Vente d'armes à l'Arabie saoudite : une livraison de munitions françaises fait polémique

Ce mardi 28 mai, le cargo saoudien Bahri Tabuk entrait au port de Marseille-Fos afin, selon le média d’investigation Disclose, d’y charger des munitions de canons français à destination de l'Arabie saoudite. Une information démentie par l'armateur du navire et le syndicat CGT des dockers. Une nouvelle polémique, après une affaire similaire au port du Havre il y a quelques semaines.
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Cargo Marseille
Le cargo Bahri Tabuk accoste au port de Marseille-Fos.
 
©AP Photo/Claude Paris
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La polémique n’en finit pas d’enfler depuis ce mardi 28 mai. Selon le média d’investigation Disclose, le cargo Bahri Tabuk se serait rendu au port de Marseille-Fos afin de récupérer des munitions. Destination finale : le port de Jeddah, en Arabie saoudite.

Ces munitions, qui sont en fait des charges explosives, sont indispensables à la propulsion des obus tirés par les canons Caesar de l’armée saoudienne. Le royaume est soupçonné d'utiliser ses armements contre des civils dans la guerre au Yémen où le pays est d'ailleurs accusé de crimes de guerre par l'ONU. 

Cette livraison ne serait pas la première du contrat "OASIS 6", prolongé depuis plusieurs années par l’Arabie saoudite pour se fournir en munitions produites par la France.

Une information du média d’investigation Disclose, démentie par l'armateur du navire qui a affirmé que "le navire va charger demain (mercredi 29 mai), pour le compte de l'entreprise allemande Siemens, des stations mobile d'électricité à usage civil, et cela représente 100 % de sa marchandise", ajoutant que "les informations sur un chargement d'armes ou d'explosifs sont complètement bidons".

De son côté, le syndicat CGT des dockers a, lui, publié un communiqué : "Les ouvriers dockers CGT du Golfe de Fos ne chargeront aucune arme, aucune munition pour quelle guerre que ce soit".
 

Des révélations qui dérangent

Au centre de cet imbroglio, une passe d’armes, mêlant médias et députés de l’Assemblée nationale. Car au mois d’avril, Radio France s’était associée au média Disclose afin de faire des révélations sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie saoudite, mais aussi aux Emirats Arabes Unis, qui impliquaient un précédent cargo saoudien.

S'ajoute à cela la publication récente, là aussi, par Disclose, d'une note des renseignements français consacrée à l'exposition des civils yéménites aux armes françaises. Des révélations qui ont valu au journaliste Michel Despratx d'être convoqué par la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) afin d'être interrogé avec d'autres confrères.

Une situation qui a dérangé, jusqu’au sommet de l’Etat et a mis l'Elysée, dont la communication a été plus que laborieuse, dans l'embarras.

Rétropédalage du gouvernement

Dans un premier temps, le gouvernement avait affirmé qu’aucune arme française n’était utilisée dans la guerre au Yémen contre les civils avant que la ministre de la Défense, Florence Parly, ne reconnaisse, le 8 mai, qu'un chargement d'armes "défensives"était prévu au Havre le 28 avril, sur un cargo saoudien. Une déclaration qui a provoqué une vague d’indignation en France.

Plusieurs manifestations et des blocages ont ensuite été organisés dans le port du Havre afin d’empêcher le chargement des armes. Malgré ses aveux et la pression populaire, mais aussi associative, le gouvernement a décidé de maintenir la livraison d’armes. Le navire a donc été dérouté avant de pouvoir pénétrer le port.

À lire aussi : Guerre au Yémen : de nouvelles armes livrées à l'Arabie saoudite ?


Marseille, une étape ?

Après Le Havre, c'est donc à Marseille, selon certaines rumeurs, alimentées par des responsables politiques tels que Jean-Luc Mélenchon (député de la quatrième circonscription des Bouches-du-Rhône) ou encore Samia Ghali (sénatrice des Bouches-du-Rhône), qu'un autre cargo, le Bahri Tabuk, devait accoster ce mardi.
Mais selon Disclose, les munitions n'auraient pas été chargées et se dirigeraient désormais vers une "destination inconnue"
 

Quid de la livraison des armes ?

Une information qui a donné lieu à des réactions indignées, jusque dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, où Florence Parly, a été interpellée. Face à la pression, la ministre des Armées a annoncé des vérifications, ajoutant : "Et quand bien même ce serait le cas, cela serait-il étonnant ? Non, car nous avons un partenariat avec l'Arabie saoudite". Un propos qui a déclenché la colère des députés La France Insoumise.
 

Si cette nouvelle tentative de livraison se confirme, c’est une nouvelle polémique d’ampleur à laquelle le gouvernement pourrait faire face. Car ses contradictions sont pointées du doigt : d'un côté, le terme de "sale guerre" a été utilisé par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian en parlant du Yémen au micro de France Inter ; de l'autre, la France continue à vendre des armes à des pays tels que l’Arabie saoudite, qui bafouent régulièrement les droits de l’Homme.

Reste désormais à savoir, comme le souligne notre éditorialiste Slimane Zeghidour, si ce mouvement de l'opinion publique contre les livraisons d'armes va pousser Paris à ne pas honorer sa commande (qui rendrait le gouvernement français populaire auprès de l'opinion publique, mais impopulaire par rapport à l'Arabie saoudite). Mais aussi, si, par ricochet, une vague d'indignation mondiale aura raison des bombardements de l'Arabie saoudite au Yémen. Car les Saoudiens, ne produisant pas d'armes, ne peuvent se passer de les acheter. Cette bronca pourrait-elle les pousser à infléchir leur position ?