Venezuela : qui est Juan Guaidó, le président autoproclamé par intérim ?

Dans un pays où les derniers dirigeants avaient tous passé la cinquantaine, c'est Juan Guaidó, un jeune homme ambitieux de 35 ans, qui a réussi à rassembler autour de lui l'ensemble de l'opposition au régime du président Nicolás Maduro. Le 24 janvier il s'autoproclamait président par intérim. Portrait et témoignage de Jesus Gassette, l'un de ses compagnons de route.
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Juan Guaidó, président autoproclamé du Venezuela | AP PHOTO • F. LLANO
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Tout est finalement allé très vite pour Juan Guaidó. Ce trentenaire originaire de la région de Vargas aime à rappeler qu'"il sait ce que c'est d'avoir faim". Une référence à une période douloureuse, il y a 20 ans en 1999, après des glissements de terrain gigantesques qui ont décimé le littoral de Vargas dans le nord du pays. Il n'a que 15 ans, mais sortira indemne de cette tragédie qui coûtera la vie à des dizaines de milliers de personnes, selon la Croix-Rouge.

Une ascension programmée ?

Juan Guaidó est un étudiant très engagé. Il a participé à de nombreuses manifestations anti-Chavez, essuyant parfois les balles en caoutchouc tirées par les forces de l'ordre.

C'est pendant ses années post-adolescence qu'il fait la rencontre de figures montantes de l'opposition comme Freddy Guevara, ou Leopoldo López.

Aux cotés de Leopoldo Lopez, sorte de mentor de toute une génération, Guaidó sera un des fers de lance de Redes Populares (Réseau Populaire) qui s'appuie sur un modèle de parlement virtuel des jeunes de l'opposition, pour mieux planifier et coordonner les manifestations au niveau provincial et national. Nous sommes en 2007. C'est à partir de cette organisation que naîtra deux ans plus tard, Voluntad Popular (Volonté Populaire) qui est la continuité au sein d'un parti, du travail d'opposition effectué jusque-là.
Je suis un survivant. Pas une victime...
Juan Guaidó, président autoproclamé du Venezuela

Suppléant en 2010, Juan Guaidó, devient député de son fief de l'État de Vargas en 2015.

Marié à une journaliste (NDLR : Fabiana Rosales) Juan Guaidó, va d'ailleurs voir s'accumuler, à partir de cette année-là, tous les ingrédients favorisant son arrivée aux plus hautes fonctions du pays.

Sous l'impulsion de Nicolás Maduro, l'Assemblée nationale s'est vue retirer peu à peu ses prérogatives législatives au profit de l'exécutif. La première conséquence a été de davantage souder les quatre partis d'opposition contre un président qui ne gouvernait que par décret. 

Les partis d'opposition misent sur l'Assemblée nationale et lancent un système de présidence tournante sur un an. Et c'est le parti de Guaidó (Volonté Populaire) qui prend alors les commandes au sein de l'Assemblée nationale. Par décision interne du parti, Juan Guaidó, est désigné pour le poste de président.

Des opposants plus reconnus comme Freddy Guevara, ou Leopold López auraient pu prétendre à cette fonction. Mais l'un est, aujourd'hui, réfugié à l'ambassade du Chili à Caracas. L'autre est assigné à résidence.

Plus jeune président du Parlement de l'histoire

Qu'importe ! Les leaders ont joué auparavant, leur rôle de mentor, et ont formé les plus jeunes, pour assurer une continuité du combat quelque soient les aléas.

Ce père de famille est donc, pour beaucoup, un parfait inconnu, quand il devient, le 5 janvier dernier, le plus jeune président du Parlement de l'histoire du pays.
C'est "un gamin qui joue à la politique" dit de lui, Nicolás Maduro.

Un "gamin" qui s'est autoproclamé président par intérim le mercredi 23 janvier et a une feuille de route claire basée sur trois axes : mettre fin au pouvoir Maduro, créer un gouvernement de transition, convoquer une nouvelle élection présidentielle. Mais encore faut-il pouvoir faire partir Nicolás Maduro pour que la suite s'enclenche. 

C'est le grand défi de Juan Guaidó, qui ferait sans doute ses preuves aux yeux de la communauté internationale s'il parvenait à convaincre l'armée d'abandonner Nicolás Maduro, pour un départ pacifié du président sortant.

Jesus Gassette cet ingénieur de 36 ans, a été compagnon de route de Juan Guaidó. Il l'a connu dans des manifestations d'étudiants et co-fondateur avec lui du parti Volonté Populaire. 

Questions à ...

TV5MONDE : Est-ce que juridiquement, Juan Guaidó​ en tant que président de l'Assemblée nationale est légitime pour succéder au président Maduro en cas de vacance du pouvoir ?

Jesus Gassette : Parfaitement ! L'élection présidentielle du 20 mai 2018, n'était pas valable. Elle a avait été organisée en violant le calendrier électoral. La coalition de l’opposition avait alors boycotté le scrutin. Il n'a donc pas été reconnu par une partie de la communauté internationale. Dans ces conditions, l'intronisation d'un président du 10 janvier (NDLR : 2019) ne peut faire sens, car il est issu d’une élection qui n'est pas légitime.

Dès lors, selon l'article 233 de la Constitution, quand il y a vacance du pouvoir, c'est le président de l'Assemblée nationale qui devient président par intérim, avec obligation d'organiser un nouveau scrutin présidentiel dans les 30 jours.

Comment un homme qui a fait ses études aux États-Unis, a-t-il réussi à convaincre dans une société aussi bolivarienne dans son héritage ?

Son profil est l'un de ses atouts. Juan Gaidó est un jeune député. C'est un nouveau visage. Il n'a pas de passé de corruption. Il a cette capacité de synthèse. Il saisit les positions des uns et des autres, et a le talent de les rassembler. Un homme de consensus qui séduit autant les modérés que les radicaux. À un moment où le peuple avait un peu perdu confiance en une opposition anesthésiée, il apparaît comme une vraie alternative.

Est-ce qu'il a le profil d'un président qui pourrait ramener les talents de la diaspora, au pays ?

Vous prêchez un convaincu, évidemment. Vous savez, il y a au maximum cinq millions de Vénézuliens qui vivent à l'extérieur du pays. Si Juan (Guaidó) continue d'éveiller le sentiment démocratique du pays, il est évident que nos talents expatriés reviendront. Moi-même qui suis ingénieur, dans des domaines thermiques ou nucléaires, je suis prêt à mettre mon savoir-faire au service de mon pays. Mais il faudra d'abord stabiliser le pouvoir, par l'élection. Il faudra qu'il se présente à cette élection et qu'il la gagne.