Vu de Grèce : Entre Athènes et Washington, la théorie des vases communicants mise en pratique
Les Grecs, plus que d'autres citoyens du monde, attendent en retenant leur souffle le résultat du scrutin du 6 novembre. C'est que tout faux pas, de la part de la Grèce ou de l'Union européenne, qui aggraverait la crise, pourrait gêner les candidats, en particulier Barack Obama. Romney lui, agite le chiffon rouge grec au visage effaré des Américains. Alors, à Athènes, nous dit Alexia Kefalas, journaliste à I Kaphimerini, l'un des grands quotidiens grecs, tout le monde marche comme sur la pointe des pieds.
Depuis plusieurs mois à Athènes, la référence aux élections américaines dans la presse écrite ou audiovisuelle est quotidienne. Je retrouve le même discours en interrogeant les manifestants pendant les grands rassemblements ou en discutant avec des amis : « Rien ne se passera de décisif en Grèce et en Europe avant les élections américaines ». Chacun se base sur la déclaration d’un haut représentant de l’Union Européenne il y a quelques semaines : « L'administration Obama ne veut pas qu'un quelconque événement macroéconomique vienne ébranler l'économie mondiale avant le 6 novembre ». Pour la majorité des Grecs, il n’y a aucun doute : leur pays étant au cœur des échéances politico-économiques mondiales, cette phrase les concerne donc directement. Tout est dans tout Il faut dire que le timing est intéressant. Au moment où les Américains s’apprêtent à voter, Athènes et l’Union Européenne attendent le rapport de la troïka (émissaires de l’UE et du FMI) sur la viabilité de la dette grecque. En clair, cela signifie que si le rapport est négatif, la Grèce se verra couper les vivres et ce sera la faillite assurée. On entrera alors dans une spirale infernale en Europe avec effets dominos à la clé sur les autres pays vulnérables du Sud de l’Europe comme l’Espagne ou le Portugal. Et si l’Union Européenne tombe ou la zone euro explose, la récession sévira de plus belle et ce sera une défaite assurée pour les démocrates. La fragilité de la Grèce actuellement est telle, qu’un tel scénario n’est pas écarté. Barack Obama aurait-il donc peur d’un krach ? Personne ne veut parier dessus officiellement, mais les débats vont bon train. En attendant, le fameux rapport ne devrait être rendu que mi-novembre... de quoi soulager le candidat démocrate. Et contrairement aux idées reçues, ce gain du temps n’est pas si mal perçu par la population hellénique. La plupart des Grecs, abattus par l’austérité depuis deux ans et demi, ne demandent qu’à sortir du gouffre. Le pays entre dans sa sixième année de récession, à un taux de chômage incontrôlable à plus de 25% et s’apprête à adopter une nouvelle cure d’austérité avec des baisses supplémentaires sur les salaires et les retraites. L'épouvantail grec agité par Romney C’est sans doute la raison pour laquelle l’ironie de Mitt Romney ne passe pas dans l’opinion publique. Le candidat républicain a menacé les Américains de devenir comme « la Grèce, l’Espagne ou l’Italie » si Obama était réélu. Le lendemain, l’orateur a justifié sa gaffe en invoquant une plaisanterie mais les Grecs - et surtout ceux de la très importante diaspora des États-Unis - ne lui pardonnent pas cet écart. Nombre d’entre eux préfèrent donc voit Barack Obama rester à la Maison Blanche. D’autres s’interrogent depuis Athènes sur le pouvoir décisionnaire du vieux continent face aux Etats-Unis. La question n’est pas dénuée de sens, surtout quand on observe l’Europe retenir son souffle jusqu’au soir du vote, le 6 novembre prochain.