05.10.2013Avec AFPUn héros national Dernier dirigeant historique du Vietnam communiste, le général Giap était une figure adorée des Vietnamiens, avec le fondateur du Parti communiste du Vietnam Ho Chi Minh, que Giap avait rencontré en Chine après avoir fui son pays à la fin des années 1930. "C'est un personnage mythique et héroïque pour le Vietnam", résume ainsi Carl Thayer, chercheur basé en Australie. Avant même l'annonce officielle de sa mort, et malgré sa mise à l'écart par le régime ces trente dernières années, les messages de condoléances affluaient : "Repose en paix, héros du peuple. Tu seras toujours notre plus grand général", écrit un internaute sur Facebook. "J'espère qu'il y aura un jour de deuil national. C'est une figure respectable qui a beaucoup contribué à notre nation vietnamienne," a ajouté un autre. Un génie militaire Né le 25 août 1911 dans la province centrale de Quang Binh, Giap, fin connaisseur de Napoléon, n'était pas destiné à devenir soldat. Autodidacte formé par ses lectures, il réussit néanmoins à défaire aussi bien les Français que les Américains. En 1954, il inflige dans la "cuvette" de Dien Bien Phu (nord-ouest) une cuisante défaite aux troupes colonisatrices françaises, événement fondateur de l'émergence d'un Vietnam indépendant et de la fin de la domination française en Indochine. Pendant les vingt années qui suivent, ce fils de paysan lettré, à la maîtrise impeccable du français, continue de diriger ses troupes pendant la guerre du Vietnam contre les Américains et leurs alliés du Sud-Vietnam, jusqu'à la prise de Saïgon le 30 avril 1975. "Quand j'étais jeune, je rêvais de voir mon pays libre et unifié", racontera plus tard celui qui était le dernier dirigeant historique du Vietnam communiste encore en vie. "Ce jour-là, mon rêve est devenu réalité (...). C'était comme tourner une page sur un chapitre de l'histoire". Ses victoires ont inspiré les combattants du monde entier : "L'influence et le nom du général Giap sont allés bien au-delà du territoire du Vietnam. Il a inspiré des mouvements de résistance à travers l'Asie et l'Afrique, surtout en Algérie", selon l'historien Phan Huy Le, qui le considère comme "un des stratèges militaires les plus talentueux de l'Histoire". Une carrière politique brisée Enseignant d'histoire à Hanoï, Giap doit s'enfuir en Chine à la fin des années 1930, où il rencontre l'"Oncle Ho", qui le charge de fonder l'armée révolutionnaire Viet Minh fin 1944. En 1945, Giap devient ministre de l'Intérieur du premier gouvernement auto-proclamé du Vietnam, avant de passer un an plus tard à la Défense, un poste qu'il conservera au Nord plus de trente ans. Malgré sa victoire à Dien Bien Phu, son influence s'affaiblit après la mort d'Ho Chi Minh, en 1969. Lors de la réunification du Vietnam, Giap n'est déjà plus chef de l'armée du Nord-Vietnam communiste. Il est en conflit ouvert avec le numéro un du régime, Le Duan, qui cassera sa carrière politique, et son successeur à la tête des forces militaires, Van Tien Dung, lui vole en grande partie la vedette. Mais dans cette campagne aussi, parce qu'il est resté ministre de la Défense, les analystes lui attribuent encore un rôle clé d'architecte. "Derrière chaque victoire, on retrouvait Giap, qui en était la force motrice", estimera l'un de ses rares biographes, Cecil Currey. En 1980, il est remplacé à la Défense, puis exclu du bureau politique du Parti communiste en 1982. Il conserve son rang de vice-Premier ministre, mais est désormais chargé des Sciences, Technologies et du Planning familial. Il est finalement évincé du comité central du Parti en 1991. Pour les grands anniversaires de Dien Bien Phu, en 1994 et 2004, Giap refera toutefois des apparitions remarquées aux côtés des dirigeants. La célébration de ses 100 ans lui vaudra aussi une pluie d'hommages, les plus hauts dirigeants vietnamiens lui rendant visite à l'hôpital militaire où il était soigné depuis trois ans. Jusqu'à son dernier souffle, il dénonce le fléau de la corruption ou des projets industriels, avec intérêts chinois, jugés dangereux pour la sécurité du pays. En 2006, il écrit que le Parti communiste "est devenu un bouclier pour les responsables corrompus". En 2009, il publie une lettre ouverte joignant sa voix aux critiques contre un projet gouvernemental très controversé d'exploitation de la bauxite dans les hauts plateaux du centre du pays. Il laisse derrière lui sa deuxième femme, Dang Bich Ha, et quatre enfants. Sa première épouse était morte dans une prison française à l'époque coloniale. Sa fille aînée, née de son premier mariage, est décédée en 2009.