Fil d'Ariane
Propagande, appels à manifester, coups de gueule et conférences de presse… Au Venezuela les réseaux sociaux sont la caisse de résonance de la colère, qui éclate ensuite dans la rue, que ce soit du côté des partisans de Nicolas Maduro ou du côté des opposants. Twitter et Facebook ont presque remplacé les canaux traditionnels, et ce depuis longtemps.
C’est avec le mot dièse #28A que l’opposition appelle sur les réseaux sociaux à nouveau à manifester ce vendredi 28 avril. Un mot clé accompagné d’un autre : #TumbemosLaDictadura ou faisons tomber la dictature.
#28A Yon Goicoechea: 242 días privado de libertad. Abogado. Más info aquí: https://t.co/kaxHM7zKmV pic.twitter.com/iyFUxJsOcG #LiberenAYon
— Foro Penal (@PorHumanidad) April 28, 2017
"Cela fait 242 jours que Yohn Goicoechea est détenu. Il est avocat".
Depuis un mois, les pro et anti Maduro sont dans la rue. Ces derniers pour exiger de nouvelles élections, la libération des prisonniers politiques et manifester leur colère; les premiers pour soutenir “la révolution bolivarienne”. A chaque fois, c’est sur les réseaux sociaux que commencent les mobilisations et c’est aussi à travers ce canal qu’on peut les vivre.
@Sororita #EnCaracas #28A Otro grupos de personas desde el Helicoide exigen libertad de todos los Presos Políticos. pic.twitter.com/uB882D3C1n
— Guerrera Samurai 1 (@AveFenix32ve) April 28, 2017
"A Caracas, des manifestants exigent la libération de prisonniers politiques".
Lire aussi > Venezuela : le bilan des affrontements s'alourdit
Les deux camps s’évertuent à transmettre en direct via Facebook Live ou sur Périscope les mobilisations, les uns accusant les autres de commettre des actes de violence. Les opposants parlent de “répression”, les chavistes “de tentative de déstabilisation”. Des vidéos et des photos prises sur le vif envahissent les réseaux.
Une scène filmée et photographiée massivement par des amateurs et par des professionnels a marqué les esprits ces derniers jours : en plein milieu du chaos d’une manifestation, un jeune homme a confronté une voiture blindée entièrement nu en brandissant une bible pour demander de "cesser la répression". Sur sa peau, on aperçoit les traces des balles en caoutchouc utilisées par la police. Une icône christique.
Ainsi, une dame âgée faisant barrage aux véhicules de la police a été surnommée “grand-mère Tiananmen” en référence à cette célèbre photo où un homme seul empêcher l’avancée des chars en Chine en 1962.
Le revers de la médaille : le torrent de haine déversé des deux côtés. Insultes, calomnies, appels au meurtre, il n’y a pas de limites, y compris quand il s’agit de colporter de fausses informations. Twitter en somme ? Pas vraiment. Dans le cas du Venezuela, il ne s’agit pas de simples trolls -des militants cybernétiques très motivés et très hargneux- les personnalités politiques de premier plan du pays s’y mettent aussi. A commencer par le président de la République.
Presidente @NicolasMaduro: “En las próximas horas haré una comparecencia para mostrar todo el rostro horrible de la violencia de la derecha” pic.twitter.com/63ddK7Z03j
— Prensa Presidencial (@PresidencialVen) 27 avril 2017
"Dans quelques heures je m'exprimerai pour montrer le terrible visage de la droite".
Le fil Twitter du successeur de Chavez fait sa promotion, bien sûr, mais c’est aussi l’endroit où il rallie les chavistes et lance des appels à manifester “contre le coup d’Etat de la droite fasciste”, que prépare, selon lui, l’opposition avec l’aide des Etats-Unis. Députés et lieutenants du parti au pouvoir emboîtent le pas du président Maduro.
En face, mêmes procédés et même rhétorique outrancière. Le député Henri Ramos Allup : “Non seulement le narco-gouvernement vole l’avenir de nos jeunes mais aussi leurs vie. Le décès des jeunes comme Juan Pernalete [tué lors d’une manifestation] font mal au Venezuela”.
Narcogobierno no solo roba futuro a nuestros jóvenes sino q roba sus vidas. Muertes de jóvenes como Juan Pernalete duelen a toda Venezuela.
— Henry Ramos Allup (@hramosallup) 26 avril 2017
Mañana #28abr seguimos en la calle en paz ¡Todos para Ramo Verde! https://t.co/bvQ9IwPPvQ
— Lilian Tintori (@liliantintori) 28 avril 2017
Entre Internet et la rue, il existe une énorme porosité où les mêmes divisions abyssales entre les deux Venezuela se cristallisent, tout comme la violence d’une société au bord de l’implosion. Ce qui n’est pas nouveau. Ces usages remontent à l’essor des réseaux sociaux dans le pays, en 2010 environ. Depuis, les supports ont quelque peu évolué comme Whatsapp, le réseau de messagerie instantanée qui a gagné du terrain au détriment du tchat de Blackberry.
Si certains journaux et des médias audiovisuels ont été des cibles des menaces des autorités ou étranglés économiquement ou carrément censurés - comme le signale Reporters sans frontières - ni Twitter, ni Facebook n’ont été coupés pendant les moments de tension, contrairement à ce qui peut arriver dans d’autres pays. Ces canaux qui remplacent souvent les médias traditionnels et les techniques de militantisme conventionnels.