Fil d'Ariane
Son franc-parler irrite: le député socialiste Pedro Carreno, à l'origine de la demande de poursuites contre elle, exige son limogeage pour "démence", le gel de ses biens et une interdiction de quitter le pays.
C'est une "traîtresse", affirme le camp présidentiel. Une nouvelle "leader de l'opposition", dit le chef de l'Etat. Lors d'un récent briefing avec des correspondants étrangers, Nicolas Maduro l'a accusée d'"extrémisme", suggérant que la procureure "a l'intention d'être candidate présidentielle pour la MUD", la coalition de centre-droit regroupant l'opposition.
Pourtant, Luisa Ortega a toujours été de gauche. Proche d'Hugo Chavez durant sa campagne présidentielle en 1998, cette avocate de l'Etat d'Aragua (nord) sans enfant est devenue procureure en 2002. Promue procureure générale en 2007, elle a été reconduite en 2014 par le Parlement, alors contrôlé par les chavistes. On la connaît pour son rôle dans l'inculpation des policiers impliqués dans la tentative de coup d'Etat contre Hugo Chavez en 2002.
Luisa Ortega représente le chavisme digne, démocratique, face aux prétentions totalitaires du madurisme.
Nicmer Evans, politologue
Elle était aussi à l'œuvre dans la condamnation à près de 14 ans de prison du leader de l'opposition Leopoldo Lopez, pour incitation à la violence lors des manifestations anti-Maduro de 2014 (43 morts).
Juan Carlos Gutiérrez, avocat de M. Lopez, la définit comme "une femme affable et respectueuse", mais critique son travail: "Dans le cas de Leopoldo, le ministère public a agi de façon très irrégulière".
Luisa Ortega devait rester procureure générale jusqu'en 2021, mais le gouvernement comptait la faire partir le 30 juillet prochain, quand sera élue l'Assemblée constituante dotée de "super-pouvoirs". L'opposition refusant de participer à l'élection, la mainmise chaviste sur cette assemblée est quasi-assurée.
Pour le politologue Nicmer Evans, chaviste critique de M. Maduro, Luisa Ortega "représente le chavisme digne, démocratique, face aux prétentions totalitaires du madurisme". L'analyste Félix Seijas considère qu'elle peut constituer un "pont" entre la frange critique du chavisme et l'opposition. Un journaliste qui la connaît depuis 10 ans décrit une femme toujours élégante, "très futée" et douée d'"un grand flair politique".
Elle a dénoncé des menaces contre sa famille, rendant le gouvernement responsable de ce qui pourrait lui arriver. Pas de quoi lui enlever sa détermination: "Jusqu'à mon dernier souffle, je défendrai la Constitution", promet la procureure générale.