Viande avariée polonaise : chronique d’un scandale annoncé

Les 795 kilos de viande avariée polonaise ont été retrouvés en France. Quelque 500 kilos ont été détruits, et 300 commercialisés. Au total, 2,7 tonnes de viande avariée provenant de Pologne ont été exportés vers treize pays de l’Union européenne. Ce scandale sanitaire vient étayer une longue série d’affaires semblables.
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Tout a commencé par un reportage diffusé samedi 26 janvier 2019 sur la chaîne de télévision polonaise TVN24, montrant l'abattage de bovins malades, destinés à la consommation.

Un journaliste de la chaîne TVN24 a réussi à s’infiltrer dans l’abattoir de Kalinowo et y a filmé des vaches vraisemblablement malades, traînées par une corde avant d’être abattues.
Kalinowo
Kalinowo, dans le nord-est de la Pologne, est la ville où se situe l'abattoir dont est originaire la viande avariée exportée vers treize pays européens.
Sur les 795 kilos de viande de boeuf frauduleuse trouvés en France, 500 ont été détruits, et 300 commercialisés - la moitié vendue à des consommateurs, en boucherie notamment, l'autre à des grossistes.
"Ce qui est compliqué, précise le ministère de l'Agriculture français, c'est que les 145 kilogrammes ont été mélangés à des viandes de différentes origines. On ne peut plus les identifier en tant que tels."

Selon les autorités polonaises, cette viande ne présente pas de risque sanitaire. La FNSEA, première organisation du monde agricole française, se dit "révoltée" par une "fraude terrible".
 

Une industrie opaque

L’approvisionnement de la viande s’effectue par des circuits complexes, rendant difficile la traçabilité de la viande. Pour le journaliste et activiste écologiste Fabrice Nicolino, la solution pour éviter un tel scandale sanitaire, ne peut passer que par la "relocalisation de l’économie". "La production alimentaire doit être aussi proche que possible du lieu de consommation des produits, explique Fabrice Nicolino. C’est une règle de prudence, d’efficacité et d'écologie, bref une solution presque parfaite !"
 En 2013, la fraude sur les 500 tonnes de viande de cheval, estampillées viande de bœuf, avait déjà mis en lumière  le système de « financiarisation » de la viande.
 

Bien-être animal

La Commission européenne a déploré dans un communiqué "la pratique de traîner les animaux incapables de marcher, comme cela est décrit (dans le reportage polonais)". Cette pratique est interdite par les lois de l'Union Européenne sur la protection des animaux dans les abattoirs.   

Contacté par TV5MONDE, Jean-Pierre Kieffer, vétérinaire et président de l'association Oeuvre d'Assistance aux Bêtes d'Abattoirs (OABA) est formel : « ce genre de situations ne peut pas exister en France, car il existe tout un arsenal de contrôle sanitaire des animaux avant l’abattage ».

S’il est vrai qu’il n’a jamais été révélé que des bovins malades aient été abattus illégalement en France, la maltraitance animale n’épargne pas l’Hexagone.
L’association de défense des animaux L214 avait révélé, là encore grâce à des images volées, des cas de maltraitance animale en France, de surcroît dans un abattoir "certifié bio".

Des animaux, déjà suspendus par une patte, sont saignés alors qu’ils sont pleinement sensibles et conscients. (...) Des bovins commencent à être découpés alors qu’ils sont encore vivants.

Extrait de l’enquête de L214 sur un abattoir de l’Indre, novembre 2018

Après la publication de ces vidéos, le 3 novembre 2018, les autorités avaient suspendu l’activité de cet abattoir dans le département de l'Indre. Même sentence pour l'abattoir de Kalinowo. L'établissement, à l'arrêt, devrait recevoir la visite d'une équipe d'experts européens, en voyage en Pologne la semaine du 4 au 8 février 2019 pour évaluer la situation sur place.