Vaincu ou vainqueur : dans quel état se trouve le Hezbollah ?

Meurtri par Israël pendant la guerre et contraint de se retirer du sud du Liban par un accord de cessez-le-feu entré en vigueur mercredi, le Hezbollah est désormais sous une pression sans précédent. Analyse.

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Le Hezbollah

Des militants du Hezbollah manifestent le 27 novembre à Beyrouth, quelques heures après le cessez-le-feu. 

AP
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La formation pro-iranienne demeure cependant un acteur incontournable sur la scène politique libanaise, même si des voix s'élèvent pour réclamer le démantèlement de son énorme arsenal.

Obligé par l'accord de cessez-le-feu de se retirer de la zone le long de la frontière avec Israël, il pourrait perdre sa principale raison d'être, la "résistance" contre Israël.

"Le Hezbollah est soumis à une pression sans précédent", estime Lina Khatib, analyste à Chatham House, interrogé par l'AFP. "Les termes du cessez-le-feu ouvrent la voie au démantèlement de ses capacités militaires".

La décision de la formation pro-iranienne d'ouvrir les hostilités avec Israël en octobre 2023 pour soutenir son allié palestinien, le Hamas, dans sa guerre à Gaza, lui a coûté très cher.

Israël a lancé le 23 septembre dernier une campagne massive de bombardements au Liban, tuant le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et plusieurs de ses principaux responsables.

Le groupe venait d'être ébranlé par une série d'explosions de ses appareils de transmission piégés, dont Israël a reconnu être à l'origine, qui a paralysé sa communication, tué des dizaines de membres et blessé des milliers d'autres.

Soldats israéliens

Images de soldats israéliens participant à un exercice d'évacuations de soldats blessés dans le nord du pays proche de la frontière libanaise. 

AP Photo/Ariel Schalit

Un Hezbollah, affaibli mais pas vaincu 

La formation a également perdu des centaines d'hommes au cours de la guerre, notamment depuis septembre, selon une source proche du Hezbollah.

"La guerre a sans aucun doute affaibli le Hezbollah militairement, avec des pertes importantes au niveau de sa direction et une capacité opérationnelle réduite", reconnaît Imad Salamey, qui dirige le département d'études internationales et politiques à l'Université libano-américaine (LAU). "Mais il n'a pas été vaincu", souligne-t-il.

L'armée israélienne, qui a lancé le 30 septembre une offensive terrestre, s'est heurtée à une résistance acharnée des combattants du Hezbollah dans les villages frontaliers. Cette résistance a été célébrée mercredi comme une "victoire" contre Israël par les partisans du Hezbollah sur les ruines de la banlieue sud de Beyrouth ou des villages du sud du Liban, ses bastions. 

Pour montrer qu'il contrôle le terrain, le parti a organisé des visites pour des médias dans le sud. Interrogé par l'AFP sur le démantèlement de son infrastructure militaire, un député du Hezbollah, Hassan Fadlallah, a assuré que son mouvement ne dispose pas de "bases" ou "d'armes visibles" dans le sud du Liban.

Mais personne, a-t-il dit, ne peut empêcher les membres du Hezbollah, originaires du Sud, de revenir chez eux. Seule formation à avoir conservé ses armes après la guerre civile en 1990, le Hezbollah dispose selon des experts d'un arsenal plus puissant que l'armée libanaise, dont des missiles de longue portée employés contre Israël.

L'accord de cessez-le-feu parrainé par Washington et Paris stipule qu'il doit se retirer du sud pour céder la place à l'armée libanaise. Ce texte reprend la résolution onusienne 1701 qui avait mis fin à la guerre de 2006.

Mais le Hezbollah avait par la suite reconstitué son arsenal et recommencé à afficher sa présence, notamment au moyen d'un important réseau de tunnels, selon les experts militaires.

L'implication cette fois de la France et des Etats-Unis dans la surveillance de l'accord pourrait dissuader le Hezbollah de faire pareil, selon un responsable politique s'exprimant sous anonymat.

Test de la présidentielle 

L'accord prévoit aussi une surveillance accrue des frontières du Liban avec la Syrie pour empêcher le Hezbollah de recevoir de l'aide de l'Iran, via la Syrie, et reconstituer son arsenal, selon les experts militaires.

Mais le Hezbollah "ne peut pas se transformer en un parti purement politique, car toute sa légitimité et son influence sont enracinées dans son rôle de mouvement de résistance armée", explique Imad Salamey.

Sur le plan interne, "le parti continuera d'utiliser son influence" pour agir sur la vie politique au Liban, dit-il.

Surtout qu'il s'appuie sur une large base populaire au sein de la communauté chiite et d'un puissant réseau d'institutions sociales et économiques, même s'il a été visé par Israël au cours des deux mois écoulés.

Et tandis que ses détracteurs haussent le ton, le Hezbollah pourrait faire preuve de "plus de flexibilité" dans certains domaines, juge l'analyste, comme sur l'élection présidentielle fixée pour le 9 janvier.

Dans un récent discours, le nouveau chef du Hezbollah Naïm Qassem promettait d'apporter "une contribution efficace à l'élection d'un président".

"Pour la première fois depuis que le Hezbollah domine la politique libanaise depuis près de deux décennies, le Liban a une occasion de reconfigurer sa politique interne pour se libérer de l'hégémonie du Hezbollah", estime Lina Khatib.

"Mais cela peut uniquement se produire à travers un véritable dialogue national inclusif, soutenu par la communauté internationale".