Aucune expérience politique n'est parfaite, et le Venezuela n'échappe pas à certain effets pervers de l'Etat providence socialiste pétrolier promu par Hugo Chávez et ses partisans. La classe moyenne vénézuélienne, qui représente désormais 50% de la population (elle-même constituée de 3% d'une classe moyenne supérieure, de 17% d'une classe moyenne classique et des 30% restants considérés comme composant la classe moyenne modeste) est partagée entre détestation de la politique "bolivarienne", doute et engouement. Le paradoxe, une nouvelle fois, est que cette population a accédé en grande partie à ce statut social grâce aux politiques d'éducation qui ont permis une augmentation de près de 200% des inscriptions à l'université entre 1998 et 2011. D'après les chercheurs de l'Institut National de Statistiques du Venezuela, les 17% de classe moyenne "classique" ne sont plus intéressés par les politiques de logements sociaux et d'aide alimentaire d'Hugo Chávez : elles se sont appropriées les valeurs et les attentes du haut de la pyramide sociale, désirent désormais autre chose que de l'aide, veulent progresser vers les couches supérieures par elles-mêmes. Les 3% de la classe supérieure (les plus riches) détestent Chávez ouvertement et veulent son départ, alors que les 30% de classe moyenne modeste sont indécis. Quant au reste de la population, il plébiscite Hugo Chávez. Au delà de la redistribution de la manne pétrolière aux couches les plus démunies, le gouvernement d'Hugo Chávez a assoupli certains mécanismes économiques normalement réservés aux politiques libérales : la TVA sur les véhicules a été supprimée, les taux d'emprunt sur l'immobilier abaissés, et par exemple les détenteurs de carte de crédit ont doublé en l'espace de 10 ans avec des taux d'intérêts de plus en plus faibles. Si la croissance a chuté au moment de la crise financière mondiale en 2008-2009, le Venezuela est revenu en 2011 à un taux de 4% de croissance. Mais les détracteurs de cette politique estiment que rien ne serait possible sans le pétrole, que l'économie vénézuélienne, les progrès sociaux ne sont qu'une fabrication artificielle de l'Etat. Cette vision des choses parfaitement juste, oublie une chose : la manne pétrolière n'est pas survenue avec l'arrivée d'Hugo Chávez et sa révolution bolivarienne. Entre 1978 et 1998, alors que pétrole coulait à flots (mais avec une chute du prix du baril), le chômage avait triplé pour atteindre 11,5% (il est de 7,8% aujourd'hui), le
PIB par habitant avait lui reculé de 18%, le salaire réel avait perdu près de 50% de sa valeur. Malgré cela, le secteur privé était parvenu à envoyer à l'étranger plus de 30 milliards de dollars entre 1984 et 1998. Les programmes du FMI les plus durs ont été mis en place à cette époque avec la révision des tarifs des services publics, les coupes des aides sociales, le privatisation des entreprises publiques qui ont engendré une paupérisation inouïe. Lorsque le FMI imposait sa politique d'austérité, la dette publique du Venezuela était de 45%. Elle est aujourd'hui de 25%. C'est une économie brisée qu'Hugo Chávez a dû gérer quand il est arrivé au pouvoir la première fois en 1998. La politique bolivarienne n'a pas ruiné l'économie, au contraire.