Le bras de fer au Venezuela entre l'opposant Juan Guaido et le président Nicolas Maduro se poursuit vendredi sous la forme insolite d'un duel de concerts : l'un pour demander l'entrée de l'aide humanitaire américaine dans le pays, l'autre pour dénoncer une agression des Etats-Unis.
Les deux événements auront lieu à la frontière colombienne, à quelque 300 mètres de distance, de part et d'autre du pont de Tienditas, reliant Cucuta, en Colombie, et Urena, dans l'Etat de Tachira (ouest du Venezuela), et bloqué depuis deux semaines par les militaires vénézuéliens.
"Venezuela Aid Live", le concert organisé à Cucuta par le milliardaire britannique Richard Branson, espère accueillir 250.000 spectateurs et récolter 100 millions de dollars de dons pour la population vénézuélienne.
C'est à Cucuta qu'est entreposé depuis le 7 février le gros de l'aide humanitaire américaine stockée aux portes du pays, que l'opposant Juan Guaido a promis de faire entrer samedi, malgré le refus du gouvernement qui y voit les prémices d'une intervention militaire des Etats-Unis.
Parmi les stars internationales attendues: les Espagnols Alejandro Sanz et Miguel Bosé, le Dominicain Juan Luis Guerra, les Colombiens Carlos Vives et Juanes, le Portoricain Luis Fonsi, ainsi que plusieurs célébrités vénézuéliennes. Le président colombien Ivan Duque et ses homologues chilien et paraguayen seront présents à l'événement, où 1.500 policiers et militaires seront déployés pour assurer la sécurité.
"Hands off Venezuela" (Pas touche au Venezuela), le contre-concert organisé côté vénézuélien à partir de vendredi et jusqu'à dimanche par le gouvernement, n'a pas encore divulgué ses têtes d'affiches.
Mais des cohortes d'ouvriers s'affairaient jeudi pour installer une vaste scène, a constaté l'AFP. "Les artistes qui se produiront en Colombie doivent savoir qu'ils commettent un crime, ils donnent leur aval à une intervention militaire", a prévenu Nicolas Maduro.
"Provocations"
Après la suspension des liaisons maritimes et aériennes avec l'île néerlandaise de Curaçao, autre point de stockage de l'aide, le chef de l'Etat a ordonné jeudi la fermeture "jusqu'à nouvel ordre" de la frontière terrestre avec le Brésil, où de l'aide doit également être entreposée.
Il a également menacé de fermer celle avec la Colombie face aux "provocations" et "agressions" de Bogota et de Washington. "La seule agression contre le Venezela c'est celle du régime illégitime de Maduro contre le droit des Vénézuéliens à la liberté et la démocratie", a répliqué le ministre colombien des Affaires étrangères, Carlos Holmes Trujillo.
Malgré la fermeture de la frontière avec le Brésil, un porte-parole du président brésilien d'extrême droite Jair Bolsonaro a écarté tout risque de "frictions" à la frontière avec le Venezuela.
De son côté, Juan Guaido, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays, a quitté jeudi la capitale avec des partisans pour se rendre par la route à la frontière colombienne, où il espère faire entrer l'aide humanitaire, avec le soutien de "caravanes" de volontaires. Se tenant éloigné de la presse, le chef de file de l'oppositon, parti dans un convoi de camionnettes aux vitres fumées, n'a fait aucune apparition publique au cours de la journée.
Suivi par l'AFP et d'autres médias, le convoi s'est scindé en deux sur le parcours et il était impossible de confirmer dans quel véhicule se trouvait M. Guaido. Un autre convoi d'autocars, transportant des députés d'opposition, s'est également mis en route jeudi.
La seule intervention de M. Guaido a été l'annonce sur Twitter de l'arrivée dans l'après-midi à Curaçao d'un chargement de vivres et de médicaments en provenance de Miami, et de l'envoi par le Chili de produits de première nécessité à Cucuta.
Le jeune opposant de 35 ans, qui a choisi pour l'entrée de l'aide la date symbolique du 23 février, un mois tout juste après s'être proclamé président par intérim du pays, a affirmé que l'aide entrerait "quoi qu'il arrive".
Il n'a eu de cesse d'appeler, en vain, les militaires à se ranger derrière lui. Le général Hugo Carvajal, ex-chef du renseignement militaire sous Hugo Chavez (1999-2013), recherché par les Etats-Unis pour narcotrafic, a reconnu Juan Guaido et appelé l'armée à rompre avec Maduro.
Onze représentant diplomatiques vénézuéliens aux Etats-Unis ont également apporté leur soutien à l'opposant, a affirmé l'opposition.