Fil d'Ariane
Les opposants au président vénézuélien Nicolas Maduro défient à nouveau aujourd'hui le pouvoir, malgré les violences qui ont entouré les précédentes manifestations et provoqué la mort d'une trentaine de personnes.
Les antichavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013), portés par cette vague de protestations qui fêtera un mois le 1er mai, appellent à une nouvelle marche en faveur d'élections générales anticipées.
L'objectif de mercredi est aussi risqué que symbolique : rejoindre le centre de Caracas, considéré comme un bastion du pouvoir, pour protester face aux locaux du Défenseur du peuple, l'autorité veillant au respect des droits de l'Homme.
Or, jusqu'à présent, les milliers de manifestants défilant contre le président ont toujours été empêchés d'atteindre le coeur de la capitale par les forces de l'ordre, qui les ont repoussés avec canons à eau et balles en caoutchouc.
Presque toutes les marches ont dégénéré en heurts, pillages, échanges de gaz lacrymogènes et cocktails Molotov entre manifestants et forces de l'ordre. A cela s'est ajoutée la violence exercée par les "colectivos", des groupes de civils armés par le gouvernement, assure l'opposition.
On compte déjà 26 morts, selon le parquet. Mardi soir, au cours d'un discours, le chef de l'Etat a lui avancé le chiffre de "29 morts", sans donner de précision. Pour l'heure, le parquet n'avait pas modifié son bilan.
Le parquet a également dénombré 437 blessés et 1.289 personnes arrêtées pour divers troubles et saccages survenus dans cette "ambiance de crispation politique", a souligné Luisa Ortega, la procureur générale de la Nation.
Quatorze journalistes au total ont été arrêtés et 106 agressés en quatre semaines de protestations, a indiqué le Syndicat national des travailleurs de la presse, principale organisation de salariés du secteur.
Le syndicat dénonce ces chiffres "alarmants", et met en cause la Garde nationale, accusée de "harceler" les journalistes couvrant les manifestations.
"Ce gouvernement n'est pas tenable", a déclaré le leader de l'opposition Henrique Capriles, ancien candidat à l'élection présidentielle contre M. Maduro.
En réponse, le gouvernement a appelé la "jeunesse révolutionnaire" à marcher vers le palais présidentiel de Miraflores pour "défendre la paix", selon le Parti socialiste (PSUV) au pouvoir.
"Nous allons vaincre la violence et le coup d'Etat", a promis mardi soir le président vénézuélien.
L'étincelle ayant déclenché la vague de manifestations, quasi-quotidiennes depuis début avril, a été la décision de la Cour suprême de s'arroger les pouvoirs du Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition depuis fin 2015.
L'opposition avait dénoncé une tentative de "coup d'Etat" et l'indignation diplomatique avait finalement forcé l'autorité judiciaire à faire marche arrière 48 heures plus tard.
Dans ce pays pétrolier dont l'économie s'est effondrée avec la chute des cours du brut, la majorité des aliments et médicaments sont introuvables. Lassés, sept Vénézuéliens sur dix souhaitent le départ de Nicolas Maduro, selon un sondage Venebarometro.
Mardi sur Twitter, le célèbre chef d'orchestre vénézuélien Gustavo Dudamel a appelé les responsables politiques de son pays à "laisser de côté les ego et les idéologies pour écouter et penser aux gens" et dénoncé un "conflit fratricide".
L'un des hauts dirigeants du chavisme, Diosdado Cabello, a pourtant assuré que "Nicolas ne va pas partir" avant la fin de son mandat, en décembre 2018.
M. Maduro a de son côté invité l'opposition à reprendre le dialogue gelé depuis décembre, appelant le pape François à "accompagner" ces discussions. L'an dernier, une médiation sous l'égide du Saint-Siège avait échoué.
Onze pays latino-américains ainsi que les Etats-Unis plaident pour des élections.
Une précédente vague de manifestations en 2014 avait fait officiellement 43 morts.
Parallèlement, le Venezuela a menacé mardi soir, via son ministre des Affaires étrangères Delcy Rodriguez, de quitter l'OEA, l'Organisation des Etats américains: "Si l'OEA organise quelque réunion des ministres des Affaires étrangères que ce soit pour débattre du dossier vénézuélien, et ce sans l'aval du gouvernement vénézuélien, j'ai reçu instruction d'entamer le processus de départ du Venezuela" de cette institution.
L'OEA doit décider mercredi à Washington de la tenue d'une telle réunion.