Benoît XVI parti du Vatican, que se passera-t-il dans les prochains jours au Saint-Siège ? Avec le retrait du Saint-Père, un nouveau pape sera élu lors d’un Conclave rassemblant les cardinaux du monde entier, qui placera l'un d'entre eux à un poste de pouvoir. A l’aube de cette élection, quelle influence la figure du pape garde-t-elle aujourd'hui hors des murs du Vatican ? Décryptage.
Benoît XVI s'en va. Joseph Ratzinger qui a choisi de se retirer de ses fonctions papales s’envole vers d’autres cieux. Loin du tumulte de sa vie à la tête du Vatican, il rejoint par hélicoptère le Castel de Gandolfo, la résidence d’été des papes. Un endroit où « Sa Sainteté Benoît XVI, pape émérite » va s’installer deux mois dans ses appartements au sein d’une villa à une trentaine de kilomètres de Rome. Il passera ensuite ses vieux jours dans l’enceinte du Vatican, au cœur d'un monastère avec vue sur la basilique Saint-Pierre. Là, il pourra s’adonner à une vie monacale faites de prières, entouré de ses deux secrétaires particuliers et des quatre laïques consacrées qui l’assistent au quotidien. Même si Joseph Ratzinger a dit vouloir se « cacher du reste du monde » , il n'en restera pas moins tout près de son successeur qui sera élu au cours d’un Conclave.
Conclave : mode d’emploi Dès vendredi 1er mars, le cardinal Angelo Sodano, doyen des cardinaux enverra les invitations à ses 117 collègues qui participeront aux « congrégations » dès la semaine prochaine. Ces réunions qui précèdent le Conclave permettent aux prélats d’établir le profil idéal du prochain pape. Normalement, il doit s’écouler entre 15 à 20 jours entre la date de vacance du siège pontifical - le 28 février 2013 - et la tenue du Conclave. Mais, cette fois, le pape a annoncé par un décret exceptionnel la possibilité d’anticiper la date de la réunion si tous les cardinaux sont arrivés. Une fois la date définitive établie, tous les cardinaux (au maximum 120) de tous les pays, âgés de moins de 80 ans se réunissent dans la chapelle Sixtine après avoir assisté à une messe Pro Eligendo. A l’intérieur, sous les fresques de Michel-Ange, tout se déroule à huis clos, comme l’indique le terme même de "Conclave", du latin cum clave, sous clef. Durant la session de vote, la chapelle ainsi que tous les lieux où circulent les cardinaux sont également fermés. La main sur les Évangiles, chaque cardinal doit prêter serment de garder le secret sur tout ce qui se passe pendant les élections. Toute violation du secret du vote est sanctionnée par l’excommunication. Tous moyens de communication et échanges avec l’extérieur sont interdits. Donc pas de Twitter pour les cardinaux et des brouilleurs d’ondes seront activés pour éviter l'utilisation de téléphones portables (voir notre encadré). Avant même de débuter, le prochain Conclave est entaché d'un débat sur les participants. Certains s'insurgent contre la présence de l'Irlandais Sean Brady, du Belge Godfried Danneels et de Roger Mahony taxé d’avoir couvert des prêtres accusés d’abus sexuels. Lundi 25 février 2013, le cardinal écossais Keith O'Brien, a de son côté démissionné de son poste d'archevêque après avoir décidé de ne pas participer au Conclave.
Habemus papam Il y a quatre sessions de vote maximum par jour. Les pactes sont interdits et les cardinaux n’ont pas le droit de voter pour eux-mêmes. Pour être élu, chaque candidat doit recueillir les deux tiers des voix. Si aucun accord n’est trouvé au bout de trois jours de vote, les sessions sont suspendues pendant toute une journée. Si ce vote ne désigne aucun pape, les cardinaux peuvent opter pour un autre mode de scrutin soit à la majorité absolue des suffrages, soit par un scrutin portant seulement sur deux noms. Meublée pour l’occasion, la chapelle Sixtine comporte une cheminée dans laquelle seront brûlés les bulletins de vote. Une fumée noire s’en échappe si aucun consensus n’a été trouvé. C'est la fumée blanche qui sera le signe d'un nouveau pape élu. Une fois le choix fait, le doyen des cardinaux demande au futur pape s’il accepte l’élection. Le nouveau pontife choisit alors son nom et il est déclaré sur la place Saint-Pierre de Rome : « Habemus papam » (nous avons un pape).
