Le Luxembourg se lance dans l'exploration spatiale. Le petit pays européen aimerait devenir l'un des leaders de l'exploitation de minerais sur des astéroïdes. Un marché encore inexistant qui suscite déjà la convoitise de plusieurs entreprises américaines. Reportage sur la côte ouest des Etats-Unis.
Ils s'appellent JO25, CG2 ou PA7... Des astéroïdes suivis de près par toutes les agences spatiales du monde. Leur spécificité : ils passent régulièrement à quelques encablures seulement de la planète Terre. Et c'est sur ces astéroïdes que des explorateurs précurseurs espèrent un jour trouver de l'eau ou du minerai. En commençant par un astre beaucoup plus proche de nous.
Notre grand projet, c'est de lancer l'industrialisation de la lune.
Dennis Wingo, ingénieur, fondateur de SkyCorp : "
Notre grand projet, c'est de lancer l'industrialisation de la lune. Nous voulons rendre possible le développement économique de tout le système solaire. Et pour ça, il faut pouvoir utiliser les ressources extra-terrestres, aussi bien au bénéfice de l'Humanité sur Terre, qu'en vue de son expansion dans le système solaire."
Selon les experts, un seul des 11 000 astéroïdes qui croisent à proximité de la Terre pourrait contenir plusieurs centaines d'années de la production actuelle de platine.
Certaines entreprises ont bien compris qu'un nouveau créneau pourrait un jour s'ouvrir. Elles développent des engins capable d'explorer la surface des astéroïdes.
Nouvelle ruée vers l'or
C'est donc une nouvelle ruée vers l'or, avec ses pionniers. Notamment au coeur de la Silicon Valley, où est installé l'un des grands fabricants mondiaux de satellites, SSL, et où l'on trouve aussi de petites startup aux ambitions... astronomiques.
Grant Bonin, directeur des technologies à Deep Space Industries : "
Notre objectif est de permettre à l'homme de vivre et travailler dans l'espace, plutôt que de vendre ces ressources ici, sur Terre. Nous voulons que les gens puissent s'y installer durablement. Et pour y arriver, ils devront vivre en autosuffisance, cela a toujours été le cas dans l'histoire du développement de l'Humanité. Et pour vivre en autosuffisance, nous devons comprendre à quoi nous avons à faire, les astéroïdes sont des mondes bizarres et uniques qui demandent des études plus poussées. Nous voulons être les précurseurs de ces recherches."
Il s'agit de créer des stations-services de l'espace pour fournir de l'eau, du carburant et même des matériaux à de futures missions humaines vers Mars, par exemple.
>> Écoutez l'avis d'un ancien astronaute américain, Tom Jones :
L'ancien astronaute Tom Jones estime qu'avec l'exploitation des astéroïdes, il aurait pu aller jusqu'à la planète Mars
Dans la banlieue de Seattle, une autre entreprise s'y voit déjà, dans moins de 10 ans. Elle s'appelle Planetary Resources. Le PDG, Chris Lewicki, promet que : "
Les deux satellites derrière moi, dans la salle blanche, vont aller dans l'espace un peu plus tard cette année. On les utilise pour identifier la localisation du premier astéroïde que nous explorerons. Nous ferons cela à la fin 2020, et on établira le premier site minier extra-terrestre. Vers 2025, nous lancerons la première exploitation commerciale sur un astéroïde. Nous rapporterons ces ressources à une orbite proche de la Terre, pour développer l'économie à partir de cet endroit."
Des investisseurs visionnaires ?
Le patron de Planetary Ressources a bénéficié des millions de quelques investisseurs un peu précurseurs. Leurs portraits trônent au coeur de l'entreprise. Aux côtés du milliardaire Richard Branson ou de Larry Page, le fondateur de Google, on trouve aussi la photo d'un homme politique luxembourgeois : le ministre de l'Economie, Etienne Schneider. Son pays a investi 25 millions d'euros dans la société et compte créer une industrie spatiale sur le sol du Luxembourg.
Décryptage d'Antoine Fonteneau, de retour de la Silicon Valley, sur le plateau de TV5MONDE
"L'idée est d'attirer des investisseurs et des startup pour leur savoir-faire, pour créer un microcosme d'experts en la matière, explique Etienne Schneider.
Donc de recherche, de développement et de propriété intellectuelle. Ca c'est déjà un premier but. Et comme le gouvernement est disposé à investir directement dans ces sociétés, on espère bien sûr gagner de l'argent à travers nos participations dans ces entreprises."Pour attirer les chercheurs, Etienne Schneider - accompagné de l'héritier de la monarchie luxembourgeoise - vient de passer une petite semaine sur la côte ouest américaine (du 10 au 14 avril 2017).
Le Luxembourg va se doter d'une agence spatiale, d'un fonds d'investissement de 200 millions d'euros et surtout, il prépare un cadre juridique taillé sur mesure, en autorisant l'exploitation des ressources trouvées sur des corps célestes.
Le Traité international de l'espace
Mais le Luxembourg prend le risque de fâcher ses voisins. Les obstacles diplomatiques et économiques qui se dressent devant une telle exploitation minière sont gigantesques. Les accords internationaux interdisent aujourd'hui la privatisation de l'espace par une entreprise ou même par un pays.
>> Écoutez les explications du ministre de l'Economie du Luxembourg :
"Les autres Etats nous appellent pour collaborer avec le Luxembourg et c'est exactement ce que j'aimerais réussir" - Le ministre luxembourgeois de l'économie Etienne Schneider.
Le ministre s'appuie sur l'exemple donné par Barack Obama. En 2015, alors président des Etats-Unis, il s'était permis une entorse au Traité international de l'espace, vieux d'un demi-siècle (1967). Il avait autorisé les entreprises américaines à s'approprier les matières premières extra-terrestres. Le signal de départ - officiel - d'une course vers les astéroïdes.