Vatican : premier anniversaire d'un Pape “normal“

En un an, le Pape François a beaucoup fait parler de lui. Le pontife qui se veut simple, souriant et proche des fidèles a aussi été élu pour reprendre en main l’Église après la démission de Benoît XVI. Revue de style papal et bilan de cette première année à la tête du Vatican avec Christophe Dickès, historien et auteur du Dictionnaire du Vatican, édition Robert Laffont (collection Bouquins).
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Vatican : premier anniversaire d'un Pape “normal“
Le Pape François le 2 octobre 2013 au Vatican © AFP
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Le premier Pape argentin de l'Histoire de la Curie fête ce jeudi 13 mars sa première année à la tête du Vatican. Loin des festivités ou de la foule, François s'est retiré dans une résidence religieuse hors du Saint Siège pour entamer les exercices spirituels du Carême. A 77 ans, Jorge Mario Bergoglio jouit d'une grande popularité parmi plus d'un milliard de fidèles catholiques dans le monde. Sur les réseaux sociaux (lire notre encadré) et dans les médias (élu personnalité de l'année 2013 par le magazine américain Time), le pape François séduit. Certainement, il doit ce rapprochement avec la communauté catholique à sa simplicité, lui qui ne vit pas dans l'appartement pontifical et a refusé d'arborer la croix en or et la petite cape rouge portées par ces prédécesseurs. Sa popularité ne masque pas non plus la raison pour laquelle il a été élu : réformer certains dossiers de l'église comme l'organisation de la Curie et les finances du Vatican. Des changements qui soulèvent quelques crispations au Saint Siège. L'historien Christophe Dickès revient sur les réformes entreprises par le Pape et sa popularité croissante depuis son élection l'année dernière.
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Le pape François ©AFP
Après cette première année de pontificat de François, peut-on parler de réforme en marche ou d’un nouveau souffle ? Un peu des deux. C’est sans aucun doute un nouveau souffle. Le pontificat de Jean-Paul II était celui de la visibilité, car il voyageait à travers le monde. Le pontificat de Benoît XVI a été celui de l’identité, de la pensée de l’Église. Et là, avec François, nous avons un pontificat de la maternité. Il accouche d’une vraie évangélisation, donne à l’Église une nouvelle image et un nouveau souffle même s’il faut avoir un peu de recul sur les événements. On pourra véritablement dire que les choses changent dans dix ans. Quels sont les dossiers auxquels le pape a pu s’attaquer cette année ? Sa priorité cette année a été la réforme de la Curie. En premier, il a créé un conseil de cardinaux appelé C8 ou G8. Puis, il a revu par deux fois les pouvoirs de l’autorité de l’information financière, cette structure d’audit créée en 2010 par Benoît XVI. Ensuite, il a créé deux commissions : l’une chargée d’étudier l’administration du Saint Siège, l’autre  de contrôler la Banque du Vatican. Il a aussi fait appel à des cabinets extérieurs d‘experts pour faire des audits internes à la fois sur l’administration, les finances et la communication. Un autre grand dossier a aussi été pris par le pape à bras le corps : la politique étrangère. Sur la Syrie, il y a un retour sur la scène diplomatique du saint Siège qui est évident. Évidemment, on ne pourra jauger les résultats de ces changements que dans le temps. Mais on peut dire que sur une année, il a déjà fait beaucoup de choses.
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Les papes Benoît XVI et François © AFP
Qu’en est-il de la pédophilie, l’homosexualité, le célibat des prêtres … Le pape François a créé une commission sur l’enfance, sur la pédophilie. Il a terminé le travail de Benoît XVI. Pour ce qui est des divorcés remariés,  on n’en est encore qu’à de la communication. Quant à l’homosexualité, il y a une différence. Il va condamner l’homosexualité mais il va accueillir les homosexuels. Mais je ne pense pas qu’il changera la doctrine. Pourquoi ? Parce qu’il a dit lui-même dans son avion du retour du Brésil quand une journaliste argentine l’a interpellé sur l’homosexualité et l’avortement. Il a répondu : « Je n’ai rien à changer, je suis fils de l’Église. Donc en fils de l’Église je dois obéir. » Dans son style, s’inscrit-il en héritier du populaire Jean-Paul II et en rupture d’un Benoît XVI plus austère ? Jean-Paul II a connu plusieurs étapes dans son pontificat. Il a été très critiqué par les médias comme le fût Benoît XVI qui se distinguait déjà de son prédécesseur en parlant d’autres choses : la vertu de la charité, de l’amour, de l’espérance et de la foi. Avec François, il y a un peu de Benoît XVI et de Jean-Paul II sur son côté populaire. Il n’y avait pas beaucoup de joie chez Benoît XVI car c’est un intellectuel et un sceptique par nature. Mais ce qui différencie vraiment François de Jean-Paul II, c’est l’idée qu’il ne veut pas faire des questions de morale une priorité de son pontificat. François veut montrer l’image d’une église joyeuse qui ne donne pas des leçons de morale, qui est exemplaire. François rayonne de joie mais ce n’est pas pour autant qu’il n’est pas un homme de pouvoir. Il a été élu pour changer les choses. Et il le fait en interne, dans le gouvernement et dans la communication de l’Église par ce sourire. Mais dans la doctrine, il ne va pas changer les choses. 
