Une réunion internationale doit s'ouvrir dans quelques heures à Montevideo pour tenter de trouver une issue à la crise au Venezuela où le bras de fer entre le président Nicolas Maduro et le chef du Parlement, Juan Guaido, se concentre désormais sur l'arrivée de l'aide humanitaire. Filtrée pour l'heure par l'armée...
Yajaira Gonzalez pleure en espérant que Caracas entende sa supplique. Cette migrante vénézuélienne prie pour que le président Nicolas Maduro laisse entrer dans son pays l'aide humanitaire envoyée des Etats-Unis pour pallier la grave pénurie de nourriture et de médicaments.
Du côté colombien de la frontière, des centaines de Vénézuéliens attendent avec anxiété de voir passer l'aide annoncée par le gouvernement américain, et acceptée par l'opposant Juan Guaido, qu'une quarantaine de pays ont reconnu comme président intérimaire du Venezuela.
"Ce n'est pas comme vous dites, que nous allons bien. Nous n'allons pas bien président, nous allons mal!", lance à l'adresse de M. Maduro cette femme de 64 ans aux cheveux grisonnants. La crise économique l'a contrainte à fuir son pays, depuis l'état d'Anzoategui jusqu'à Villa del Rosario en Colombie.
A quelques mètres d'elle, des entrepôts ont été préparés par les autorités de Bogota pour accueillir aliments non périssables, médicaments et produits d'hygiène financés par le gouvernement du président Donald Trump, et qui devraient arriver aussi du Brésil et d'une île des Caraïbes encore à déterminer.
Au refus de M. Maduro de recevoir cette aide, qu'il considère comme un cheval de Troie en vue d'une intervention militaire que Washington n'a pas écartée, s'ajoute le blocage depuis mardi soir d'un pont frontalier, voie de passage présumée des convois à venir.
Deux conteneurs bleus et une citerne rouge ont été placés en travers des voies du large pont de Tienditas, qui relie les localités colombienne de Cucuta et vénézuélienne d'Ureña.
Cette infrastructure moderne, construite par les deux pays et terminée depuis trois ans, n'a jamais été inaugurée. Son ouverture a été reportée sine die suite à l'ordre de Nicolas Maduro de fermer la frontière de plus de 2.200 kilomètres fin 2015, et en dépit de la réouverture de cette frontière quelques mois plus tard.
Pénurie mortelle
Environ 35.000 personnes continuent donc d'emprunter chaque jour le vieux pont Simon Bolivar. Ainsi l'ingénieure Dajelys Lopez et son bébé nouveau-né dans sa poussette: elle espère trouver à Cucuta ce qui a disparu des magasins au Venezuela. Elle n'en peut plus de voir des proches mourir à cause de la pénurie, qui a jeté sur les routes de l'exil 2,3 millions de personnes depuis 2015, selon l'ONU. "Hier, un ami est décédé, paralysé, faute de médicaments", dénonce-t-elle, jugeant l'aide "excellente".
Bien que le ministre colombien des Affaires étrangères, Carlos Holmes Trujillo, ait affirmé que des avions d'aide humanitaire avaient déjà atterri dans le pays, le moment et la manière dont les produits seront acheminés de l'autre côté de la frontière restaient mercredi un mystère.
Bogota et Caracas n'ont plus de relations depuis 2017 et le président colombien Ivan Duque est à la tête de la pression diplomatique contre ce qu'il appelle la "dictature" de Nicolas Maduro.
Les autorités vénézuéliennes soulignent qu'elles n'autoriseront pas le passage de l'aide, tandis que Juan Guaido a appelé les militaires à faire preuve d'"humanité" en la laissant franchir la frontière.
Les experts coïncident sur le fait que cela met à l'épreuve la cohésion des forces armées, soutien de M. Maduro.
"Ils ont une responsabilité très importante, soit de continuer au côté d'une dictature (...) soit de se ranger du côté de la Constitution", a déclaré M. Guaido à Blu Radio de Bogota.
La guerre de déclarations de part et d'autre ne semblait rien changer à la routine de la frontière. Les policiers des deux côtés faisaient leurs patrouilles comme à l'accoutumée.
Apprenant que l'aide attendue serait seulement distribuée aux Vénézuéliens dans leur pays, les migrants rejoignaient les refuges installés pour eux par les autorités colombiennes.
"J'ai été chaviste! Mais je veux que la présidence change afin que nous les Vénézuéliens puissions vivre tranquilles", lance Yajaira Gonzalez, en larmes.