Fil d'Ariane
Les deux camps auront une nouvelle occasion de mesurer leurs forces alors que lundi la Fédération médicale vénézuélienne (FMV) défilera en direction du ministère de la Santé en soutien à l'opposition, avant une Marche pour la paix convoquée mardi par le président Maduro.
Malgré les heurts et les gaz lacrymogènes, les adversaires du chef de l'Etat restent très mobilisés dans les rues, exaspérés par l'effondrement économique de leur pays.
Autrefois le plus riche de la région grâce à ses immenses réserves pétrolières, le Venezuela n'est plus que l'ombre de lui-même, gangréné par une grave pénurie d'aliments et médicaments, une inflation vertigineuse (720% cette année selon le FMI) et une forte criminalité.
"Nous avons à peine 3% de fournitures" médicales, explique à l'AFP Douglas Leon Natera, président de la FMV.
"C'est une situation chaotique. Nous allons manifester en raison de la faim, du manque de médicaments, de cet holocauste de la santé imposé par le gouvernement", ajoute-t-il.
Un récent reportage de l'AFP à l'hôpital public de Coche, dans la banlieue de Caracas, avait montré les effets dévastateurs de la crise sanitaire: manque d'antibiotiques et obligation de réutiliser les tubes respiratoires, odeurs pestilentielles, prolifération de mouches dans les couloirs.
Même quand il sont en bonne santé, les Vénézuéliens vivent un quotidien éprouvant, patientant des heures devant les supermarchés pour acheter à manger.
Tenant le gouvernement socialiste pour responsable, plus de 200.000 personnes ont manifesté samedi pour exiger des élections anticipées.
A Caracas, plus de 160.000 manifestants, selon l'opposition, ont tenté d'atteindre le ministère de l'Intérieur avant d'être dispersés par les forces de l'ordre.
A San Cristobal (ouest), plus de 40.000 personnes ont défilé, selon une estimation de l'AFP, malgré une situation tendue après le déploiement de 2.600 militaires consécutif à une série de pillages et d'attaques contre des installations de la police et de l'armée.
L'armée est justement le principal soutien - crucial dans le pays - de Nicolas Maduro, dont sept Vénézuéliens sur dix rejettent la gestion.
Mais "le fait que l'opposition continue de mobiliser dans la rue et que la communauté internationale poursuive sa pression sur le Venezuela pourrait générer des divisions au sein du gouvernement ou de l'armée, ou entre le gouvernement et l'armée", explique à l'AFP David Smile, analyste au Bureau de Washington sur l'Amérique latine (WOLA).
Un 48e mort depuis le début de cette vague de protestations a été annoncé dimanche par le parquet: un homme de 23 ans, décédé samedi soir après avoir été blessé par balle au cours d'une manifestation dans l'Etat de Trujillo (ouest).
L'ONG Foro Penal recense des centaines de blessés, quelque 2.200 personnes interpellées et au moins 161 incarcérées sur ordre des tribunaux militaires depuis le 1er avril, date des premières manifestations.
Le chef de l'Etat a lui accusé les anti-Maduro d'avoir été à l'origine d'une agression sauvage samedi contre un de ses partisans, Orlando Figuera, 21 ans, frappé, poignardé et grièvement brûlé en marge d'une mobilisation d'opposants, selon lui.
Cette attaque est semblable à celles "des terroristes de l'Etat islamique", a affirmé le président. Le parquet a ouvert une enquête.
Nicolas Maduro, dont le mandat s'achève fin 2018, continue d'accuser Washington d'orchestrer ces manifestations en vue de fomenter un coup d'Etat.
Le président "Donald Trump a ses mains infectées et plongées à fond dans cette conspiration, qui a pour objectif de prendre le contrôle politique du Venezuela", a affirmé dimanche le dirigeant socialiste.
"Occupe-toi de résoudre les problèmes des Etats-Unis, même ton propre peuple ne t'aime pas", a-t-il lancé à l'adresse de M. Trump.
Le chef de l'Etat a une nouvelle fois appelé l'opposition à "une table de dialogue pour la paix".
Cette option a été jusque-là fermement rejetée par les anti-Maduro qui exigent d'abord un calendrier électoral et s'agacent de son projet de réformer la Constitution, une manoeuvre selon eux pour s'accrocher au pouvoir.
Gouvernement et opposition, qui s'accusent mutuellement des débordements de violence lors des manifestations, avaient déjà tenté un dialogue fin 2016, en vain.