Vers un gouvernement antisystème en Italie ?

Les deux dirigeants des deux partis antisystème en Italie, Luigi di Maio et Matteo Salvini espèrent former un nouveau gouvernement antisystème. Cécile Kyenge, ancienne ministre pour l'Intégration du gouvernement de centre gauche d'Enrico Letta (2013-2014) revient sur la perspective de voir l'extrême droite associée au pouvoir.

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luigi di maio
Luigi di Maio, dirigeant du mouvement 5 étoiles, quitte le palais présidentiel à Rome, le 5 avril dernier.
AP/Alessandra Tarantino
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Doit-on croire à la formation d'un gouvernement dirigé par le mouvement 5 étoiles et la Ligue, parti d'extrême droite ? Les deux partis butent, depuis plusieurs jours,  sur l'identité politique du futur président du Conseil.
 
Cécile kyenge
Cécile Kyenge a été ministre pour l'Intégration au sein du gouvernement d'Enrico Letta. D'origine congolaise, elle est aujourd'hui député européenne.
AP/Andrew Medichini


Cécile Kyenge : "ces deux formations dites anti-système ont dû mal à former un gouvernement car elles découvrent une nouvelle culture de gouvernement, faite de compromis. Or ces deux formations ont promis tout et n'importe quoi. Elles ont diffusé des "fausses nouvelles" à grande échelle lors de la dernière campagne électorale. Elles n'ont connu que l'opposition et n'ont fait que de la surenchère.  Et elles doivent aujourd'hui former un gouvernement et affronter des réalités budgétaires, économiques et politiques aux antipodes de ce qu'elles avaient annoncées. Elles n'ont pas cessé de dénigrer "le système" mais elles en font partie.  La sortie de l'euro était brandie comme un étendard. Aujourd'hui, les deux formations n'en parlent plus. Le mouvement 5 étoiles et la Ligue sont éloignés idéologiquement l'un de l'autre. La Ligue de Matteo Slavini est un parti ouvertement xénophobe et raciste.
 
Le mouvement 5 étoiles compte en son sein des gens de droite mais aussi des gens de gauche et du centre qui ont des positions sur l'immigration incompatibles avec celles de Matteo Salvini
Le mouvement 5 étoiles compte en son sein des gens de droite mais aussi des gens de gauche et du centre qui ont des positions notamment sur l'immigration incompatibles avec celles de Matteo Salvini. Ce premier accord ne signifie pas qu'un gouvernement de coalition sera annoncé dans les prochains jours. Et si ce gouvernement se met en place, il y a peu de chances qu'il dure à cause de leurs différents idéologiques jusqu'à la tenue de prochaines élections".
 
Salvini
Le leader de la Ligue a remporté 17% des voix lors des dernières élections législatives.
AP/Luca Bruno.


Quelles seraient pour l'Italie les conséquences de l'arrivée au pouvoir de la Ligue, parti d'extrême droite ?

C.K : "Matteo Salvini pourrait prendre en charge le ministère de l'Intérieur chargé des questions migratoires. Il a promis d'expulser un peu plus de 600 000 personnes du territoire. Il y a le discours et le principe de réalité. Le pays n'a pas les moyens matériels et financiers d'expulser 600 000 personnes. Son discours crée cependant énormément de tensions au sein de la société italienne entre étrangers, migrants, Italiens d'origine étrangère et Italiens. La classe politique italienne n'a pas réussi à contrer ce discours négatif sur l'immigration qui est aussi une chance pour le pays. Il faut inverser ce discours actuel sur l'immigration. Les dernières lois répressives contre les migrants n'ont pas été promulguées par Matteo Salvini mais bien par les précedents gouvernements. Plus de 2,3 millions d'étrangers participent en Italie au fonctionnement de l'économie. L'idée d'une Italie repliée sur elle-même traverse ainsi l'esprit de nombreux Italiens alors qu'à l'heure de la mondialisation nous avons d'avantage besoin d'Europe face aux États-Unis ou face à la Chine. Ces deux partis, le mouvement 5 étoiles et la Ligue fragilisent la démocratie italienne davantage par leurs discours  que par leurs actes".
 
Comment sortir de cette crise politique ? 

C.K : "le président de la République, Sergio Matarella, a réaffirmé les engagements internationaux, notamment européens de l'Italie et a rappelé que le souverainisme était une folie. Les deux dirigeants antisystème voulaient chacun le poste de président du Conseil. Le chef de l'Etat a proposé une solution d'attente en nommant un gouvernement technique et ainsi déclencher de nouvelles élections en décembre prochain. Cette solution a été rejettée par les deux parties. Rien n'est acquis. Cette coalition peut exploser à tout moment. De nouvelles élections sont sans doute à prévoir".