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Le pape et de jeunes fidèles ©AFP
Quelles sont ses qualités qui séduisent les fidèles ? Sa proximité. Il fait « curé du monde » (comme le définit son secrétaire particulier Alfred Xuereb, ndlr). On va très facilement critiquer Benoît XVI alors qu’il a rassemblé 2 millions de jeunes à Madrid en pleine chaleur en 2011. Il y avait  une vraie popularité chez Benoit XVI. Là, très clairement la popularité de François passe à un niveau supérieur.  Il utilise des mots simples, est souriant, ne donne pas de leçons de morale, et puis, il a l‘air proche des gens. Il montre l’Église telle qu’elle n’a plus été depuis des décennies : proche des gens malades, de ceux qui souffrent. Chez François ce n’est pas un jeu de communication, c’est son cœur qui parle quand il sert dans ses bras des personnes handicapées. Et quand il se rend à Lampedusa en juillet 2013 pour rencontrer les migrants ? C’est clairement un coup politique. Mais il ne le fait pas pour lui mais pour les gens qui sont les victimes de l’immigration. Il sait très bien se poser face aux médias exactement comme le faisait Benoît XVI. Quand il rigole avec les journalistes quatre ou cinq jours après son élection, clairement, c’est un coup de maître. C’est là qu’il dit (le 16 mars 2013, ndlr) « J’aimerais une Église pauvre pour les pauvres ». Sauf que ce n’est pas dans le sens marxiste du terme mais dans celui « Je souhaite une Église populaire ».
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Le pape à Lampedusa en juillet 2013 © AFP
Comme vous  le souligniez plus haut, sa proximité et son apparente simplicité ne l’empêche pas donc pas d’être un homme à poigne ? Il a été choisi pour redresser l’Église. C’est un homme qui n’est pas "marrant". C’est un homme qui décide. François est un Pape dans l’action. Avant au Vatican, on créait quelque chose et on attendait trois ans. Généralement, on en tire un bilan positif parce qu’il y a peu de critiques au sein de l’Église. François est comme un chef d’entreprise qui travaille en mode projet. Il a un objectif et si à un moment il voit un problème, il le résout tout de suite et change sa politique. C’est par exemple pour cette raison qu’il a modifié par deux fois les statuts de l’autorité de l’information financière, une autorité d’audit interne au Vatican. Dans sa réforme de la Curie, sa priorité a été la question financière qui, désormais, relève de lui. La création du secrétariat de l’économie, c’est la création d’un ministère qui ne dépend plus que de l’autorité du pape et non plus du numéro 2 du Vatican. Et qui a le pouvoir de la finance a tous les pouvoirs ! Lui qui a mis en place beaucoup de collégialité, de décentralisation, on s‘aperçoit que son pouvoir pontifical se trouve renforcé tout simplement parce qu’il veut lutter contre les guerres de pouvoir, d’ego au sein de la Curie dominées par les Italiens depuis des siècles. L’Église est vraiment universelle avec ce pape argentin qui a d’abord une vision d’homme ayant toujours été loin de Rome. Ce n’est pas un ultramontain (un partisan du pouvoir du Pape), même s’il renforce les pouvoirs du pape en s’arrogeant la décision sur les pouvoirs financiers.
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Le pape proche de tous ses fidèles © AFP
Avec les différentes nominations qu’il a faites depuis le début de son pontificat, cherche-t-il à également mieux s’entourer ? Il y a avait un vrai problème de gouvernement au Vatican. Vous ne pouvez pas être à la tête d’1,3 milliard de catholiques si vous n’êtes entouré d’un conseil. Jean-Paul II n’en faisait qu’à sa tête. Il contournait toute la Curie qui lui mettait des bâtons dans les roues. Benoît XVI s’est attaqué à de gros dossiers comme la pédophilie et à la diplomatie russe. Ces deux papes agissaient quasiment seuls. Tandis que François, lui, veut s’entourer. Il ne peut pas avoir un avis universel, s’il n’est pas bien entouré. C’est ce que reprochaient beaucoup les cardinaux au précédent pontificat lors du conclave. C’est pour ça qu’il a créé un conseil de cardinaux. Mais ça n’empêche pas le principe monarchique. Avec son conseil consultatif de cardinaux, c’est bien le Pape français qui a le dernier mot. Ces changements apportés par le pape François peuvent-ils renforcer l’évangélisation ? Il y a un déchristianisation en Europe et en Amérique du Sud mais un développement du catholicisme en Asie, aux États-Unis et en Afrique. Qu’il y ait un nouveau souffle chez les catholiques occidentaux, principalement en Europe, ou qu’il y ait un renouveau en Amérique du sud, c’est fort possible. On commence à dire et à entendre que les confessionnaux se remplissent à nouveau, que les gens retournent à la messe.

