Fil d'Ariane
L’agence Bloomberg a récemment mis le Canada en deuxième position dans l’écosystème des batteries électriques, derrière la Chine mais devant les États-Unis. Une position qui ravit le ministre canadien de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, qui, depuis plus d’un an, parcourt le continent asiatique et européen pour vanter les atouts du Canada dans ce domaine. « On est parti de rien, on la bâtit de toutes pièces cette industrie. D’un côté, on avait des compagnies minières qui nous disait 'on va venir s’il y a des clients', et de l’autre, on avait les grands donneurs d’ordre, les manufacturiers automobiles qui disaient : 'nous on est intéressé mais ça prend les minéraux critiques', explique le ministre Champagne. Alors ce qu’on a réussi à faire, c’est du maillage : attirer les compagnies minières à faire plus et en même temps les grands donneurs d’ordre à venir chez nous ».
Selon le ministre, le Canada dispose de plusieurs atouts pour attirer les grands joueurs de l’industrie automobile : une main d’œuvre qualifiée et une réserve importante de minéraux critiques – ces précieux minéraux nécessaires à la production des batteries électriques, lithium, cobalt, nickel, graphite, manganèse.
Le Canada est également au centre de l’écosystème automobile en Amérique du Nord, avec le corridor Windsor – Detroit, où sont concentrées les grandes usines de constructions d’automobiles. Le Canada, via les accords commerciaux dont il est partie prenante, ouvre également l’accès aux marchés européen, asiatique et nord-américain : « Je dis toujours, le Canada ce n’est pas un pays de 38 millions d’individus mais un pays qui vous donne accès à 1,5 milliards de consommateurs dans les plus gros marchés du monde » assure François-Philippe Champagne. Le ministre met aussi de l’avant le fait que le Canada est un pays stable et démocratique et que quand on fait des investissements de milliards de dollars, cette stabilité est indispensable. « Le Canada a ce que l’économie du 21e siècle a besoin et c’est pour ça que vous me voyez avec mon bâton de pèlerin un peu partout dans le monde ! » s’exclame le ministre qui s’est en effet donné cette mission de mettre le Canada sur la carte dans ce marché en développement.
En 2022, le ministre Champagne a fait une tournée en Asie puis en Europe pour aller à la rencontre de Hyundai, Mercedes-Benz, Volkswagen, Mitsubitchi, Susuki et Subaru. Il dit avoir reçu un excellent accueil de la part des dirigeants de ces grands groupes automobiles : « Ce qu’on a réussi à créer, c’est cet engouement-là, les gens comprennent l’avantage comparatif du Canada. Que ce soit au niveau des semi-conducteurs ou des véhicules électriques, des batteries, le Canada doit faire partie de l’équation ».
Le ministre joue un rôle d’entremetteur en mettant en contact ces géants de l’industrie automobile et les entreprises canadiennes qui œuvrent dans ce nouveau marché. Les gouvernements canadien et québécois interviennent aussi en amont en versant des subventions de millions de dollars aux entreprises qui sont en train d’expérimenter de nouvelles technologies dans ce marché de l’électrification des transports. « Le gouvernement doit faire partie de l’équation, ses entreprises-là ont besoin d’un coup de main parce qu’on parle d’une grande transformation technologique » spécifie le ministre canadien.
Résultat : ce ne sont pas moins de dix entreprises canadienne qui vont investir plus de 15 milliards de dollars au cours des prochaines années, pour construire des véhicules électriques, produire des batteries, les recycler, ou extraire les matériaux nécessaires pour les produire.
La compagnie Lithion, fondée en 2018, est l’une de ces entreprises et elle a profité de ces subventions gouvernementales pour son usine pilote située dans l’est de l’île de Montréal. Lithion a mis au point une technologie de recyclage des batteries électriques qui permet de recycler 95% des batteries. « On part d'une batterie et l'objectif c'est de créer l'économie circulaire, on fait une première étape d'extraction et de broyage pour séparer certains métaux importants et après ça on va faire du raffinage pour ramener ces matériaux là à la bonne pureté et à la bonne forme pour retourner dans une nouvelle batterie. On parle de matériaux comme le lithium, le cobalt, le nickel essentiels à la fabrication d'une nouvelle batterie » explique Jean-Christophe Lambert, directeur croissance et développement des affaires chez Lithion. La compagnie veut s’insérer dans la filière des batteries qui est en train de se mettre en place au Canada et elle voit grand : une usine commerciale va ouvrir ses portes dans la région montréalaise cet automne. Lithion lorgne aussi du côté de l’étranger en prévoyant ouvrir une vingtaine d’usines dans le monde d’ici 2035. Lithion est déjà en affaires avec les constructeurs automobiles américain GM et sud-coréen Hyundai.
La compagnie, qui a fait breveter sa technologie, vend aussi des licences dans le monde : « Les besoins du marché sont mondiaux, ces batteries ont besoin d'être recyclées partout sur la planète, précise Jean-Christophe Lambert, donc on a choisi un modèle d'affaires d'octroi de licences où on vend l'utilisation de notre technologie à d'autres opérateurs ailleurs dans le monde pour accélérer le déploiement ». Une première licence a ainsi été conclue en Corée du Sud pour y ouvrir une usine.
Fait notable, Lithion a reçu la visite du Secrétaire d’État américain Anthony Blinken lors de son passage à Montréal en avril dernier et le ministre Champagne est aussi allé y faire un tour fin janvier.
Pour le ministre Champagne, c’est une sorte de nouvelle révolution industrielle que nous sommes en train de vivre : « une révolution numérique et une révolution verte, on est en train d’être au cœur de cette révolution-là de la mobilité verte, la mobilité électrique, c’est un nouveau modèle économique qui se met en place et on doit saisir cette occasion ».
François-Philippe Champagne n’a aucun doute : le Canada doit sauter dans le train qui passe : « C’est une opportunité générationnelle, les grandes décisions se prennent maintenant, je dirai d’ici les deux, trois prochaines années alors, ou on saute et on sera au cœur des grandes chaines d’approvisionnements, ou on passe notre tour » conclut le ministre.