Fil d'Ariane
Après Facebook et ses 11 000 suppressions de postes annoncées, Snapchat ou encore Twitter, le géant du web Amazon s’apprête à licencier 10 000 employés, affirme le New York Times ce lundi 14 novembre. Comment expliquer la crise qui agite l'univers de la tech, pourtant prospère depuis des années ?
Cela représenterait un peu moins de 1% de la masse salariale actuelle du groupe. Amazon se prépare à licencier environ 10 000 employés, d'après le New York Times, dans un article paru le lundi 14 novembre. Le géant de la tech compte près 1,54 million d'employés dans le monde au mois de septembre. C'est sans compter les travailleurs saisonniers, recrutés en période d'activité accrue comme les fêtes de fin d'année. Selon les informations du quotidien américain, les postes visés par les réductions d'effectifs seront situés dans le département des appareils électroniques équipés de l'assistant vocal Alexa ou encore les liseuses Kindle et aux ressources humaines.
Si le nombre de 10 000 suppressions de postes était confirmé, il s'agirait du plan social le plus important de l'histoire de l'entreprise. Contacté lundi 14 novembre par l'AFP, Amazon n'a pas réagi dans l'immédiat. Mercredi dernier, Meta, la maison mère du réseau social Facebook, a annoncé la suppression de 11 000 emplois, soit environ 13% de ses effectifs.
Nous affrontons un environnement macro-économique instable, une concurrence accrue, des problèmes de ciblage publicitaire.
Mark Zuckerberg, patron de Meta fin octobre, pendant la conférence aux analystes.
Fin août, c’est Snapchat qui avait supprimé environ 20% de ses effectifs, soit plus de 1 200 employés. Twitter, fraîchement racheté par Elon Musk, a pour sa part congédié environ la moitié de ses 7 500 salariés.
Le modèle économique des grandes plateformes est fondé sur la publicité. Face à l’inflation et la hausse des taux d’intérêts, les marques et les entreprises réduisent leurs dépenses de publicité sur les réseaux sociaux.
Si les marques et les entreprises dépensent moins d’argent pour faire leur publicité, les revenus des GAFAMs (acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) diminuent automatiquement. Et avec la concurrence d'autres plateformes, à commencer par TikTok, les annonceurs se tournent aussi vers d’autres plateformes. Meta a ainsi vu son bénéfice net fondre à 4,4 milliards de dollars au troisième trimestre (-52% sur un an).
À (re)voir : États-Unis : Facebook en pleine tourmente devient "Meta"
"Nous affrontons un environnement macro-économique instable, une concurrence accrue, des problèmes de ciblage publicitaire, a tenté d’expliquer Mark Zuckerberg fin octobre à l'occasion d'une conférence.
Cette situation contraste avec celle de la période de pandémie, dont le secteur de la tech avait largement profité. "Meta fait face à la dure réalité post-pandémie, comme de nombreuses autres entreprises”, commente Debra Aho Williamson via l'AFP, analyste principale d'Insider Intelligence, un institut de recherche sur le marketing des médias sociaux.
Meta a embauché et s'est lancée dans de nouveaux projets en croyant que les recettes publicitaires resteraient élevées.
Debra Aho Williamson, analyste principale d'Insider Intelligence.
“Meta pensait que la croissance du commerce en ligne continuerait dans la durée”, argumente Debra Aho Williamson. “Elle a embauché et s'est lancée dans de nouveaux projets en croyant que les recettes publicitaires resteraient élevées", ajoute-t-elle. En un an, Meta a perdu près de 600 milliards de dollars de capitalisation boursière.
À (re)lire : Que sont les "métavers", la nouvelle expérience web de Facebook ?
La société inquiète les marchés depuis le début de l'année. Elle avait annoncé pour la première fois avoir perdu des utilisateurs sur son réseau social d'origine, Facebook.
Les investissements coûteux en vue de construire le metavers, présenté comme l'avenir d'internet, ne rassurent pas non plus les investisseurs. Ils doutent de la capacité du groupe à tirer des revenus significatifs de cet univers parallèle. Mais l'austérite ne concerne pas que les investisseurs. Face à la montée de l'inflation, les clients, aussi, sont eux plus regardant au sujet de leur panier de consommation technologique.
L'incertitude macroéconomique oblige les clients d'Amazon Web Services à contrôler davantage leurs coûts.
Brian Olsavsky, directeur financier d'Amazon.
Le plan social d'Amazon est aussi lié à une baisse de la demande sur plusieurs de ses services additionnels. Le nouveau service d’activité informatique (cloud), Amazon Web Services (AWS), affichait jusqu'ici une croissance et une profitabilité insolentes. Il a vu ses revenus augmenter de façon plus modérée cet été, grimpant de 27%, contre 39% il y a un an.
"L'incertitude macroéconomique oblige les clients d'AWS à contrôler davantage leurs coûts", rappelait Brian Olsavsky lors de la présentation des résultats du groupe fin octobre. Et Amazon tire la majeur partie de ses bénéfices sur cette activité. Le cloud pèse 12% à peine de son chiffre d'affaires global, mais réalise à lui seul la moitié des bénéfices.
Pour Twitter, c’est plutôt l’arrivée de son nouveau dirigeant, Elon Musk, qui est à l’origine des départs massifs de l’entreprise. Le fantasque entrepreneur prône en effet une vision de la liberté d'expression qui nécessite d'assouplir les règles de modération, pour en faire une plateforme où tout pourra être dit. Une politique qui n'est pas au goût de tous ses collaborateurs. Beaucoup ont choisi la désertion.
À (re)voir : Elon Musk, nouveau patron de Twitter : un projet et des craintes
Ils ne sont les seuls à s'inquiéter de ce tournant. La nouvelle législation de l'UE vient d'annoncer l'instauration d'une loi visant à encadrer davantage l'activité des plateformes des géants du web, dont l'application devrait être opérée "vers l'été 2023". Elle obligera notamment les plateformes à retirer tout contenu illicite dès qu'elle en a connaissance. La tech doit-elle se préparer à une nouvelle crise de son modèle ?