Le chanteur star marocain Saad Lamjarred, qui comparaît cette semaine devant les assises de Paris pour viol aggravé, est également renvoyé pour un viol qu'il a commis à Saint-Tropez en 2018. Il jure n'avoir "jamais" violé.
Saad Lamjarred, 37 ans, est jugé depuis le 20 février devant la cour d'assises de Paris, accusé d'avoir violé et frappé dans une chambre d'hôtel une jeune femme qu'il avait rencontrée en boîte de nuit. Les faits se sont déroulés en marge d'un concert prévu dans la capitale en 2016. Il conteste les faits.
Ce 22 février, c'est son tour de témoigner. Et c'est sans hésiter qu'il affirme devant la cour d'assises de Paris, sous le regard atterré de Laura P. sa victime, qu'il n'y pas eu de viol, pas de relation sexuelle :
"jamais". Un "after" qui dérape
Au début, leurs versions correspondent : la rencontre dans une boîte de nuit huppée de la capitale française, la soirée qui se poursuit avec un premier
"after", avant de continuer à son hôtel.
À l'aise à la barre, presque souriant, Saad Lamjarred, 37 ans, décrit le trajet en taxi.
"On se tient la main, je la complimente sur sa beauté".
"On se fait des câlins, pas des câlins amicaux", insiste-t-il.
"On se plaisait, ce n'était pas juste physique, j'aimais sa personnalité même si nous n'avions parlé que pendant deux heures".Dans la chambre, ils dansent, ils discutent. Puis elle lui dit
"désolée, je ne pouvais pas t'embrasser devant tout le monde", et Saad Lamjarred prend ça comme un
"signe". Il se penche, l'embrasse,
"un long baiser".
C'est ici que leurs récits divergent radicalement.
"Et là tout à coup, il a poussé ma tête qui a cogné par terre", avait raconté Laura P. à la barre le 21 février, tremblante et en larmes. La jeune femme, 20 ans à l'époque, avait ensuite décrit son incompréhension, ses cheveux qu'il avait tirés, à califourchon sur elle malgré ses refus répétés.
Selon elle, il l'avait déshabillée de force, puis avait léché son corps avant de lui infliger un premier coup de poing, puis deux pénétrations digitales, vaginale et anale, et une brève pénétration pénienne. Elle avait ensuite réussi à le repousser en le mordant dans le bas du dos.
Saad Lamjarred raconte lui qu'ils étaient en train de se déshabiller quand il a senti une
"griffure très douloureuse dans le dos".
"Un vrai homme ne fait pas ça"
"J'ai fait quelque chose que je regrette, je l'ai poussée au visage brutalement. C'était un réflexe involontaire, je n'en suis pas fier",
"je ne suis pas comme ça", dit le chanteur, pull marine sur chemise blanche, rappelant qu'il avait bu et consommé de la cocaïne, une circonstance aggravante.
"Je n'aurais pas dû faire ça, un vrai homme ne fait pas ça", continue-t-il.
Puis le chanteur se fait encore plus solennel:
"Mme la présidente, je le dis aujourd'hui et je le dirai jusqu'à mon dernier souffle, moi, Saad Lamjarred, je n'ai jamais pénétré Laura P., de quelque manière que ce soit".
Sans se retourner, il s'adresse à elle.
"Je suis désolé pour ce réflexe de violence, je ne voulais pas te faire pleurer", dit-il. Laura P. garde sa main devant les yeux, tête baissée.
Et puis la voix de Saad Lamjarred se brise.
"Par contre, mon futur, ma famille, ma vie, ma réputation... nous sommes tous les deux dans de mauvaises situations. J'essaie de sourire, de faire des vidéos, mais je n'ai pas envie de sourire", gémit dans un sanglot le chanteur aux centaines de millions de vues sur YouTube, appuyé à la barre.
"Mais ta gueule", entend-on murmurer sur le banc des proches de la partie civile.
S'il s'agit d'un
"malentendu",
"est-ce que vous lui avez demandé pourquoi elle a réagi comme ça?", demande plusieurs fois la présidente Frédérique Aline sans vraiment obtenir de réponse.
"Je ne dis pas qu'elle a menti, je dis que peut-être elle s'est trompée", répond Saad Lamjarred.
"Elle s'est trompée sur quoi?", interroge la présidente.
"Soit elle invente... mais c'est compliqué de confondre des actes de cette nature avec une gifle". "Vous avez une explication?" poursuit la présidente.
"Je n'en ai aucune idée", lâche le chanteur.
Une affaire similaire à Saint-Tropez
Mais il semblerait que Saad Lamjarred soit coûtumier du fait. Le chanteur a été accusé de viols à New York, Casablanca et Saint-Tropez.
Dans cette dernière affaire remontant à 2018, il a été renvoyé devant la cour d'assises du Var pour viol, selon un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence datant de novembre 2021 que l'avocat général Jean-Christophe Muller - qui représente l'accusation à Paris - a fait verser aux débats le 21 février au soir. La date du procès n'est pas encore connue.
(RE)lire : Inculpé pour viol, le chanteur marocain Saad Lamjarred en détentionQuand le document avait été distribué à l'audience, l'un des avocats de Saad Lamjarred l'avait jeté au sol, furibond.
Cet arrêt est effectivement très embarrassant pour le chanteur, tant les faits reprochés ressemblent à ceux jugés à Paris.
Dans l'affaire de Saint-Tropez, la plaignante avait déclaré aux enquêteurs avoir rencontré Saad Lamjarred dans une célèbre boîte de nuit. Elle l'avait plus tard suivi à son hôtel, seulement dans l'intention d'y boire un verre, selon elle. Quand Saad Lamjarred a essayé de l'embrasser et qu'elle a refusé,
"son visage a changé", avait-elle déclaré aux enquêteurs. Il l'aurait alors brutalement poussée sur le lit et se serait couché sur elle en lui maintenant les poignets, l'aurait déshabillée et lui aurait imposé un rapport sexuel. Elle,
"tétanisée", a été
"incapable de lui résister physiquement".
Elle avait ensuite appelé une amie pour lui demander de venir la chercher. Cette amie l'avait retrouvée
"choquée", le
"regard vide", et un employé de l'hôtel avait décrit une femme
"anéantie", qui
"tremble et sanglote".
Saad Lamjarred affirme que ce rapport sexuel était consenti, et que la jeune femme avait
"beaucoup" apprécié.
Dans le téléphone du chanteur, les enquêteurs ont trouvé un message d'une autre jeune femme parlant de violences. Entendue, elle a elle aussi dénoncé des faits de viol dans des circonstances similaires.
En attendant, le verdict pour l'affaire de Paris sera le 24 février.