Annonce de l'élection de Benoît XVI
Trois questions à Sergio Romano, éditorialiste du quotidien italien, Il Corriere de la Sierra.
Après le Conclave, le nouvel élu prend possession du siège papal et de ses pouvoirs. Mais quels sont-ils aujourd'hui ? Quelle influence a ce chef religieux dans le monde en tant que chef d'État pontifical ? Réponses avec Sergio Romano, auteur de « La Foi et le pouvoir » et éditorialiste du quotidien italien, Il Corriere de la Sierra. En dépit des scandales de Vatileaks qui ont ébranlé le pape au sein du Vatican, le Saint-Père a-t-il toujours une influence hors des murs du Saint-Siège ? La question qu’il faut se poser est où garde-t-il cette influence ? Cela dépend beaucoup des continents. Il n’y a pas de doute que l’Église catholique, comme d’ailleurs les Églises protestantes aussi ont perdu une bonne partie de leur importance dans les sociétés européennes qui se sont beaucoup sécularisées. Le pape a certainement encore un rôle dans les sociétés catholiques de l’Europe et mais il est de loin beaucoup moins important qu’il ne l’était il y a 50 ans. Par contre, il y a une importance de l’Église en Afrique, en Amérique du Sud car la société n’est pas tout aussi sécularisée et il y a même un retour à la foi qui a été saisi par les Évangéliques. Ils ont soustrait une partie importante des catholiques à l’Église romaine, comme au Brésil par exemple. D’un point de vue politique, est-ce que la diplomatie du Vatican reste forte ? C’est une diplomatie habile, compétente, sérieuse mais cela est peut-être aussi une faiblesse. La diplomatie du Vatican est bonne mais le fait que le Vatican puisse avoir une diplomatie est contestée. C'est une Église qui est à la fois un État et une Église qui doit prêcher les vertus mais qui doit en même temps grâce à sa condition étatique avoir des diplomates qui ne peuvent être des diplomates, c’est-à-dire essayer de chercher des compromis dans toutes les questions difficiles à résoudre. Cela a toujours placé l’Église dans une sorte de contradiction virtuelle. L’Église est un État car elle a toujours été convaincue que la condition étatique lui permettrait de mieux défendre ses institutions, son activité missionnaire dans le monde. La diplomatie du Vatican est en principe au service de cette mission, elle n’est pas au service d’une mission temporelle, politique mais d’une mission religieuse. C’est le concept mais dans les faits, cela ne fonctionne pas toujours comme ça. La diplomatie est parfois obligée de faire des compromis, de se mettre d’accord avec des régimes qui ne sont pas particulièrement honorables, critiqués politiquement par des partis importants de l’opinion publique européenne mais l'Église doit quand même faire des accords pour protéger ses communautés catholiques. C’était le cas avec l’Irak de Saddham Hussein, la Syrie de Bachar al Assad. Tout cela l’expose à des critiques surtout dans les sociétés européennes. La figure du pape garde-t-elle un poids pour certains ?
Bien sûr en Italie, la papauté fait partie de l’État de la nation, il est évident que l’Église ait plus d’importance pour les Italiens, qu'en France ou en Allemagne. Le fait qu’il renonce à la papauté met en évidence son aspect humain mais il ne reste pas moins le vicaire du Christ pour les fidèles. Si la société européenne est composée de moins en moins de fidèles, il est évident qu’il y a aura une partie de cette société qui le considère plutôt plus comme un chef d’État, le chef d’une association importante à caractère religieux.
La fin d’@pontifex
Jeudi 28 février à 19h GMT, le départ de Joseph Ratzinger du Vatican sonnera aussi la fin de son compte Twitter en neuf langues (italien, espagnol, allemand, français, portugais, polonais, arabe et même latin) ouvert le 12 décembre 2012. En deux mois et demie, son compte a rassemblé quelque 2,5 millions de « followers ». Même s’il n’a pas été volontairement personnalisé, le compte de Benoît XVI serait semble-t-il trop rattaché à sa personnalité d'où la nécessité de le fermer. Au prochain pape désormais de décider de l'ouverture d'un nouveau compte Twitter. Plusieurs cardinaux, parmi les prétendants au siège papal, l'Américain Timothy Dolan, les Italiens Gianfranco Ravasi et Angelo Scola ainsi que le Brésilien Odilo Scherer sont les plus présents sur Twitter au sein de la hiérarchie de l'Église. Pendant le Conclave, les cardinaux devront garder le silence et ne pourront pas envoyer de tweets.