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Paul Watson, activiste fondateur de Sea Shepherd interviewé dans l'Invité par Patrick Simonin.
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Paul Watson : « Si l’océan meurt, nous mourrons »

Le fondateur de l’ONG Sea Shepherd surnommé le « pirate des mers » ou encore « l’éco-guerrier » est l’Invité de TV5MONDE pour parler notamment de la COP21. Cet activiste écolo, recherché par Interpol, rappelle surtout que la survie de l’océan doit rester la préoccupation principale de chacun. Entretien.

TV5MONDE : Êtes-vous optimiste pour la conférence sur le climat de cette fin d’année ?
 
Paul Watson : Nous n’avons pas vraiment d’autres choix que d’être plein d’espoir pour cette COP21, de l’encourager et de donner ainsi l’opportunité (aux politiques) de trouver des solutions. Mais il va y avoir deux rencontres : l’officielle avec les responsables politiques, et celles des ONG qui vont se rencontrer. C’est une opportunité pour les gens du monde entier de discuter de leurs stratégies, … En cela la COP21 est bénéfique.
 
Mais la solution (l’accord qui pourra être signé à l’issue de la COP21, ndlr) devra être mise en application sinon il y aura plein d’autres conséquences. On peut régler le réchauffement climatique mais cela requiert aussi des changements radicaux dans notre façon de voir les choses. Nous devons redonner vie à nos océans. Nous devons ramener les poissons, les baleines, parce que l’océan est un système indispensable à notre existence. C’est ce qui permet de tout faire fonctionner, il régule le climat, il fournit de la nourriture, de l’oxygène …
 
La solution est de fermer toute l’industrie de la pêche. Aujourd’hui, nous dépensons 76 milliards de dollars par an à subventionner cette industrie de pêche industrielle. La raison pour laquelle nous avons tant mécanisé ces opérations de pêche, c’est que nous avons anéanti 90% des poissons. Donc, nous avons besoin de toute cette technologie pour aller trouver les 10% restant. Et bien sûr, les compagnies de pêche ne peuvent pas se le permettre financièrement alors les gouvernements leur fournissent des subventions dans le but de les autoriser de le faire.
 
C’est une vraie conspiration entre les sociétés et les gouvernements d’éliminer ce qu’il reste de poissons. Et s’ils continuent comme ça, il n’y aura plus de poissons avant 2048 et il n’y aura plus d’industries du poisson non plus.
Et encore pire, l’océan mourra. Et si l’océan meurt, nous mourrons.
 
Certaines ONG et des spécialistes ont souligné depuis des semaines le fait que la COP21 ne s’empare pas du sujet des océans. Qu’en pensez-vous ?
 
C’est tout à fait juste. Et nous aurons d’ailleurs (pendant la COP21, ndlr) une baleine bleue à taille réelle sur les bords de Seine pour illustrer le fait que nous avons perdu 40% de notre population de phytoplancton depuis 1950. Du phytoplancton qui fournit plus de 50% de l’oxygène que nous respirons, qui sert de nutriments aux baleines.
Pendant des millions d’années, l’océan a été un système indispensable à la vie. Et cela marchait parfaitement. Mais seulement en quelques centaines d’années, nous avons commencé à le détruire. Nous sommes tout simplement en train de détruire un système indispensable à notre existence. Donc la chose la plus importante sur cette planète est de garder un océan sain si nous voulons survivre. Je suis bien sûr plutôt surpris que ce ne soit pas un sujet majeur de la COP21 !

Le monde va devoir changer de régime alimentaire.

Paul Watson

Mais les gouvernements ne comprennent que l’argent. Ils pensent qu’ils peuvent résoudre ce problème en taxant tout le monde. Mais bien sûr cela ne résoudra rien.

Le monde va devoir changer de régime alimentaire. Personne ne veut entendre qu’en tuant 65 milliards d’animaux chaque année, cela produit plus d’émissions gaz à effet de serre que toute l’industrie du transport. C’est aussi une cause de pollution et de gaspillage d’eau, et l’une des principales raisons de zones mortes dans l’océan, … Tout cela à cause de l’agriculture animale. Mais personne ne veut l’entendre. Quand vous considérez qu’il faut 2400 litres d’eau pour faire un hamburger, c’est un incroyable gâchis de ressources.
 
Les gens ne comprennent pas non plus à propos des gaz à effet de serre que le C02 reste un gaz mineur. Ce n’est que le détonateur de la libération de méthane qui a été stocké pendant des millions d’années dans le permafrost et dans l’océan.
 
En réchauffant la terre avec le CO2, c’est le détonateur pour que le méthane se relâche.
C’est cette réaction en chaîne que nous devons résoudre. Mais le problème c’est que les politiques ne pensent qu’aux 10 ou 15 ans à venir.  Mais en terme de conservation de la planète nous devons raisonner en centaines de milliers d’années parce que c’est sur une telle période que nos actions d’aujourd’hui auront des conséquences.
 
Espérez-vous remettre ce sujet au cœur des discussions au travers de votre organisation créée récemment avec Pierre Rabhi, the Ocean Nation ?

Tout ce que nous devons faire c’est d’essayer, et de continuer d’essayer de faire connaître ces problématiques. Les gens sont davantage informés qu’ils ne l’étaient il y a même 10 ou 30 ans.
Mais la question est : "est-ce que suffisamment de gens seront conscients de ce qui se passe pour changer les choses" ?  Dans la vie quotidienne, les gens doivent commencer tout simplement à ne plus manger de poissons. Tout le monde veut voir des changements pour remédier à ces problèmes, mais personne ne veut réellement changer.

Vous avez peut-être vu la vidéo de Nicolas Hulot largement diffusée sur internet (lire notre article)  destinée à inciter les politiques à agir. Vous avez aussi de votre côté mené des actions parfois controversées... Quelle est la meilleure façon selon vous de pousser les gens à agir ? 

Tout le monde doit faire quelque chose dans son domaine d’expertise. Tous ceux qui font quelque chose, je les applaudis. Peu importe leur stratégie ou leur tactique, du moment qu’ils s’emparent du problème.
Je pense que Nicolas Hulot fait un travail formidable en essayant d’amener les gens à se réunir. Et j’espère qu’il en obtiendra un certain résultat. Mais il a un boulot difficile parce qu’il essaye d’être entendu des politiciens mais c’est comme tenter de rassembler des chatons : ils ne vont pas vous écouter et aller là où vous voulez qu’ils aillent. Ils se disperseront.