La guerre au Yémen dure depuis plus de dix ans. De nouvelles frappes de l'Arabie saoudite ont détruit un bus et tué 51 personnes dont 40 enfants. Mais derrière cette tragédie existe un conflit de longue date.
Au Yémen, un raid aérien de la coalition menée par l'Arabie saoudite ramène la lumière sur un conflit qui dure depuis plusieurs années. Le bilan émeut : 51 morts dont 40 enfants. Mais derrière cette tragédie, un pays en proie à des divisions depuis des années.
Le Yémen, instable depuis sa création
Pour comprendre la guerre au Yémen, il faut d'abord remonter dans son histoire. La Guerre froide a divisé le pays, pendant de nombreuses années, entre un bloc au Nord lié à l'URSS (la "République démocratique populaire") et un bloc au Sud très religieux (la "République arabe").
Un an après la chute du mur de Berlin, le Yémen est réunifié. Mais des tensions communautaires qui existaient déjà dans chacun des blocs se retrouvent exacerbées.
Concrètement, les Zaydites, "minoritaires" dans le pays, contestent le pouvoir central. Le zaydisme est une branche de l'islam chiite et est pratiqué, dès 1990, par environ 40% de la population du Yémen. Minoritaire donc mais avec une importance certaine.
Peu après la réunification, la contestation des Zaydites s'organise autour d'un homme, Hussein Badreddine al-Houthi, chef religieux dont la mouvance prendra le nom. C'est pourquoi on connaît bien plus aujourd'hui les Zaydites sous le nom de "Houthis".
Car en 2004, ceux-ci, ayant le sentiment d'être mis à la marge de la société yéménite, tant sur le plan politique qu'économique, organisent de grandes manifestations. Parmi les victimes de la répression, le chef, Hussein Badreddine al-Houthi. L'insurrection des Houthis s'en trouve galvanisée et les révoltés s'emparent de territoires dans les montagnes, au Nord, puis le long de la frontière avec... l'Arabie saoudite.
Puis arrive les "Printemps arabes". Le président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis plus de 30 ans puisqu'il dirigeait déjà la "République démocratique populaire" avant la réunification, voit se lever contre lui la population yéménite dans sa grande majorité. Et ce que les Houthis n'avaient pas réussi auparavant se produit en 2012 : Ali Abdallah Saleh doit quitter le pouvoir.
Son vice-président, Abd-Rabbo Mansour Hadi, reprend les rênes du pays. Parmi ses premières mesures, il met en place un nouveau découpage du territoire. Mais les insurgés chiites ne sont pas satisfaits. Ils revendiquent des terres qui leur soient propres et qui bénéficient d'un accès à la mer. En 2014, les Houthis reprennent donc leur révolte et entrent dans Sanaa, la capitale.
Les intérêts étrangers en ligne de compte
Lorsque les Houthis s'emparent des territoires frontaliers avec l'Arabie saoudite (sunnite), cette dernière s'inquiète de la révolte chiite. Résultat, Riyad ordonne des frappes sur les différentes positions des Houthis.
Et en 2015, la situation s'envenime. Un an après leur entrée dans la capitale, les Houthis prennent le contrôle du palais présidentiel. Le président Abd-Rabbo Mansour Hadi est forcé de fuir. Ryiad décide de lancer une opération militaire ("Tempête décisive") avec le soutien de neufs nations arabes. C'est cette opération qui dure encore aujourd'hui et qui a amené la mort récente de 51 personnes. Des frappes aériennes menées sur les Houthis, que l'Arabie saoudite accuse d'être soutenus par l'Iran.
Cette affirmation mène de nombreux observateurs à une thèse, celle d'une guerre indirecte sur le territoire yéménite entre l'Arabie saoudite et l'Iran. Si elle est répandue, cette thèse ne fait pourtant pas l'unanimité : Laurent Bonnefoy, un chercheur spécialiste, entre autres, du Yémen, expliquait en 2017 dans son livre Le Yémen, de l'arabie heureuse à la guerre que : "si l’appartenance des Houthistes à une galaxie pro-iranienne (...) ne fait guère de doute, les ressorts de la guerre au Yémen ne peuvent être réduits à cette dimension régionale et à la rivalité entre sunnisme et chiisme".
La présence des organisations terroristes
En plus de ces affrontements, la présence d'organisations terroristes violentes vient complexifier la réalité du terrain. Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), l'une des branches les plus virulentes et actives d'Al-Qaïda, est présente de longue date au Yémen et est à l'origine de nombreux attentats dans le pays.
S'ajoute à cela l'arrivée, fin 2014, de l'État islamique (Daech). Auteurs d'attentats très violents, les combattants de l'EI sont encore présents dans le pays, à hauteur de 500 selon le dernier rapport de l'ONU.
La catastrophe humanitaire
Le conflit est aggravé parune situation de détresse humanitaire. Le pays ne produisant que peu de nourriture (et la guerre a d'autant plus appauvri la production du Yémen), la population dépend grandement des importations et de l'aide humanitaire.
Mais cette aide humanitaire ne parvient pas, ou très difficilement, jusqu'aux civils puisque les différents acteurs du conflit s'opposent à cette aide. Résultat, le risque de famine menace près de la moitié de la population yéménite.
En 2017, une épidémie de choléra, conséquence directe du conflit, a frappé près d'un million de personnes. Le bilan s'élève à plus de 2 000 victimes.