale. Le ministre des Affaires civiles de l'Autorité palestinienne, Hussein al-Cheikh, a quant à lui appelé les pays qui retirent leur soutien à l'UNRWA à "revenir immédiatement sur leur décision". L'agence, a-t-il martelé, a "besoin d'un soutien maximal (...) et non qu'on lui coupe soutien et assistance".

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Une aide fondamentale depuis 1949

L'UNRWA est établie fin décembre 1949 par l'Assemblée générale de l'ONU après le premier conflit arabo-israélien qui éclate au lendemain de la création d'Israël, en mai 1948.

L'agence a pour mandat de fournir une assistance humanitaire et une protection aux réfugiés palestiniens enregistrés dans la zone d'opérations de l'Agence, "dans l'attente d'une solution juste et durable à leur situation". En 2022, les fonds provenant du budget ordinaire des Nations unies et les contributions d'autres entités onusiennes pour l’UNRWA s'élevaient à 44,6 millions de dollars.

Qui sont les dix principaux donateurs de l'UNRWA ?

- États-Unis : 344 millions de dollars
- Allemagne : 202 millions de dollars
- Union européenne : 114 millions de dollars
- Suède : 61 millions de dollars
- Norvège : 34 millions de dollars
- Japon : 30 millions de dollars
- France : 29 millions de dollars
- Arabie Saoudite : 27 millions de dollars
- Suisse : 26 millions de dollars
- Turquie : 25 millions de dollars
source : UNRWA 2022

L'agence onusienne intervient dans les territoires palestiniens mais aussi au Liban, en Jordanie et en Syrie. Quelque 5,9 millions de Palestiniens sont enregistrés auprès de l'UNRWA et peuvent bénéficier de services qui englobent éducation, soins de santé, services sociaux, infrastructures des camps, microfinance et aide d'urgence, y compris en période de conflit armé.

Il existe au total une soixantaine de camps de réfugiés gérés par l'agence onusienne, dont 19 en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967. Plus de 540.000 enfants étudient dans les écoles de l'UNRWA.

L’UNRWA à Gaza 

Plus de 700.000 Palestiniens ont été expulsés ou ont fui leurs terres entre avril et août 1948 au moment de la création d'Israël, selon l'ONU. Ces personnes, ainsi que leurs descendants, ont le statut de réfugiés. L'UNRWA devient alors le seul garant par défaut de leur statut international.

Dans la bande de Gaza, où le Hamas a pris le pouvoir en 2007, la situation humanitaire était déjà critique avant le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste. 

Selon des données de l'ONU datant d'août dernier, 63 % des habitants souffraient alors d'insécurité alimentaire et dépendaient de l'aide internationale. Plus de 80% vivaient sous le seuil de pauvreté.

Le petit territoire, coincé entre Israël, mer Méditerranée et Égypte, compte huit camps et environ 1,7 million de réfugiés, soit l'écrasante majorité de la population, selon l'ONU.

La population totale de Gaza compte environ 2,4 millions de personnes.
Sur les 30.000 personnes employées par l'UNRWA, 13.000 officient dans la bande de Gaza, réparties dans plus de 300 installations sur un territoire de 365 km2, selon le site de l'organisation.
source : UNRWA

Des pays financeurs suspendent leurs aides

Suite aux révélations faites sur l'implication présumée de plusieurs agents onusiens dans l’attaque du Hamas du 7 octobre, Washington a annoncé suspendre "temporairement" tout financement additionnel à l'UNRWA.

Les États-Unis "sont extrêmement préoccupés par les accusations selon lesquelles 12 employés de l'UNRWA pourraient avoir été impliqués dans l'attaque (...)", a aussi indiqué le porte-parole du département d’État, Matthew Miller,  dans un communiqué. Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, s'est entretenu avec le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres afin de "souligner le besoin d'une enquête rapide et approfondie sur cette question".

Les États-Unis, principal contributeur, avaient déjà retiré leur financement sous l'administration Trump, qui avait jugé ses activités "irrémédiablement biaisées". L'arrivée de Joe Biden lui avait offert une bouffée d'air frais, avec le rétablissement annoncé en 2021 d'une aide de 340 millions de dollars.

Dans le sillage de Washington, au moins six pays ont suspendu en vingt-quatre heures tout financement futur à l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens. À savoir la Finlande,  l'Australie, le Royaume-Uni, l’Italie, et le Canada. "Si ces accusations sont avérées, le Canada s'attend à ce que l'UNRWA agisse immédiatement contre ceux identifiés comme ayant été impliqués dans les attaques terroristes du Hamas", a notamment déclaré le ministre canadien du Développement international Ahmed Hussen, précisant qu'Ottawa restait "profondément préoccupé par la crise humanitaire à Gaza et continue d'appeler au passage rapide, durable et sans entraves de l'aide essentielle".

Dans le viseur d'Israël

L’UNRWA est dans le viseur des autorités israéliennes depuis longtemps. L'agence est régulièrement accusée par Israël de corruption et de collusion avec le Hamas, ce dont elle se défend systématiquement. 

Avant ces accusations, les relations entre Israël et l'UNRWA s'étaient dégradées ces derniers jours. L’ONU a accusé deux chars israéliens d'avoir tiré le 24 janvier sur un centre de formation de l'UNRWA à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Transformé en abri depuis le début de la guerre, il sert de refuge à des dizaines milliers de personnes déplacées. Treize personnes ont été tuées et plus de 56 blessées, dont 21 dans un état critique dans ces frappes, selon l'agence.

Philippe Lazzarini, le chef de l'UNRWA, avait dénoncé une "violation flagrante des règles fondamentales de la guerre". L'armée israélienne avait de son côté annoncé un "examen approfondi" de ses opérations dans la zone concernée, sans écarter la possibilité d'une frappe du Hamas. L'armée israélienne est la seule force dans la bande de Gaza à déployer des chars.