Aujourd'hui dans la tourmente, Carlos Ghosn était considéré comme un demi-dieu au Japon jusqu'à son arrestation lundi 19 novembre. Renault doit aussi beaucoup à son emblématique patron. Même si son avenir est encore incertain, sa chute brutale semble être une menace pour le constructeur français.
Au Japon, il était le héros d'un manga à son effigie. Carlos Ghosn est l'homme qui avait mis en oeuvre la fameuse alliance Renault-Nissan. Tout semblait lui réussir jusqu'à cette semaine. Sa chute brutale jette le doute sur l'avenir du constructeur français Renault.
Qu'a apporté l'alliance avec Nissan ?
Le rapprochement entre Renault et Nissan avait été initié par l'ancien PDG Louis Schweitzer à la fin des années 90. A l'époque, le constructeur japonais est criblé de dettes : l'équivalent de 25 milliards d'euros.
Louis Schweitzer acquiert alors 37% du capital de Nissan. Il nomme un certain Carlos Goshn à la tête du constructeur nippon. C'est cet homme qui parvient à le remettre à flot, à grands coups de suppressions d'emplois notamment.
De son côté -toujours fin des années 90-, Renault se porte bien, c'est la première marque européenne mais son développement à l'international laisse à désirer.
La prise de participation dans Nissan est une excellente opération dans ce domaine. Les synergies se développent peu à peu, jusqu'à la mise en commun de plateformes de production et de moteurs partagés entre les deux marques.
Le pari du "low cost" est-il réussi ?
Toujours à la fin des années 90, Renault rachète un petit constructeur roumain : Dacia. Le Français profite de ses sites de production et d'un coût du travail très bas. Il lance des modèles dits "low cost", à bas coûts. Le premier sort en 2004, c'est la Logan.
Et là, surprise, ces voitures répondent à une demande : des modèles solides, moins sophistiqués et surtout beaucoup moins chers. La Logan coûte moins de 8000 euros, la moitié d'un modèle Renault.
Aujourd'hui encore, la concurrence n'a toujours pas rattrapé Dacia sur ce créneau de la voiture "low cost".
Renault peut-il survivre sans Nissan ?
Ces deux coups de maître de Carlos Ghosn lui ont valu le surnom de "bâtisseur d'empire".
20 ans après sa création, l'alliance Renault-Nissan représente une voiture sur neuf vendues dans le monde. L'alliance est numéro un, devant Volkswagen et Toyota, pour les véhicules légers.
Problème : si les deux groupes venaient à se séparer, Nissan tomberait à la 6è place, Renault au 8è rang mondial.
Or, la chute de Carlos Ghosn semble être une menace pour l'alliance entre les deux groupes, comme l'explique un fin connaisseur du dossier, le journaliste à La Tribune Nabil Bourassi : "La pérennité de l'alliance Renault-Nissan aujourd'hui est surtout fondée sur la personnalité de Carlos Ghosn. Les Japonais lui sont extrêmement redevables d'avoir sauvé cette entreprise. Il est l'une des personnalités les plus respectées du capitalisme japonais aujourd'hui. Il y avait cette légitimité qui permettait d'être le ciment de cette alliance. Le départ de Carlos Ghosn ouvre la voie à de fortes incertitudes sur l'alliance."
"Renault n'est pas un constructeur solide"
Concernant l'avenir de Renault, si cette alliance venait à exploser, Nabil Bourassi se montre pessimiste : "Renault a besoin de Nissan pour amortir ses coûts, pour amortir le développement de ses voitures sur des plateformes communes. Aujourd'hui, Renault n'est pas un constructeur automobile solide. Renault a des difficultés structurelles importantes. Sa gamme supérieure (les Kadjar, Espace -ce qui rapporte beaucoup d'argent-) ne fonctionne pas chez Renault, c'est un échec commercial et ça c'est un gros problème structurel pour l'avenir de l'entreprise."
20 ans après, Nissan a très largement dépassé son sauveur. C'est l'entreprise nippone qui pourrait un jour vouloir prendre le contrôle de son allié. Exactement ce que craignent les autorités françaises. Renault, l'emblême national, est menacé.