Pourquoi la Chine a-t-elle pris la décision d'installer ces structures pétrolières dans cette zone disputée ? F.N : Il y a deux réponses possibles à ça. Précisément elle ne pensait peut être pas que cela déclencherait une réaction aussi vive. Auparavant, il y avait eu une grande offensive de charme de la Chine vis-à-vis de l'ensemble des pays de l'Asie du Sud Est et du Vietnam en particulier. Les relations entre les deux pays avaient tendance à se réchauffer et peut être la Chine a-t-elle cru que le Vietnam ne réagirait pas, c'est possible. L'autre hypothèse, c'est qu'elle n'a peut être pas bien mesuré l'impact que cela pouvait avoir. Soit elle pensait qu'il n'y aurait pas d'impact du tout, soit elle pensait qu'il n'y aurait pas un tel emballement. Il y a eu une visite du Premier ministre chinois au Vietnam à l'automne dernier. Il y avait donc une amélioration des relations, resserrement des liens et les Chinois se sont peut être dit "ça va passer". Les relations sont beaucoup plus tendues avec les Philippines, par exemple. D.C : C'est doublement surprenant. Au mois d'octobre, le Premier ministre chinois est allé au Vietnam et on a pensé que les relations s'étaient améliorées. On ne comprend pas cette action de provocation de la part de la Chine. La deuxième chose surprenante est que cela arrive après la réunion de l'
ASEAN (Association des Nations d'Asie du Sud Est, ndlr) en Birmanie, le 11 mai dernier. Il y a deux explications à mon avis. La première est que la compagnie pétrolière a simplement fait cette exploration sans forcément l'accord des autorités centrales en pensant que cela n'aurait pas de conséquences. C'est une possibilité. La deuxième est plus politique. Selon certains observateurs, cette provocation serait une réponse à la visite il y a quelques semaines du président Obama dans le Pacifique pour montrer un certain rééquilibrage de la stratégie américaine en Asie, où il a pris une position à la fois en faveur du Japon et des Philippines dans le conflit avec la Chine. Dans l'ensemble, la montée de la Chine vue de l'Asie du Sud Est est perçue comme un avantage pour l'Asie. La Chine est la locomotive économique qui entraîne tous les autres pays de la région, y compris l'Australie dans la croissance. En même temps, cette puissance qui s'affirme, inquiète ses voisins. Quels intérêts représentent ces eaux territoriales ? F.N : C'est toujours un peu la même chose dans ces cas là. Il y a d'abord une dimension symbolique. Ce territoire est perçu par les deux pays comme faisant partie du territoire national donc là il ne s'agit pas de se laisser marcher sur les pieds. C'est une posture strictement politique et à côté, de ça, dans ces eaux, il y a des ressources potentielles. Ce sont des zones qui peuvent être économiquement intéressantes. Les deux explications se mêlent : politique et économique. D.C : C'est une question économique parce que ces eaux sont à la fois riches en poissons et fruits de mer mais surtout, elles contiendraient des hydrocarbures. C'est un enjeu économique considérable. Depuis le temps que les deux pays se battent pour ces territoires, pourquoi n'arrivent-ils pas à trouver un compromis ? F.N : La mer de Chine du Sud est le théâtre d'une série de conflits territoriaux entre la Chine et ses partenaires : Philippines, Vietnam, Malaisie, Indonésie. Il y a des conflits avec tout le monde, de part et d'autre. Mais là, la grande difficulté est que la Chine n'a pas encore accepté de règles qui s'imposeraient à elle. Elle a sa vision et elle ne veut absolument pas revenir dessus. Il n'y a pas de compromis possible. D.C : "Il y a des petits pays et des grands pays" comme disait une phrase que j'ai lu dans le
journal Global Times (quotidien chinois en anglais). C'est ça la réalité, point final. La Chine n'est pas vraiment prête à faire des compromis. D'ailleurs elle n'est pas revenue sur la carte de la "langue de boeuf" (très vaste zone maritime en mer de Chine du Sud, ndlr). Et cela fait au moins une décennie que l'on parle d'un code de bonne conduite avec les pays de la région, mais cela n'avance pas.