Un an de pontificat

Un an de pontificat
13 mars 2013 : Élection de Jorge Mario Bergoglio, premier Pape d'Argentine. 16 mars 2013 : le Pape fait un souhait fort "Comme j'aimerais une Église pauvre et pour les pauvres." 26 mars 2013 : Le Pape décide de ne pas emménager dans l'appartement papal du Palais apostolique mais dans un simple appartement. 5 avril 2013 : François souhaite que l'Église catholique agisse de façon décisive pour déceler les abus sexuels contre les enfants perpétrés par des des prêtres et pour que les agresseurs soient punis. 13 avril 2013 : Pour sa première grande décision, le Pape nomme un conseil de huit cardinaux venant du monde entier pour l'aider à gouverner l'Église catholique. 26 juin 2013 : le Pape met en place une commission d'enquête pour réformer la Banque du Vatican. 8 juillet 2013 : Pour sa première sortie hors de Rome, le Pape François décide de se rendre à Lampedusa en Sicile pour commémorer la mémoire des centaines de migrants morts en voulant rejoindre les côtes européennes. 23 juillet 2013 : Premier voyage international au Brésil. Sur son vol de retour le 29 juillet, il déclare "Si une personne est gay et cherche Dieu, qui suis-je pour la juger ?" 24 février 2014 : le Pape met en place le Secrétariat à l’Économie et invite des experts privés dans le Vatican.

Au calendrier du Pape

Dimanche 27 avril 2014 sont prévues les canonisations e Jean-Paul II et de Jean XXIII. Samedi 24 au lundi 26 mai 2014 le Pape se rend en Palestine et en Israël.

Sur les réseaux sociaux

Sur les réseaux sociaux
Les comptes Twitter du Pape qui se déclinent en neuf langues sont suivis par des millions de personne. La version espagnole compte plus de 5 millions de "followers" (suiveurs), celle en anglais regroupe près de 4 millions de personnes, arrive ensuite la version française avec plus de 248 000 personnes.

En chiffres

Chiffres délivrés par le Vatican jusqu'à l'élection du pape François : En 2011, le monde compte 1.214 millions de fidèles contre 1.196 millions en 2010. La proportion de catholiques dans le monde entre 2010 et 2011 est restée autour de 17,5%. Leur nombre a augmenté de 4,3% en Afrique, de 2% en Asie, de 0,3% en Amérique et en Europe. Répartition de fidèles dans le monde :  Afrique 16%, Amérique 48,8%, Asie 10,9%, Europe 23,5% et Océanie 0,8%.