Vietnam : l’homme fort du pays, Nguyen Phu Trong, est mort

Nguyen Phu Trong, le secrétaire général du parti communiste vietnamien, est décédé, a annoncé un média d’État vendredi 19 juillet. L’homme âgé de 80 ans était considéré comme le dirigeant le plus puissant du pays.

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Le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Nguyen Phu Trong, au bureau central du Parti communiste vietnamien à Hanoi, au Vietnam, le mardi 12 décembre 2023. 

AP Photo/Minh Hoang, Poo
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L'homme le plus puissant du Vietnam, Nguyen Phu Trong, décédé vendredi 19 juillet à l'âge de 80 ans, a régné sans partage comme secrétaire général du parti communiste, durant treize années. Une longévité remarquable, marquée par une campagne anticorruption massive.

L'idéologue conservateur reste associé à la purge qui a épinglé des centaines de personnalités de premier plan ces dernières années, accusées de fraude et de corruption, au bénéfice de son clan.

Il est le premier dirigeant à avoir connu trois mandats consécutifs à la tête du parti associé à Ho Chi Minh, depuis la libéralisation de l'économie en 1986.

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Ses politiques ont contribué à étendre l'emprise de l'appareil communiste sur le pays, dans une période de boom des échanges commerciaux, mais au détriment des libertés fondamentales.

C'était « un homme à poigne incarnant cette obsession du parti de se maintenir au pouvoir peu importe les soubresauts internes et l'ouverture du pays », explique Benoît de Tréglodé, directeur de recherches à l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire, à Paris.

Né en 1944 dans la banlieue de Hanoï, dans ce qui était alors l'Indochine française, Nguyen Phu Trong a fait toute sa carrière dans la presse du parti communiste vietnamien (PCV).

Il a gravi un à un les échelons du PCV, jusqu'à intégrer en 1997 le tout-puissant Bureau politique, qui détermine les orientations politiques du pays.

« Efficacité effarante »

Technocrate réputé discret et en bons termes avec Pékin, il est devenu secrétaire général en 2011, durant une période fragile pour le pouvoir, entre économie chancelante et ressentiment généralisé en raison de la corruption systémique.

« Il a restructuré et réorganisé le parti autour de lui. »M. de Tréglodé

Au Vietnam, le secrétaire général du PCV est le personnage le plus important de l'Etat, devant le Premier ministre, le président de la république socialiste ou le président de l'Assemblée nationale : deux postes que Nguyen Phu Trong avait également occupés.

« Il a restructuré et réorganisé le parti autour de lui », via des campagnes anticorruption d'ampleur, analyse M. de Tréglodé.

« Depuis 2011, il a fait le ménage avec une efficacité effarante. Avant, il y avait des purges l'année qui précédait le congrès du parti. Maintenant, c'est tout le temps », poursuit l'expert.

Le coup de filet a conduit à la déchéance de dizaines de chefs d'entreprise, ministres, responsables des forces de sécurité et autres personnalités de premier ordre. Depuis 2021, plus de 4 400 personnes ont été poursuivies pour corruption, selon des données officielles.

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Cette campagne a consolidé son image relayée par la propagande de dirigeant à l'écoute du peuple, mais au prix de la dégradation de la croissance du Vietnam, dans un contexte de ralentissement de l'économie mondiale après la pandémie, selon une analyste.

Cette politique a « affaibli l'économie, comme on a pu le voir clairement lors des deux, trois dernières années », souligne Linh Nguyen, analyste au cabinet de consultants Control Risks.

Diplomatie du bambou

La situation des droits humains s'est également dégradée durant ses années au pouvoir. 2023 a été une « année sombre », a rappelé l'ONG Human Rights Watch, qui recense en janvier plus de 160 personnes en prison pour l'exercice de leurs droits civils basiques et politiques.

Sur la scène internationale, Nguyen Phu Trong a appliqué les préceptes de la « diplomatie du bambou » qui permet au Vietnam de faire affaire aussi bien avec la Chine que les Etats-Unis, dans un souci affiché d'affermir l'autonomie du pays.

Il a notamment accueilli en septembre 2023 le président américain Joe Biden, lors d'une visite qui a renforcé la coopération économique entre les deux anciens belligérants.

Trois mois plus tard, il reçu le président chinois Xi Jinping, malgré des tensions liées aux frontières maritimes en mer de Chine méridionale.

Chine

Le président chinois Xi Jinping, au centre gauche, et le secrétaire général du Parti communiste vietnamien Nguyen Phu Trong, au centre droit, assistent à une cérémonie de bienvenue au palais présidentiel de Hanoi, au Vietnam, le mardi 12 décembre 2023.

Nhac Nguyen/Pool via AP

« L'obsession de Nguyen Phu Trong, c'était une révolution de couleur, comme pour Xi Jinping. Ils poursuivaient les mêmes objectifs » entre transformation de l'économie et consolidation de l'ordre communiste, estime Benoît de Tréglodé.

Nguyen Phu Trong laisse un parti « plus verrouillé que jamais » que sa mort ne fragilisera pas, selon l'expert.